
Les vacances d'été à l'étranger sont sérieusement compromises pour nombre de Libanais dont le passeport a expiré. Photo d'illustration Anwar Amro/AFP
Pour Dana Ahmad, « cela ressemble à un grand cauchemar ». Citoyenne libanaise, Dana Ahmad veut renouveler son passeport pour se rendre en France et retrouver son frère, qu’elle n’a pas vu depuis 2020. « Après le passage de la vague Covid sur le monde entier, cet été devait ressembler à un été “normal”, sans restrictions », explique-t-elle à L’Orient Today. « Mais il semble que la normalité soit inaccessible pour nous, Libanais », ajoute-t-elle.
Même si la Sûreté générale a annoncé vendredi dernier, via son compte Twitter, qu’elle reprendrait à partir de lundi les demandes en ligne pour les rendez-vous de renouvellement des passeports, il y a peu d’espoir que les nouveaux passeports soient délivrés rapidement. De nombreux Libanais sont dès lors toujours dans l’incertitude en ce qui concerne leurs projets de travail, de loisirs. De vie tout simplement.
Tout a commencé en avril dernier quand la Sûreté générale (SG) a annoncé que le nombre de passeports qu’elle pouvait délivrer avait diminué, et ce alors que les demandes de nouveaux passeports ont décuplé au cours des deux dernières années. En conséquence de quoi les rendez-vous pour les passeports, premières demandes et renouvellements, avaient été suspendus.
Avant même cette suspension officielle, les Libanais devaient attendre des mois pour obtenir un rendez-vous. Et quand ils arrivaient effectivement au rendez-vous, une nouvelle attente était de mise, en raison des graves coupures d’électricité. Certains passaient la nuit devant les locaux de la SG.
Dès le mois de décembre, le chef de la Sûreté générale, le général Abbas Ibrahim, avait reconnu que le Liban avait du mal à faire face à près de 8 000 demandes quotidiennes de nouveaux passeports.
Une situation qui engendre une véritable angoisse pour de nombreux Libanais. Chady Jabbour et sa sœur Diana avaient prévu d’accompagner leur mère en Espagne où elle devait recevoir un traitement médical urgent. « Comme la plateforme a été suspendue, ma mère de 60 ans doit se rendre seule dans un hôpital dans un pays étranger », expliquait Diana, en larmes, avant l’annonce de la reprise des demandes en ligne vendredi.
Mais même pour ceux qui ont des rendez-vous, un renouvellement de passeport sans problème est loin d’être gagné. Samer Khoury, qui travaille dans la gestion des déchets et l’agriculture, s’était inscrit aux cours d’été d’une organisation allemande au Maroc. L’école n’acceptant qu’une personne du monde arabe chaque année, il a été choisi après un processus de sélection minutieux qui a duré plusieurs mois, explique-t-il. « Les cours commencent le 27 juin, or mon rendez-vous pour renouveler mon passeport est en novembre », explique Samer Khoury à L’Orient Today. Face à cette impasse, il a décidé de se rendre à la Sûreté générale à 5h du matin avec un papier de l’institution allemande indiquant qu’il doit renouveler son passeport de toute urgence. C’était le chaos total, dit-il : « Bien que je sois arrivé tôt, il y avait déjà une longue file d’attente devant moi. » Et au bout de l’attente, la Sûreté générale a refusé de faire une exception pour lui.
Après que Samer Khoury a publié son histoire sur les médias sociaux, une amie l’a contacté et lui a proposé d’échanger son rendez-vous avec lui, puisqu’elle n’était pas confrontée à la même urgence. Le jour dit, ils se sont rendus ensemble au bureau de la SG, qui a refusé d’échanger leurs rendez-vous. Ce n’est qu’après que Samer Khoury s’est emporté que le personnel a finalement accepté ses documents, en lui assurant qu’une exception serait faite pour lui. Le 12 juin, la SG ne l’avait toujours pas contacté.
Processus au point mort
Selon un porte-parole de la Sûreté générale contacté par L’Orient Today, des milliers de demandes sont en attente de traitement depuis le début de la suspension de deux mois. Toute personne ayant un besoin urgent d’un passeport peut soumettre les documents nécessaires, ajoute-t-il néanmoins, assurant qu’elle recevra un rendez-vous le plus tôt possible pour que sa demande soit traitée.
Mais le rendez-vous tant espéré risque d’arriver trop tard pour ceux qui espèrent partir en vacances à l’étranger cet été. Une situation que Farah Haidar, enseignante, déplore, expliquant que les vacances au Liban reviennent bien trop cher. « Pour 399 dollars, j’aurais pu partir une semaine à Marmaris en Turquie, assure-t-elle. Mais comme je ne pourrai pas renouveler mon passeport, je suis obligée de réserver une nuitée dans un établissement à Tyr, pour 250 dollars… »
Ces derniers mois, de nombreux établissements touristiques, y compris des hôtels et des maisons d’hôtes, ont commencé à publier leurs prix en dollars, en raison des fluctuations de la monnaie nationale qui a perdu en moins de trois ans plus de 90 % de sa valeur. Un effondrement qui a plongé les trois quarts de la population dans la pauvreté, selon l’ONU.
Un sondage réalisé par Gallup fin 2021 révélait que 63 % des Libanais souhaiteraient quitter définitivement le pays face à la dégradation de leurs conditions de vie. Selon une enquête du Baromètre arabe, publiée en avril, la pauvreté est la principale raison motivant l’émigration pour 7 % des Libanais, tandis que 44 % des sondés citent la corruption pour expliquer leur souhait de partir.
Autrefois comptable dans une entreprise à Hamra, Dareen Khorbatli s’est brusquement retrouvée au chômage l’été dernier lorsque l’entreprise a fermé. Depuis, elle tente désespérément de trouver du travail à l’étranger. En mai, elle a eu une offre d’emploi d’une entreprise établie à Oman.
Pas suffisant. Le processus est toujours au point mort car la Sûreté générale n’a pas encore été en mesure de lui délivrer un passeport, bien qu’elle ait soumis les documents requis. « C’est comme si le gouvernement faisait tout ce qui est en son pouvoir pour que vous ne pensiez plus qu’à quitter ce pays sans vous retourner, dit-elle. Tout en vous empêchant d’avoir les moyens de le faire… »
(Cet article a été originellement publié en anglais sur le site de L’Orient Today, le 12 juin 2022.)
Pour Dana Ahmad, « cela ressemble à un grand cauchemar ». Citoyenne libanaise, Dana Ahmad veut renouveler son passeport pour se rendre en France et retrouver son frère, qu’elle n’a pas vu depuis 2020. « Après le passage de la vague Covid sur le monde entier, cet été devait ressembler à un été “normal”, sans restrictions », explique-t-elle à L’Orient...
commentaires (9)
N'empêche que la plupart des Libanais continueront de vous ânonner: a7la balad bel 3alam Lebnén!
Georges MELKI
11 h 07, le 20 juin 2022