L'incendie dans les silos de blé au port de Beyrouth, déjà gravement endommagés par l'explosion meurtrière du 4 août 2020, et qui s'est déclaré il y a une dizaine de jours, se poursuivait samedi soir, en dépit d'une intervention d'hélicoptères de l'armée libanaise pour l'éteindre. Il aura fallu une dizaine de jours aux autorités pour enfin se décider à éteindre le feu qui ravage ces structures, touchées de plein fouet par le souffle du drame qui a fait plus de 220 morts et 6.500 blessés et dévasté des quartiers entiers de la capitale du Liban.
L'incendie, qui s'est déclaré début juillet dans la partie la plus atteinte des silos, a été causé par la fermentation des stocks de grains restants, conjuguée à de fortes températures. Depuis, des riverains qui continuent de panser leurs plaies sont de nouveau traumatisés par les flammes.
Selon des images publiées sur Twitter par le journaliste basé à Beyrouth Matt Kynaston un hélicoptère luttait contre l'incendie dans les silos, samedi en fin de matinée. Un porte-parole de l'armée, contacté par notre publication anglophone L'Orient Today, a confirmé qu'un hélicoptère militaire a été déployé en matinée pour éteindre les flammes, et qu'un autre a été envoyé l'après-midi. Mais samedi en fin de soirée, les flammes étaient toujours visibles a l’intérieur des silos, après la fin du ballet d’hélicoptères.
Lebanese Civil Defence finally extinguish fire in grain silo at #Beirut Port. pic.twitter.com/DkyoY8oS8U
— Matt Kynaston (@MattKynaston) July 16, 2022
Un peu plus tôt, le député Melhem Khalaf, issu de la contestation populaire, a annoncé qu'un accord a été conclu la veille avec les autorités pour éteindre le feu. "Nous nous sommes rendus hier soir aux silos en feu, accompagnés de certains proches des victimes de l'explosion. Nous avons insisté à entrer en contact avec les ministres concernés. Ceux des Travaux publics, de l'Environnement et de l'Économie ont répondu présents, ainsi que le mohafez de Beyrouth. Il a été convenu, en notre présence, d'éteindre le feu, en coopération avec l'armée libanaise. En espérant que cet accord sera appliqué aujourd'hui", a écrit sur Twitter M. Khalaf.
توجهنا مساء الأمس الى الإهراءات المشتعلة،مع بعض أهالي ضحايا ٤ آب،وأصرينا على التواصل مع الوزراء المعنيين،فحضر وزراء الأشغال والبيئة والإقتصاد بالإضافة الى محافظ بيروت. فتمّ التوافق أمامنا على إطفاء النيران بالتعاون مع الجيش!على أمل التنفيذ اليوم!@najat_saliba @CynthiaZarazir pic.twitter.com/XJXkp6gf6c
— Melhem Khalaf (@MelhemKhalaf) July 16, 2022
Des collectifs et des familles de victimes appellent régulièrement à préserver ce lieu symbolique, alors que les autorités souhaitent le détruire, affirmant qu'il menace de s'effondrer à tout moment. Le directeur général des silos du port, Assaad Haddad, avait expliqué à l'AFP que la température émise par l'incendie déclenché début juillet n'était pas suffisamment élevée pour provoquer des dommages structurels ou dégager une fumée toxique. Quant au ministre sortant de l'Économie, Amine Salam, il faisait valoir que "ces incendies continueront tant qu'il y aura des grains". Il avait cependant ajouté que la présence du blé contribue à la stabilité de la structure, et prévenu que "si les silos se vident de leur contenu, il pourrait y avoir un effondrement partiel".
Dans un rapport qu’il avait remis aux autorités libanaises et que L’Orient-Le Jour avait pu consulter en avril 2021, Emmanuel Durand, ingénieur français basé à Genève, avait recommandé la démolition partielle des silos avant qu’ils ne s’effondrent. Le gouvernement sortant de Nagib Mikati avait approuvé, le 16 mars, la démolition des silos, de crainte qu'ils ne s'effondrent. Cette décision a cependant été annulée après que le ministre sortant de la Culture, Mohammad Mortada, a classé les silos parmi les monuments historiques.
Le Liban marquera le 4 août le deuxième anniversaire de l'explosion du port, alors que l'enquête sur les causes du drame est suspendue depuis des mois. Pointées du doigt pour négligence criminelle, les autorités sont accusées par les familles des victimes et des ONG de la torpiller pour éviter des inculpations.
Avec tout mon respect pour les familles des victimes, ne vaudrait il pas mieux démolir cette plaie béante et la remplacer par un monument dédié aux victimes de ce crime contre l’humanité qu’a été l’explosion du 4 août. Un peu comme ground zero à Manhattan. Je pense qu’une levée de fonds sous l’égide de l’UNESCO pourrait faire aboutir un tel projet pour honorer à jamais ces victimes.
10 h 13, le 17 juillet 2022