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Campus - ENTRETIEN

Tamara Elzein à la tête du CNRS-L

Début juillet, Tamara Elzein, docteure en chimie physique, a pris officiellement ses fonctions de secrétaire générale du Conseil national de la recherche scientifique du Liban (CNRS-L). Entretien avec celle qui devient la première femme à diriger cette institution.

Tamara Elzein à la tête du CNRS-L

Tamara Elzein est la première femme à diriger le CNRS-L. Photo Ali el-Ali

Que représente cette nomination pour vous ?

À l’échelle personnelle, c’est une reconnaissance de mon parcours et de mon expérience. C’est une reconnaissance également de la place des femmes dans les milieux de décision scientifique, mais aussi des chercheurs du CNRS-L, car en effet, c’est la première fois qu’une personne de l’intérieur de l’institution est désignée à sa tête. L’avantage, c’est que je connais déjà le système dans ses moindres détails, je connais le personnel et les défis, vu que j’ai été engagée dans plusieurs programmes. Cela me permet de mettre en place certaines mesures rapidement pour contrer cet état d’usure dont souffre l’institution.

Quelles sont donc ces mesures, surtout que le premier obstacle au fonctionnement du CNRS-L est financier ?

Le problème majeur, commun au secteur public, c’est le budget maigre! Le CNRS-L a deux missions : la première est celle de nos quatre centres qui font de la recherche ciblée et qui fournissent des services ; et la seconde est celle d’orienter et financer la recherche dans les universités et les centres de recherche. Vu la crise, il y a une adaptation à faire. Si nos centres sont capables de s’engager dans des projets internationaux qui assurent plus ou moins leur continuité, les chercheurs, qu’ils soient du CNRS-L ou des universités, ne sont pas assez rémunérés, ce qui affecte leur motivation et pousse certains à quitter le pays. Il s’agit donc d’adapter nos ressources pour leur procurer plus de moyens financiers et des voies de compensation via les projets qu’ils attirent ou par des programmes externes que je finalise en ce moment. Concernant la mission de financement de la recherche dans les universités, je négocie pour assurer des financements étrangers, en plus d’une petite contribution du CNRS-L. Ce serait un bon schéma. Aussi nous repensons la nature des projets à financer de sorte qu’ils soient moins coûteux et plus valorisables.

Qu’en est-il de l’adaptation de la mission du CNRS-L ?

Pour contourner les contraintes budgétaires, il faudrait aller vers un investissement financier plus ciblé pour un maximum de rentabilité, et il faut surtout redéfinir une politique nationale de la recherche scientifique. C’est cette politique qui doit nous guider dans les nouvelles orientations, afin de définir la vision et l’identité scientifiques du pays. On passe désormais d’une phase où notre recherche se faisait dans tous les sens, comme tout débutant, alors qu’il est temps de saisir la crise comme tournant pour déterminer le nouveau visage d’excellence de l’écosystème scientifique libanais. L’un des rôles du CNRS-L sera donc de mobiliser la réflexion nationale afin de déterminer quelle recherche entreprendre au Liban et d’en définir les objectifs…

Quelles sont les priorités en matière de stratégie aujourd’hui ?

L’un des nouveaux axes stratégiques du CNRS-L est d’établir les liens sciences-société en vue d’une valorisation de la recherche libanaise. Il ne suffit plus de produire des articles qui serviront dans les classements et les indicateurs quantitatifs, mais il est temps de valoriser ce savoir accumulé. Ainsi, le terme « société » est pris au sens large du terme, englobant les décideurs, les milieux économiques et les citoyens. Premier volet de cet axe : je pense vraiment que la crise est une opportunité si l’on admet qu’il est temps de faire de la recherche pour les politiques publiques. Le CNRS-L invitera ainsi, via ses programmes, les chercheurs libanais à formuler leurs recherches en recommandations servant les politiques de l’État, qu’elles soient économiques, sociales, industrielles, agricoles, environnementales, éducatives, culturelles, sanitaires, etc. Le deuxième volet prioritaire veut remédier à l’absence de connexion entre la recherche et le milieu socio-économique, à travers une structure nationale de dialogue, en vue de contribuer au développement des secteurs productifs. Quant au troisième volet, c’est à nous, responsables et chercheurs, de rendre la recherche accessible au grand public, de lui montrer la finalité du savoir produit et de restaurer sa confiance dans la science. À partir de ce moment, on peut un jour espérer un mouvement de solidarité de la part des citoyens vis-à-vis des chercheurs et de la recherche, et c’est crucial !

Un mot de fin ?

Notre vraie richesse est notre capital humain. Si l’on ne travaille pas au cours des prochaines années à consolider sa place, on aura perdu tout l’investissement effectué dernièrement. « C’est de la crainte du lendemain que l’espoir est né », dit-on. Il faut donc préserver cet espoir, c’est une phase qui passera. Même si ses conditions de vie se sont dégradées, le chercheur libanais demeure convaincu de sa noble mission vis-à-vis de notre patrie.


Que représente cette nomination pour vous ?À l’échelle personnelle, c’est une reconnaissance de mon parcours et de mon expérience. C’est une reconnaissance également de la place des femmes dans les milieux de décision scientifique, mais aussi des chercheurs du CNRS-L, car en effet, c’est la première fois qu’une personne de l’intérieur de l’institution est désignée à sa...

commentaires (1)

Une analyse pertinente des enjeux et des défis qui attendent Mme la nouvelle SG. L'écoute de "l'écosystème" politique sera déterminante. Meilleurs voeux de succès.

Jarmache Elie

12 h 07, le 22 juillet 2022

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Commentaires (1)

  • Une analyse pertinente des enjeux et des défis qui attendent Mme la nouvelle SG. L'écoute de "l'écosystème" politique sera déterminante. Meilleurs voeux de succès.

    Jarmache Elie

    12 h 07, le 22 juillet 2022

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