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Nos Lecteurs ont la Parole

Le gouverneur de la Banque du Liban ou l’antimodèle

Le rôle du gouverneur d’une banque centrale est avant tout de garantir la stabilité de la monnaie, de contrôler l’inflation par sa politique monétaire et d’assurer la solidité et la fiabilité du système bancaire. Or le gouverneur de la Banque du Liban a complètement failli à sa mission.

Ce gouverneur est en poste depuis 1993. Ainsi, cela fait 29 ans qu’il est à la tête de la banque centrale libanaise. Il ne peut donc, comme le font certains hommes politiques, se dédouaner en disant que ce n’est pas de sa faute et que c’est un legs très lourd qu’il a hérité de son prédécesseur. Au contraire, ce dernier qui officiait en pleine guerre civile a laissé le système bancaire et financier libanais intact et une livre libanaise solide.

Par contre le gouverneur actuel, non seulement a eu une gestion catastrophique, mais a trompé l’opinion publique en affirmant et en réaffirmant « ad nauseam » et jusqu’en octobre 2019, date de l’explosion de la crise, que la livre libanaise se portait à merveille, qu’il n’y avait aucune raison de s’inquiéter, que le secteur bancaire était d’une solidité que le monde entier nous enviait. Et puis quand tout s’est effondré, il a affirmé sans vergogne que les déposants n’auraient pas dû faire confiance aux banques libanaises, qu’en déposant leurs avoirs dans les banques libanaises, ils devaient savoir qu’ils prenaient de grands risques. On n’a jamais entendu pareille énormité de la bouche d’un gouverneur de banque centrale. Et puis il a commencé à sortir de son chapeau, comme un mauvais prestidigitateur, toutes ces circulaires qui sont autant d’hérésies, qui ont complètement ruiné le peu de confiance qui subsistait encore, puisque tout le monde a compris qu’il voulait arnaquer les déposants en dollars en leur remboursant leurs dépôts en monnaie de singe : il a ainsi décrété que tous les dépôts en dollars antérieurs à octobre 2019 n’auront plus la valeur d’un dollar américain, mais seront considérés comme des dollars libanais auxquels il a donné le nom barbare de « lollars » et dont il a fixé arbitrairement et discrétionnairement le cours en livres libanaises, un cours qui n’a rien à voir avec la réalité du marché puisqu’à l’heure actuelle ce cours vaut le quart du cours du marché. Puis il s’est surpassé en fixant non moins de six cours de change différents du dollar, applicable chacun à une opération de retrait ou de change que son imagination a inventée.

Il croit sérieusement après tout ça ramener la confiance dans le système bancaire libanais et attirer de nouveaux déposants.

Pour se défendre, il invoque le fait que ce sont les gouvernements successifs qui l’ont obligé à prêter à l’État et qu’il les avait mis en garde à plusieurs reprises contre les risques encourus par l’accumulation des déficits.

Or rien ne l’obligeait à obtempérer, et s’il se sentait effectivement forcé de le faire, il n’avait qu’à démissionner et à alerter l’opinion publique à ce sujet, ce qu’il s’est abstenu de faire afin de garder son poste et ses privilèges.

Ce monsieur restera dans les annales de la science bancaire et de la gouvernance d’une banque centrale comme l’antimodèle. Des dizaines d’années durant, on enseignera dans toutes les universités et grandes écoles du monde entier ces circulaires hérétiques, afin de montrer aux étudiants ce qu’il ne faut pas faire lorsqu’on dirige une banque centrale.

Je ne m’attarderai pas sur les différentes accusations de blanchiment d’argent, d’abus de pouvoir, d’enrichissement illicite, de corruption dont il fait l’objet dans plusieurs pays d’Europe et au Liban même. À cet égard laissons la justice faire son travail.

Par contre ce qui est sûr, c’est qu’au cours de ces trois dernières années, il a dilapidé toutes les réserves de la banque centrale qui ne sont en fait que les fonds des déposants.

Toutes les circulaires qu’il a édictées sont illégales et ne relèvent pas de sa compétence mais de celle du législateur. Or les parlementaires, par lâcheté, se sont défaussés sur lui et lui ont demandé de pondre à leur place (pour éviter de perdre leur popularité) les circulaires qui ont mené les finances à l’effondrement total. Il pouvait très bien refuser d’exécuter les injonctions d’un gouvernement corrompu et incompétent, son rôle étant celui de gardien de la valeur de la monnaie et de la solidité du système bancaire. Mais il s’est exécuté pour on ne sait quelle raison, et en ce faisant, il a mené l’économie libanaise à la ruine totale.

Nul ne peut contester son intelligence ou ses compétences. Simplement au lieu d’utiliser ces atouts pour redresser les finances et la monnaie et augmenter la fiabilité du système bancaire, il a usé de ses compétences à mauvais escient et a mené le Liban dans l’état où il se trouve à l’heure actuelle, c’est-à-dire un non-État, un État failli.


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Le rôle du gouverneur d’une banque centrale est avant tout de garantir la stabilité de la monnaie, de contrôler l’inflation par sa politique monétaire et d’assurer la solidité et la fiabilité du système bancaire. Or le gouverneur de la Banque du Liban a complètement failli à sa mission.Ce gouverneur est en poste depuis 1993. Ainsi, cela fait 29 ans qu’il est à la tête de la...

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