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Culture - Documentaire

Si la politique meurt un jour, l’histoire des réfugiés artistes ne mourra jamais

À l’occasion de la Journée mondiale des réfugiés, instituée par les Nations unies (le 20 juin), le documentaire « The story won’t die », réalisé par le cinéaste américain David Henry Gerson et produit par Odessa Rae, relate l’aventure humaine d’une poignée d’artistes syriens réfugiés. Le réalisateur s’est confié à « L’OLJ ».

Si la politique meurt un jour, l’histoire des réfugiés artistes ne mourra jamais

Votre film, qui a fait la sélection officielle des principaux festivals de documentaires comme les Hot Docs, les AFI Docs et les Watch Docs et qui vous a valu de gagner le prix du meilleur réalisateur à « Doc LA » et le prix du meilleur film au « FIC Autor Guadalajara » sera en tournée dans le monde entier et sur plusieurs plateformes comme (Apple TV, Google TV, Amazon Prime Video, Vimeo On Demand), après une sortie en salle aux États-Unis. Pourquoi avez-vous pensé au problème des réfugiés et plus précisément ceux de Syrie ?

Mon film précédent, Toutes ces voix (All these voices), un film sur des artistes après la Seconde Guerre mondiale libérant le poids de cette guerre, a remporté le Student Academy Award en 2016. Cette même année, il y avait un court métrage sur la crise à Lesbos, intitulé 4.1 miles, qui m’a ouvert les yeux sur le fait que la guerre civile syrienne a causé le déplacement de personnes le plus important et le plus long depuis la Seconde Guerre mondiale. Mes grands-parents étaient des survivants de la Seconde Guerre mondiale. Mon père est né dans un camp de réfugiés après cette guerre. Je pense que, quelque part, je cherchais dans ce film mes propres racines ainsi que des réponses à des questions qui m’ont toujours hanté. Comment traitons-nous la guerre ? Survivre à la survie ? Comment l’artiste s’y prend-il pour mettre en œuvre ses propres expériences traumatisantes immédiates ?

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Cet intérêt, associé à mon ADN et me poussant à m’intéresser à la guerre civile syrienne, m’a amené à commencer cette recherche des Picasso ou du Bob Dylan de ce pire conflit depuis la Seconde Guerre mondiale.

Le rappeur Abu Hajar et le chorégraphe Medhat Aldaabal : quand l’union fait la force. Crédit photo RaeFilm Studios

Quel est selon vous le statut du réfugié alors qu’il est marginalisé par son propre pays mais aussi par le monde entier ?

Je pense que l’apprentissage d’un conflit est à bien des égards comme apprendre à connaître une personne. Vous voyez des faits et des données de loin, des articles de journaux et des vidéos. Vous obtenez une idée générale qu’il y a une guerre et une vague compréhension de ce que signifie être un réfugié. Ensuite, vous voyez des publications, des médias sociaux, puis éventuellement des œuvres d’art, vous obtenez une vue plus complète. Mais s’asseoir avec des gens qui ont connu des zones de guerre, traîner ensemble, les regarder dans les yeux et écouter leurs histoires. Apprendre comment la Syrie les a traités même après leur départ et comment la guerre renseigne sur leur musique et leur art amènent à un nouveau niveau de compréhension. Au cours de la réalisation du film, j’ai appris une quantité incroyable de choses sur la Syrie – et j’en apprends encore énormément sur ce conflit. Mais ce sont les chansons émouvantes, les éclairs d’images ironiques interprétant ces horreurs, ces mouvements, ces paroles et ces peintures qui m’ont réellement transpercé. Je crains qu’avec le temps on ait tendance à oublier les conflits et la politique. Mais je crois que les œuvres d’art perdurent, et les cris entendus dans ces œuvres en viendront à incarner la mémoire des conflits dans les temps à venir.

« Freedom Graffiti », par Tammam Azzam. Crédit Photo RaeFilm Studios

Medhat Aldaabal, Tammam Azzam, Diala Brisly, Abu Hajar, Bahila Hijazi, Omar Imam, Lynn Mayya, Anas Maghrebi et Mhd Sabboura (BBoy Shadow) : ce sont des rappeurs, chanteurs, danseurs, peintres artistes visuels qui ont choisi de quitter leur pays sous les bombardements pour élever leurs voix sous d’autres cieux. Comment s’est effectué le casting de ces artistes et les aviez-vous rencontrés avant le tournage ?

Nous sommes partis avec une structure en tête et avec certains artistes que nous connaissions en ligne, sur les réseaux sociaux et dans les actualités. Une chose menant à une autre, nous avons commencé à rencontrer de plus en plus de musiciens, danseurs et artistes incroyablement talentueux qui faisaient le travail presque impossible de regarder positivement à travers l’obscurité qu’ils avaient fuie, sans détourner le regard pour créer leur art et le faire perdurer. Ce genre de résilience m’a continuellement inspiré et nous a incités à être simplement curieux de savoir où l’histoire se déroulerait. Nous avons fait appel au coproducteur Abdelaziz Alhamza (interprète de City of ghosts de Matthew Heineman), et il m’a précisé qu’alors que je m’intéressais aux moyens de comprendre cette guerre en Syrie, l’art en parallèle était également utilisé pour protester contre la guerre. Il nous a présenté le rappeur Abu Hajar et l’artiste visuelle Diala Brisly, qui faisaient de l’art protestataire de manière plus proactive pour faire prendre conscience de ce qui commençait à se passer dans leur pays d’origine.

Photomontage de « Third of May » de Goya réalisé par Tammam Azzam. Crédit Photo RaeFilm Studios

Les images de « The story won’t die » sont très belles. Elles épousent souvent les œuvres des artistes et certains montages confondent le réel avec le fictif. Avez-vous tourné des scènes en Syrie ?

Les seules images de la Syrie proviennent de l’objectif des propres œuvres des artistes, ainsi que du cinéaste nominé aux Oscars Talal Derki, et des images de notre coproducteur Abdelaziz Alhamza, ainsi que de son organisation de journalistes citoyens de « Raqqa is being slaughtered silently ». Sinon le film est comme un puzzle effectué à partir de ce que ces artistes m’ont inspiré.

Bboy Shadow, également connu sous le nom de Mhd Sabboura. Crédit Photo RaeFilm Studios

Combien de temps avez-vous travaillé avec ces artistes ? Êtes-vous resté en contact avec eux ? J’imagine leur déception avec l’état actuel de leur pays ?

Nous avons filmé du printemps 2018 à l’automne 2019 et avons continué à être en contact avec les artistes jusqu’à aujourd’hui. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec eux pour développer la structure du film. Celui-ci invite le public à connaître ces brillants artistes et à espérer toujours, même dans les heures les plus sombres, quand on voit comme la résilience peut être créative.


Vous pouvez en savoir plus sur www.thestorywontdie.com/artists

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