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Lifestyle - Mode

La promotion 2022 de l’ALBA : un seul étudiant et des projets « réalistes »

La promotion 2022 de l’ALBA : un seul étudiant et des projets « réalistes »

Modèles de la collection de diplôme d’Anthony Assemaani. Photos Chaker Abi Rached

La semaine dernière, alors qu’habituellement elle comporte au moins trois diplômés, la promotion de l’école de mode de l’ALBA n’en comptait qu’un seul, dont la démarche préfigure l’adaptation de l’académie à des réalités nouvelles.

La collection de diplôme d’Anthony Assemaani, puisqu’il s’agit de lui, avait laissé l’impression d’une cérémonie sacrée. Ses mannequins au visage voilé étaient rendus hiératiques par des textures qui semblaient empruntées à l’univers des sous-bois ou des forêts tropicales, des tressages démesurés, des volumes imposants, des lianes en crochet, des patchworks improbables. Ce que cherche ce créateur en herbe, dit-il, c’est apporter une réponse à la déconnexion que subissent nos contemporains avec la réalité terrestre. Avec l’invasion du tout numérique, « nous vivons perdus entre réalité et fiction, surtout après la pandémie de Covid-19 », précise le jeune couturier qui déplore le fait de ne pas ressentir de vie dans les vêtements qu’il possède. Il décide donc d’apporter littéralement un supplément d’âme à ses créations, y compris aux chaussures inspirées des geta japonaises, avec leurs semelles en ciment à base de papier. « Animiste, je ne percevais aucune âme, aucun esprit dans ce que je possédais. J’ai donc décidé de me concentrer sur les techniques fait main comme le macramé, le tricot, le crochet, la courtepointe, le patchwork et autres... Ce sont de longs processus méditatifs qui redonnent vie à toutes les pièces textiles, récupérées de diverses sources (rideaux déchirés par l’explosion du 4 août, chutes de tissu, vieux vêtements). Les pièces qui en résultent sont à 100 % issues du recyclage », explique le nouveau diplômé dont certaines créations ont également subi une nouvelle teinture à base de café et autres pigments organiques.

Modèles de la collection de diplôme d’Anthony Assemaani. Photos Chaker Abi Rached

Éric Mathieu Ritter, nouveau directeur

Pour une école qui a connu un départ fulgurant, il était cependant consternant de constater que cette nouvelle promotion n’était représentée que par un seul étudiant. Mais au regard des violentes secousses que traverse le Liban depuis 2019, on peut aussi se réjouir qu’il y ait au moins un rescapé. Ces secousses ont aussi provoqué des changements dans l’organigramme, avec la propulsion du créateur Éric Ritter à la direction de l’école de mode, comme l’annonce Isabelle Eddé, la directrice du bureau du doyen : « Née en 2015, avec pour partenaire la prestigieuse université belge Ensav – La Cambre, et pour parrain le designer Rabih Kayrouz, l’école de mode de l’ALBA a été d’abord dirigée par Émilie Duval, qui a construit le cursus, monté l’équipe pédagogique et donné à cette belle aventure toute son épaisseur, avec brio, élégance et sagacité. En dépit des moments extrêmement difficiles que traverse le pays depuis 2019, l’école trace sa route sur les sentiers escarpés et tortueux du stylisme et de la mode : c’est Éric Mathieu Ritter, lui-même designer et fondateur de la marque Emergency Room, qui est désormais aux commandes de l’école et qui propose pour l’avenir une vision plus ancrée dans les réalités libanaises complexes du moment, mais également impactée par les enjeux nouveaux d’un monde qui change. »

Le doyen de l’ALBA, le professeur André Bekhazi, soulignait lui-même, lors de la remise de son diplôme à Anthony Assemaani, que la plus grande difficulté rencontrée par les étudiants de l’académie, dans l’ensemble des départements, n’était pas tant due à l’écolage qu’à la cherté du matériel et des outils. Une évidence qui impose une urgente réadaptation. Aussi, la vision d’Éric Mathieu Ritter pour son mandat à la tête de l’école de mode est-elle en rapport avec cet état de fait : « Étant basés au Liban, nous ne savons que trop bien qu’il ne sert à rien de rêver sans savoir si ces rêves peuvent être concrétisés. C’est pourquoi les projets proposés aux étudiants, dans leur élaboration, énoncés et exécution, prennent en considération la situation socio-économique de notre environnement et transforment les nombreux défis auxquels nous faisons face en tremplins créatifs », affirme le nouveau directeur, qui donne pour exemple le travail d’Assemaani : « C’est d’ailleurs sur ces réalisations que se base l’entièreté du travail de recherche et la collection d’Anthony. Il s’est donné pour défi de n’acheter aucun matériel. Il a ainsi créé sa collection en utilisant des chutes de tissu, des vêtements usés offerts par d’autres étudiants. Les problèmes d’électricité l’ont poussé à s’intéresser à des techniques artisanales manuelles comme le crochet, le macramé ou le feutrage pour transformer et créer ses matières et vêtements presque sans machine à coudre. Je vous laisse découvrir son travail et son univers en le suivant ou en nous suivant sur Instagram : @anthssz et @alba.mode. » « J’ai surtout envie de transmettre aux étudiants, avec les autres professeurs, tout ce que nous sommes, ce que nous savons, nos doutes, mais aussi et surtout l’envie de créer, de se surpasser, de surmonter, de construire quand tout semble se déconstruire », ajoute avec ferveur ce porte-fanion de la nouvelle génération de la mode libanaise.

La semaine dernière, alors qu’habituellement elle comporte au moins trois diplômés, la promotion de l’école de mode de l’ALBA n’en comptait qu’un seul, dont la démarche préfigure l’adaptation de l’académie à des réalités nouvelles. La collection de diplôme d’Anthony Assemaani, puisqu’il s’agit de lui, avait laissé l’impression d’une cérémonie sacrée. Ses...

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Génial!

M.E

14 h 07, le 27 juin 2022

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Commentaires (1)

  • Génial!

    M.E

    14 h 07, le 27 juin 2022

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