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Moyen-Orient - Éclairage

De Dubaï au Caire, la censure régionale fait bloc face à un baiser entre deux femmes

Quatorze pays ont annoncé leur intention de ne pas accorder de visa d’exploitation au dernier film d’animation des studios Pixar, « Buzz l’Éclair ». En cause, une scène d’affection entre deux femmes vivant ensemble.

De Dubaï au Caire, la censure régionale fait bloc face à un baiser entre deux femmes

Capture d’écran tirée du film Buzz l’Éclair. Chaîne YouTube de Disney

Même pour quelques secondes, certains choix coûtent cher. En incluant une furtive scène de baiser entre deux femmes vivant ensemble, Disney fait un pari très politique, celui de la reconnaissance de la communauté LGBTQ+. Sauf qu’en se faisant le chantre d’un cinéma progressiste à destination du grand public, la compagnie américaine basée en Californie s’est exposée à la censure de certains régimes bien moins enclins à faire évoluer les mentalités. C’est le cas d’une dizaine de pays à travers la région ayant refusé d’accorder un visa d’exploitation au dernier film d’animation des studios Pixar (Pixar Animation Studios). Liban, Jordanie, Bahreïn, Égypte, Koweït, Oman, Qatar, Syrie, Irak, Émirats arabes unis ainsi que l’Autorité palestinienne : tous ont refusé la projection de Buzz l’Éclair dans leurs salles. L’Arabie saoudite n’aurait, quant à elle, même pas pris la peine de soumettre le film à la validation, selon Variety, par anticipation d’une censure quasi certaine. La Malaisie et l’Indonésie ont quant à elles exprimé leur intention d’en faire autant si certaines scènes ne sont pas coupées, tandis que les autorités de Singapour ont imposé un âge minimum de 16 ans.

Le film dirigé par Angus MacLane, qui sort en salle cette semaine à travers le monde, revient sur l’« histoire d’origine » du personnage principal de la célèbre saga Toy Story, inaugurée en 1995. Les studios Pixar, filiale de Disney, avaient initialement retiré la scène où la supérieure et meilleure amie de Buzz, Alisha Hawthorne, embrasse brièvement son épouse. Mais suite à des protestations internes de la part des employés, la direction est revenue sur sa décision et a réintégré la scène. « Pouvoir remettre ce baiser était important pour nous. C’est un moment touchant ayant une grande signification dans l’intrigue car il permet à Buzz de prendre conscience que, contrairement à son amie, il n’a pas d’être aimé ou d’enfant », avait expliqué début avril la productrice du film, Galyn Susman.

Mais si la polémique est résolue sur la scène intérieure, c’est loin d’être la fin du casse-tête. La compagnie, qui est l’un des plus grands acteurs de l’industrie du cinéma pour enfants à travers le monde, doit désormais faire face aux conséquences internationales de son choix. La sanction est principalement venue de la région arabe et de certains pays d’Asie de l’Est. Une grande majorité d’entre eux continuent de pénaliser les relations « contre nature » et/ou de même sexe et ont fréquemment recours à la censure en coupant certaines scènes ou en interdisant l’intégralité d’un film. D’autres productions américaines étaient ainsi tombées sous le coup de la censure pour des raisons similaires, dont notamment Doctor Strange in the Multiverse of Madness (Marvel Studios, 2022), West Side Story (20th Century Studios, 2021) ou encore Les Éternels (Marvel Studios, 2021).

Un « plan diabolique »

Malgré le développement de communautés gays arabes au cours des dernières années, la répression politique n’a pas fléchi dans certains pays. C’est notamment le cas en Égypte où la restriction des libertés dépasse largement l’industrie du cinéma. Les vagues d’arrestations, les détentions arbitraires, parfois accompagnées de tortures, à l’encontre de la communauté y font toujours partie du quotidien des homosexuels. La militante égyptienne Sarah Hegazi, qui s’était suicidée en exil le 14 juin 2020 après avoir passé plusieurs mois dans les geôles de son pays, continue d’être l’une des icônes de la condition homosexuelle dans le monde arabe. À l’occasion du « mois de la fierté », les polémiques quant à la promotion d’une culture homosexuelle ont ressurgi. En Arabie saoudite, des fonctionnaires du ministère du Commerce ont saisi cette semaine des centaines de jouets et vêtements « arc-en-ciel » dans les magasins du royaume. « Des produits contenant des symboles et des signes appelant à la déviance et contredisant le bon sens », déclarait il y a quelques jours un représentant saoudien à la chaîne al-Ekhbariya. Il y a quelques jours, les autorités koweïtiennes avaient également réagi à un tweet de l’ambassade américaine en convoquant le chargé d’affaires américain pour protester contre la publication de messages « soutenant l’homosexualité », tout en soulignant « la nécessité de respecter les lois et règles en vigueur dans le pays ».

Mais la répression d’État et la censure officielle ne sont pas les seules responsables. Du côté des populations également, l’hostilité prévaut face à ce qui est perçu comme une atteinte aux mœurs. Sur les réseaux sociaux, dans le sillage de la sortie de Buzz l’Éclair, des internautes appellent au boycott des films de Walt Disney, accusés de promouvoir les droits des homosexuels. En Égypte, des personnalités de premier plan se prononcent contre le géant du divertissement. « Comment pouvons-nous protéger nos enfants ? » a lancé la présentatrice vedette Lamis el-Hadidy sur le plateau de la chaîne privée OnTV. « Nous ne devons pas accepter cette culture qui vient de l’extérieur. Nous devons prendre conscience de ce qui nous est présenté », a poursuivi la quinquagénaire. Des propos qui font écho à ceux émanant d’al-Azhar, plus haute autorité religieuse du pays, qui avait alerté sur la promotion de contenu homosexuel à travers les divertissements pour enfants, évoquant « un plan diabolique et systématique visant à normaliser le crime immoral de l’homosexualité dans les sociétés musulmanes ». Dans ce communiqué datant du 9 juin, l’institution sunnite mettait en garde contre les dangers d’un projet visant à « détruire le système de valeurs morales et sociales de la famille, déformer les identités de ses membres et porter atteinte à la stabilité et à la sécurité des sociétés ».

Même pour quelques secondes, certains choix coûtent cher. En incluant une furtive scène de baiser entre deux femmes vivant ensemble, Disney fait un pari très politique, celui de la reconnaissance de la communauté LGBTQ+. Sauf qu’en se faisant le chantre d’un cinéma progressiste à destination du grand public, la compagnie américaine basée en Californie s’est exposée à...

commentaires (6)

Vive la démocratie..

Eleni Caridopoulou

20 h 35, le 18 juin 2022

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Commentaires (6)

  • Vive la démocratie..

    Eleni Caridopoulou

    20 h 35, le 18 juin 2022

  • il n'y a pas plus hypocrite que le monde arabo-musulman, défendant la chasteté et prônant la polygamie, se faisant chantre de la générosité et ayant inventé l'esclavagisme moderne... Vive la liberté de penser ! vive la liberté de pratiquer !

    Carlos El KHOURY

    13 h 08, le 18 juin 2022

  • Au dela de reactions moyennageuses classiques dans le monde Arabe (takhaloff), beaucoup de bruit autour d'un enieme navet Disney.....

    Michel Trad

    12 h 51, le 18 juin 2022

  • Ce que je n arrive pas à comprendre c est que l homosexualité entre personnes majeur est le tabou absolu dans le monde musulman, par contre les relations entre un homme un mineur font souvent rire

    rasti cambiz

    12 h 40, le 18 juin 2022

  • Bravo! Je ne suis pas pour pénaliser l'homosexualité, bien sûr, chacun devrait être libre de sa ve privee, mais contre son exhibitionnisme et les tentatives isididuses ou revendiquées de "faire évoluer la société " d'autant que gay pride et autres horreurs ont depuis longtemps sombré dans l'obscenité.et la provoc. Les hétérosexuels ne paradent pas, pourquoi devrait-on accepter cette effraction dans nos vies.

    Christine KHALIL

    08 h 26, le 18 juin 2022

  • "... la censure régionale fait bloc face à un baiser entre deux femmes ..."- Eh oh! C'EST UN DESSIN ANIMÉ! C'est pas pour de vrai! Réveillez-vous!

    Gros Gnon

    00 h 23, le 18 juin 2022

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