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Politique - Décryptage

Entre Aoun et Mikati, le fossé se creuse

Entre Aoun et Mikati, le fossé se creuse

Michel Aoun recevant Nagib Mikati mercredi au palais de Baabda. Photo Dalati et Nohra

En quelques heures, le climat général entre le président du Conseil désigné et son camp d’un côté, le chef de l’État et le sien de l’autre est passé de l’attente positive à la tension négative. Ce qui aurait dû être un pas montrant le sérieux de Nagib Mikati et sa volonté de profiter au maximum du court laps de temps avant l’élection présidentielle s’est ainsi transformé pour le Courant patriotique libre et ses proches en manœuvre visant à paralyser ce qui reste du mandat Aoun, en faisant attribuer au camp présidentiel la responsabilité du blocage gouvernemental.

Comment les choses en sont-elles arrivées là ? Lorsque le président du Conseil a sollicité un rendez-vous urgent à Baabda, juste après la fin des consultations parlementaires non contraignantes mardi soir, au palais présidentiel, nul n’imaginait que Mikati allait soumettre à Aoun une mouture du nouveau gouvernement, puisqu’il n’y avait encore eu aucune discussion à ce sujet. Mais lorsque Mikati a remis à Aoun une formule gouvernementale élaborée à la hâte et écrite à la main, les milieux de Baabda ont considéré qu’après tout, cela pouvait être une bonne chose car cela permettait de discuter à partir d’éléments concrets. Mais après avoir découvert le contenu, c’était la grande surprise. Selon les proches de Baabda, il apparaît clairement dans la formule de Mikati qu’aucun effort concret n’a été fait pour améliorer la représentation des différentes parties, surtout après les élections législatives. De même, critique-t-on de même source, la demande de procéder à une rotation des portefeuilles n’a pas été prise en compte et le seul changement important a eu lieu au ministère de l’Énergie qui a été attribué à une personnalité sunnite à la place du ministre (grec orthodoxe) Walid Fayad. Et ce alors que, selon l’argumentation de Mikati, le temps manque pour désigner de nouvelles personnalités à la tête des portefeuilles importants où le travail est en cours, car il faudra attendre qu’elles se familiarisent avec les dossiers urgents et cela peut prendre du temps. Parmi ces dossiers, il y a forcément celui de l’électricité, notamment le plan adopté et les contrats signés avec l’Égypte, la Jordanie et la Syrie. Il y a aussi celui du tracé de la frontière maritime, lié d’une certaine manière au ministère de l’Énergie, ainsi que les négociations avec le FMI. Pour ce dernier dossier, Mikati a changé le ministre des Finances, mais il a choisi une personnalité dans la même mouvance politique et confessionnelle: l’ancien membre de la commission parlementaire des Finances et ancien député du bloc Amal (de Nabih Berry) Yassine Jaber. Par contre, au niveau de l’Énergie, il a préféré une personnalité sunnite, sachant que cela ne plairait pas au CPL et au camp présidentiel qui vont se considérer comme étant la seule partie politique sanctionnée. Au cours de leur rapide entretien mercredi, Aoun et Mikati n’ont pas vraiment évoqué ce sujet, le chef de l’État s’étant contenté de promettre qu’il allait étudier la proposition avant de donner sa réponse. De son côté, Mikati a justifié son choix en se basant sur un adage populaire qui dit: « fais au mieux avec ce qui existe ». Mais le malaise était réel. Très vite, des fuites ont commencé à circuler dans les médias et les rumeurs ont commencé à s’amplifier, certaines évoquant notamment un changement du ministre des Affaires étrangères et de la ministre du développement administratif entre autres. Pour couper court à toutes ces supputations, la mouture a été communiquée aux médias qui l’ont publiée. Aussitôt les deux camps ont commencé à se lancer des accusations sur la responsabilité de « cette fuite », estimant que cette démarche visait à entraver le processus, non à pousser vers une entente.

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En réalité, le problème est ailleurs. Il consiste dans une approche totalement différente de la période à venir. Mikati ne pense pas que cela vaut la peine de former un gouvernement de changement pour un laps de temps aussi court jusqu’à l’élection présidentielle. Il n’a donc pas voulu mener nouvelles batailles, ni avec le président de la Chambre ou le Hezbollah, ni avec le Parti socialiste progressiste de Walid Joumblatt, ni même avec les forces du changement ou avec les députés sunnites. En effet, de son point de vue, Mikati se heurte à l’absence d’un leadership sunnite sur lequel s’appuyer et qui pourrait lui assurer une couverture confessionnelle. Il ne serait donc pas en position de force dans les négociations. De même, selon ses proches, la phrase qui est revenue régulièrement dans le cadre des consultations parlementaires qu’il a menées avec les députés était la suivante: il ne faut pas donner une part consistante au sein du gouvernement au CPL. Pour éviter de s’engager dans de nouvelles négociations avec les différentes parties chrétiennes, Mikati a donc préféré garder la même composition, privant toutefois le CPL d’un portefeuille de poids, celui de l’Énergie, sans lui donner un autre en compensation.

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Pour le camp présidentiel, cette attitude est inacceptable, car elle donne l’impression que le seul responsable de la crise est le CPL alors que toutes les autres parties participant au gouvernement ont été épargnées, même l’ancien président du Conseil Saad Hariri qui aurait demandé que le ministre de la Santé Firas Abiad soit maintenu à son poste. De plus, toujours selon Baabda, il est aussi inacceptable de considérer les prochains mois comme une période transitoire où il vaut mieux ne rien entreprendre. Pour le camp présidentiel, on ne peut pas laisser les dossiers en suspens jusqu’à la fin du mandat, juste parce qu’on ne veut pas permettre au chef de l’État d’enregistrer la moindre réussite. On ne peut pas ainsi faire payer aux citoyens, qui souffrent déjà assez, le prix des règlements de comptes internes avec Aoun et son camp. D’autant que des dossiers importants aux yeux du président sont en cours, notamment le processus de l’audit juricomptable, les négociations sur le tracé des frontières et le plan pour l’électricité. De plus, le CPL estime avoir obtenu un résultat honorable aux élections législatives, ce qui devrait lui permettre de conserver sa part au gouvernement, surtout en l’absence des autres parties chrétiennes qui ont choisi de boycotter le nouveau cabinet. Si Aoun et Mikati ne règlent donc pas ce différend, le Liban devra rester avec un gouvernement démissionnaire jusqu’à la fin du mandat présidentiel... et peut-être même après.

En quelques heures, le climat général entre le président du Conseil désigné et son camp d’un côté, le chef de l’État et le sien de l’autre est passé de l’attente positive à la tension négative. Ce qui aurait dû être un pas montrant le sérieux de Nagib Mikati et sa volonté de profiter au maximum du court laps de temps avant l’élection présidentielle s’est ainsi...
commentaires (16)

EN PARLANT DE FOSSE IL NOUS VIENT A L,ESPRIT LES FOSSOYEURS DE CE PAYS ET C,EST TRES TRISTE DE LES VOIR TOUS ECHAPPER A LA COLERE DU PEUPLE ET GOUVERNER DE NOUVEAU PAR LA VOIX DE CE MEME PEUPLE APPAUVRI ET AFFAME. IRONIE DU SORT... OU BETISE DU PEUPLE ?

LA LIBRE EXPRESSION. LA PATRIE EST EN DANGER.

18 h 51, le 01 juillet 2022

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Commentaires (16)

  • EN PARLANT DE FOSSE IL NOUS VIENT A L,ESPRIT LES FOSSOYEURS DE CE PAYS ET C,EST TRES TRISTE DE LES VOIR TOUS ECHAPPER A LA COLERE DU PEUPLE ET GOUVERNER DE NOUVEAU PAR LA VOIX DE CE MEME PEUPLE APPAUVRI ET AFFAME. IRONIE DU SORT... OU BETISE DU PEUPLE ?

    LA LIBRE EXPRESSION. LA PATRIE EST EN DANGER.

    18 h 51, le 01 juillet 2022

  • Ba3ed hmaré ma yinbout hashish.

    PPZZ58

    17 h 38, le 01 juillet 2022

  • Aoun est habitué au même scénario. Les va-et-vient des premiers ministres désignés.. Cette fois-ci, Mikati va après quelques déplacements à Baabda, oublier Aoun, jusqu'au 31 octobre. Il est certain que celui habitué aux blocages pendant la moitié de son sexennat, ne va pas y renoncer en finale.

    Esber

    17 h 30, le 01 juillet 2022

  • Woow! Réussir encore à creuser un fossé dans l'enfer est un exploit que seul des entrepreneurs de la trempe des prezs libanais de toutes appellations (état, gouv, parle... wa halouma amphora) en sont capables, et y prennent grand plaisir.

    Wlek Sanferlou

    16 h 37, le 01 juillet 2022

  • Quand deux "responsables"se détestent aussi visiblement...chaque photo de leurs rencontres, depuis le début, crie cette haine et le rejet, surtout de la part du BIG BOSS NO 1... on devrait les remplacer aussi rapidement que possible, car tout le pays en subit les conséquences néfastes ! Ce ne sont pas les personnes capables, patriotes et honnêtes qui manquent chez nous ! - Irène Saïd

    Irene Said

    15 h 55, le 01 juillet 2022

  • Je vous cite: "DE MEME, CRITIQUE-T-ON DE MEME SOURCE, LA DEMANDE DE PROCEDER A UNE ROTATION DES PORTEFEUILLES N’A PAS ETE PRISE EN COMPTE ET LE SEUL CHANGEMENT IMPORTANT A EU LIEU AU MINISTERE DE L’ÉNERGIE QUI A ETE ATTRIBUE A UNE PERSONNALITE SUNNITE A LA PLACE DU MINISTRE (GREC ORTHODOXE)". Je ne crois pas à cette légende que Madame Haddad mène le lecteur en bateau. Je relève dans son analyse une mauvaise foi chez certains gouvernants, car dans ce jeu de chaises musicales, soit la rotation concerne tout le monde, sinon quel changement que de garder les ministères régaliens ou "juteux", et la rotation c’est pour les autres ministères qu’on attribue à d’autres groupes. Il est loin le bilan des législatives dont personne ne veut tenir compte, et à la lumière des manœuvres politiciennes d’avant, et comme par réflexe, le résultat du vote est autant négligé qu’illisible. Nous avons une crise de régime, car de tractation en tractation, on finit par ne plus avoir de gouvernement, d’où la question : où est l’urgence de mener des réformes ? Marhaba réformes !

    Charles Fayad

    12 h 56, le 01 juillet 2022

  • J’ai une blague pour mâme Pathé Marconi Lorsque Dieu créa la terre, il donna une vertu aux habitants de chaque pays. Il fut tellement satisfait de la beauté du Liban qu’il en octroya trois aux libanais. Il les fit honnêtes, intelligents, et aounistes. L’archange Gabriel, voyant ça, lui dit: mon Dieu, c’est injuste, une vertu pour tout le monde et trois aux libanais? Alors Dieu répondit: oui, mais ils ne pourront en avoir que deux sur les trois. S’ils sont aounistes et intelligents, ils ne seront pas honnêtes, s’ils sont aounistes et honnêtes, ils ne seront pas intelligents, et s’ils sont honnêtes et intelligents, ils ne seront pas aounistes…

    Gros Gnon

    12 h 06, le 01 juillet 2022

  • Eh ben tant mieux que le fossé se creuse, et qu' un nouveau gouvernement formé de la meme c(r)lasse politique ne voit pas le jour... Paralysie , vaut mieux que poursuite du pillage et de l'impunité organisées !

    LeRougeEtLeNoir

    11 h 31, le 01 juillet 2022

  • Ah s’il pouvait y avoir des fosses pour toute cette classe politique pourrie et incompétente au lieu de fossés. Je discutais l’autre jour avec un confrère français de politique libanaise, il m’a sorti une phrase: homme politique libanais et corrompu, c’est un pléonasme

    Lecteur excédé par la censure

    10 h 37, le 01 juillet 2022

  • La voix de son maître !

    Moussalli Georges

    10 h 10, le 01 juillet 2022

  • Il y a urgence, mais pour les mafieux le temps n'a pas la même valeur ... ils ont le temps pour eux et l'argent volé ...

    Zeidan

    09 h 53, le 01 juillet 2022

  • En effet tous les partis politiques sont responsables de la crise mais le CPL et le Futur sont ceux qui ont la plus grande part notamment depuis 2016. Les chiffres sont là pour le prouver. Le pire est que le CPL continue à clamer de façon arrogante qu’il a effectué de grandes réalisations alors qu’il a lamentablement échoué dans tous les dossiers.

    Lecteur excédé par la censure

    09 h 30, le 01 juillet 2022

  • dame scarlett est inebranlable a defendre aoun cheri&son bo tres bo fils, se permet meme de mettre dans la balance l'interet superieur du pays d'un cote, ceux des nommes ci-haut dans l'autre . je la cite: --Ce qui aurait dû être un pas montrant le sérieux de mr.Mikati,..s’est ainsi transformé pour le cpl (ses proches aussi ?)en manœuvre visant à paralyser ce qui reste du mandat Aoun. -procéder à une rotation des portefeuilles n’a pas été prise en compte( d'ou sort elle ce truc sinon des méninges des ci-haut)? -- faut pas donner une part consistante au CPL. -Mikati a prive le cpl d’un portefeuille de poids, celui de l’Énergie, (cpl qui y a tellement bien reussi) -cela ne plairait pas au CPL et au camp présidentiel --en bref, scarlett cite ds son decryptage miracle,aoun,baabda,cpl 25 fois . --le plus hilarant est lorsqu'elle parle de reformes supposees etre accomplies durant les 4 mois restants.... alors que ses 2 adores n'ont pas reussi 1 seule reforme depuis leur retour de france.

    Gaby SIOUFI

    08 h 58, le 01 juillet 2022

  • On recommence le même cirque : partagé le gâteau est une spécialité de ce pays même si on le le laisse pourrir. Aucun gouvernement ne verra le jour avant les élections présidentielles et le pays continuera à s’enfoncer.

    Karam Georges

    07 h 57, le 01 juillet 2022

  • On parle toujours de parts à se partager ! Rien n’a donc changé. Si les Finances appartiennent aux chiites, c’est grâce à l’appui inconditionnel et incompréhensible du CPL au hezbollah. On ne peut pas invoquer sa propre turpitude. Compte tenu des résultats catastrophiques des ministres de l’électricité depuis plus de dix ans confier ce ministère vital aux mêmes nuls serait un vrai suicide.

    Goraieb Nada

    07 h 51, le 01 juillet 2022

  • "Aucun effort concret n’a été fait pour améliorer la représentation des différentes parties". J'avais toujours pensé - naïvement, dans doute - que le but d'un gouvernement était de "gouverner" le pays au mieux des intérêts des citoyens. Merci à Madame Haddad de me remettre les idées en place. Le critère principal qui doit être retenu pour la formation d'un gouvernement - du moins au Liban - n'est évidemment pas l'efficacité - dont, fort justement, tout le monde se moque - mais la répartition équitable des portefeuilles (peut-être vaudrait-il mieux dire "les parts du gâteau") entre les différentes parties. Où avais-je la tête? Il est, bien sûr, scandaleux de vouloir retirer au CPL le ministère de l'Energie qu'il détient depuis une douzaine d'années (ce qui lui confère tout de même un droit de préemption. Non?), sous le prétexte futile qu'il y a prouvé son inefficacité. Allons donc! Nous sommes au Liban, tout de même!

    Yves Prevost

    07 h 19, le 01 juillet 2022

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