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La violence de l'après, au procès des attentats de novembre 2015 à Paris

La violence de l'après, au procès des attentats de novembre 2015 à Paris

Un dessin réalisé le 23 mai 2022 montre Salah Abdelsalam, lors du procès des attentats du 13 novembre 2015 à Paris. Photo Benoit PEYRUCQ / AFP

Les attentats, puis la "violence" de l'après. Au procès des attaques jihadistes ayant fait 130 morts à Paris et en banlieue le 13 novembre 2015, des avocats des parties civiles ont donné à voir mercredi la palette des souffrances endurées par les victimes.

Pendant des semaines à l'audience, par centaines, dit Me Frédéric Bibal à la cour d'assises spéciale de Paris, "vous avez vu défiler ces victimes et leurs blessures". "La question qui se pose est : qu'allez-vous faire de cette parole?" "Ils ne sont pas venus simplement pour nous faire pleurer - ils ont des amis pour ça", s'emporte-t-il. "Il faut transformer ces dépositions en motivations", soutient Me Bibal. "Les atteintes subies sont un élément du procès pénal, de la gravité des faits".

Alors après lui, une dizaine d'avocats plaident pour détailler la réalité de ces blessures, souvent avec les mots de leurs clients. Ce sera "dur et violent", prévient Me Dahbia Zegout, qui vient parler des blessures par balles d'armes de guerre, celles qui ont "arraché les muscles, fragmenté les os" et transformé les corps de ceux qui les ont reçues en leur "pire ennemi".

Elle mentionne Eva qui a dû décider d'accepter d'être amputée au milieu de cette nuit de "chaos" et Djamel, qui devra s'y résoudre après cinq mois de douleur. Pierre, une balle dans la colonne, qui a très vite su qu'il ne remarcherait plus. Et Gaëlle, "gueule cassée" d'un tir de kalachnikov dans la joue, et Jessica, un trou "de la taille d'une pomme" dans la jambe.

Me Zegout décrit le "choc de la blessure": sa vision d'horreur, l'"odeur de chair grillée", la respiration qu'on essaie de "calmer"... Puis "la survie des premières heures" avec ses machines pour respirer ou se nourrir, et celles des mois et des années qui suivent avec la rééducation et les opérations qui se répètent. Gaëlle en a déjà subi 40, Sonia revit les éclats de boulons pénétrant son oeil à chaque nouvelle injection pour le soigner.

"Moins grave"

A côté, il y a les "autres blessures" physiques, enchaîne Me Sophie Behanzin. "Celles qu'on dit +légères+ et qu'on ne se sent pas légitime d'évoquer", mais qui "pourrissent la vie".

La cicatrice, à peine visible, laissée par un écrou sur la joue de Marilyn, qui la ramène "tous les jours" au Stade de France, attaquée par les jihadistes. Les pertes d'audition ou les acouphènes, et les "blessures de survie": une épaule qui restera endommagée d'avoir défoncé une porte; les douleurs cervicales d'Alexia qu'on a traînée dans un escalier pour la sortir en urgence de la salle de concerts du Bataclan.

"Encore en dessous", continue Me Marie Mescam, il y a les blessures psychiques. Les "moins graves", les "oui, bon, c'est pas comme si". Mais "l'être humain n'est pas fait pour être confronté à sa propre mort", dit-elle, et les témoignages des parties civiles ont mis en évidence "l'ampleur et la persistance" du syndrome post-traumatique, "qui s'accroche, tout le temps, partout".

Là encore les avocats égrènent les histoires qui se ressemblent. Angoisses, cauchemars et insomnies, la vie qui devient un "combat permanent", "au rythme des peurs": celles des bruits du quotidien, des transports ou de "la balle dans le dos" qui pourrait arriver "à tout moment". Souvent aussi, les addictions pour soigner, les familles qui se disloquent, les amis qui s'éloignent, la vie d'avant qu'on ne peut pas reprendre, la culpabilité du survivant.

Il y a enfin la violence qui vient quand il faut "prouver", "quantifier" sa souffrance auprès des organismes compétents, note Me Isabelle Teste. "Vous n'êtes resté qu'un quart d'heure dans le Bataclan? Ca devrait aller". "Vous avez déménagé, démissionné? C'est vous qui l'avez décidé", "Vous avez avorté? Mais aviez-vous envie d'avoir un enfant?", "Vous n'avez plus d'intimité ? Prouvez-le".

Les attentats, puis la "violence" de l'après. Au procès des attaques jihadistes ayant fait 130 morts à Paris et en banlieue le 13 novembre 2015, des avocats des parties civiles ont donné à voir mercredi la palette des souffrances endurées par les victimes.Pendant des semaines à l'audience, par centaines, dit Me Frédéric Bibal à la cour d'assises spéciale de Paris, "vous avez vu...