
La Chambre réunie hier place de l’Étoile. Photo Ali Fawaz. Compte Flickr du Parlement
On reprend les mêmes et on recommence. La nouvelle Chambre n’est pas sortie des anciennes habitudes. Les protagonistes politiques se sont clairement départagé les présidences des commissions parlementaires. L’échéance s’est donc presque déroulée sans surprise… sauf du côté de la contestation. Les treize parlementaires issus de la thaoura n’ont pu opérer aucune percée au niveau de la présidence des commissions au sein desquelles ils ont fait une difficile entrée mardi dernier.
Selon l’article 23 du règlement intérieur de la Chambre, le Parlement devrait se réunir trois jours après la formation de ses commissions afin d’en élire les président et les rapporteurs. Hier, place de l’Étoile, 116 députés ont donc répondu favorablement à l’invitation du chef du législatif pour accomplir cette tâche. Ils ont également élu les membres des commissions de la Santé et de l’Éducation. Un vote reporté depuis mardi. Grosso modo, les partis politiques traditionnels ont conservé leur mainmise sur les commissions classées parmi les plus importantes. Tel est le cas de la commission des Finances et du Budget, dont le Courant patriotique libre a conservé la présidence en reconduisant Ibrahim Kanaan (Metn) à sa tête pour la troisième fois depuis 2009, alors que Ali Fayad (Hezbollah, Marjeyoun) en sera le rapporteur. À l’issue des élections qui se sont tenues au bureau du président de la Chambre, M. Kanaan a insisté sur l’importance de la coopération entre les députés de différents bords « loin du populisme ».
Tout comme le CPL, les Forces libanaises ont réussi à maintenir leur vice-président Georges Adwan, député du Chouf, à la tête de la commission de l’Administration et de la Justice, dont la composition avait fait couler beaucoup d’encre à l’issue de la séance de mardi dernier. Outre l’échec de Melhem Khalaf (contestation, Beyrouth) à y faire son entrée, c’est surtout l’élection des deux députés berrystes Ali Hassan Khalil (Marjeyoun) et Ghazi Zeaïter (Baalbeck-Hermel) qui avait suscité la surprise, les intéressés étant poursuivis par la justice dans le cadre de l’enquête sur la double explosion meurtrière du 4 août 2020 au port de Beyrouth. Pour en revenir au scrutin d’hier et comme pour faire le contrepoids face aux FL, le CPL a pu obtenir le poste de rapporteur de cette commission. Georges Atallah (Koura) remplacera donc Nicolas Nahas, ex-député tripolitain proche du Premier ministre sortant Nagib Mikati.
Un sunnite pro-Hezb à la Défense...
Le marché conclu loin des projecteurs a gardé presque intacte la répartition des présidences entre les protagonistes traditionnels. Ainsi, outre celle des Finances, le CPL reste à la tête de la commission de la Jeunesse et des Sports, maintenue aux mains du député de Jbeil Simon Abiramia, alors que le Hezbollah en est toujours le rapporteur, même si Raëd Berro (Jbeil) remplacera désormais son collègue Ali Mokdad (Baalbeck) à ce poste. Au même titre, le mouvement Amal a conservé la présidence de plusieurs commissions, dont celle de la Femme et de l’Enfant, qui demeure dirigée par Inaya Ezzeddine (Tyr). De même, Adnane Traboulsi (Ahbache, Beyrouth) est parvenu à conserver le poste de rapporteur de cette commission. Le parti de Nabih Berry a maintenu aussi la présidence des commissions des Droits de l’homme, avec à sa tête Michel Moussa (Zahrani), et Nazih Matta (FL, Aley) comme rapporteur. Amal préside toujours aussi la commission de l’Agriculture et du Tourisme, avec Ayoub Hmayed (député de Bint-Jbeil), et dont Adib Abdel Massih (proche de Michel Moawad) sera le rapporteur. Enfin, Amal reste à la tête de la commission des Affaires étrangères, même si Fadi Alamé remplace Yassine Jaber, ex-député qui ne s’était pas porté candidat aux législatives.
Pour ce qui est du Hezbollah, il a marqué d’importants points. D’abord, il a pu conserver la commission des Télécoms et des Médias, dirigée par Ibrahim Moussaoui, alors que l’ex-haririen Mohammad Sleiman en est le rapporteur. Le parti pro-iranien a par ailleurs conduit son allié sunnite de Denniyé Jihad el-Samad à la tête de la commission de la Défense. Un choix à même de rendre difficile un débat parlementaire autour de la stratégie de défense nationale voulue par la communauté internationale et plusieurs protagonistes locaux, mais rejetée jusque-là par le principal parti concerné. Autre allié du Hezbollah à la tête d’une commission parlementaire : Hassan Mrad (Békaa-Ouest). Il remplacera Bahia Hariri à la tête de la commission de l’Éducation, l’ancienne députée de Saïda ayant boycotté les élections en conformité à la décision de son neveu Saad Hariri, leader du courant du Futur, de bouder les urnes. Un changement similaire a été introduit au niveau de la commission de la Santé. Dirigée depuis 2018 par Assem Araji, ancien député haririen de Zahlé, qui n’a pas brigué un nouveau mandat après la décision du leader du Futur, elle sera présidée par le joumblattiste Bilal Abdallah (Chouf), assisté par Samer Toum (CPL, Baalbeck-Hermel) en tant que rapporteur.
Pour ce qui est des Marada, leur unique député Tony Frangié (Zghorta) prendra la place de Nadim Gemayel (Kataëb, Beyrouth) en tant que président de la commission des Technologies de l’information. De son côté, Élias Hankache (Kataëb, Metn) en sera le rapporteur après le retrait du parlementaire aouniste de Beyrouth Nicolas Sehnaoui.
La surprise Najate Saliba
Les partis traditionnels ont donc préservé leurs acquis de 2018 aux dépens de la thaoura qui s’est vu infliger une défaite, surtout au niveau de la commission de l’Environnement. À la surprise générale, la chimiste et experte en la matière Najate Aoun Saliba (contestation, Chouf) a perdu la bataille de la présidence de la commission face à Gayath Yazbeck (FL, Batroun). Ce dernier a été élu par 8 voix contre… 3 seulement pour Mme Saliba. « Cela ne réduit en rien l’importance de sa présence au sein de la commission », commente M. Yazbeck pour L’Orient-Le Jour. Najate Aoun n’était pas disponible pour un commentaire. Quoi qu’il en soit, les députés de la thaoura semblent avoir tiré la leçon, et se montrent déterminés à faire face à la classe politique traditionnelle et à sa logique de partage du gâteau. « La bataille ne fait que commencer », a écrit Waddah Sadek (Beyrouth) sur son compte Twitter quelques heures après la séance.
Les libanais ont un gouvernement qui méritent ….
20 h 00, le 11 juin 2022