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Moyen-Orient - Entretien

Israël : le jeu d’équilibriste de la coalition au pouvoir

Thomas Vescovi, diplômé de l’Université Paris VIII et chercheur indépendant en histoire contemporaine, décrypte pour « L’Orient-Le Jour » les défis auxquels fait face la coalition de Naftali Bennett.

Israël : le jeu d’équilibriste de la coalition au pouvoir

La députée arabe israélienne Ghaida Rinawie Zoabi lors d’une séance du Parlement israélien, le 3 novembre 2021. Ahmad Gharabli/AFP

Après la démission d’Idit Sliman en avril, la députée arabe israélienne Ghaida Rinawie Zoabi a elle aussi quitté – temporairement – le bateau Naftali Bennett le 19 mai, en annonçant son départ de la coalition, mettant celle-ci dans une situation de minorité à la Knesset avec 59 sièges pour 120. Si l’élue est revenue sur sa décision trois jours plus tard, sous l’effet des concertations avec le ministre israélien des Affaires étrangères Yaïr Lapid et au sein de son parti de la gauche laïque Meretz, cet épisode met un peu plus en lumière la fragilité de la coalition au pouvoir en Israël, qui pourrait in fine faire tomber le gouvernement actuel.

Composée d’une grande diversité de partis allant de la droite ultranationaliste israélienne à la gauche sioniste en passant par les islamistes, la cohésion de la coalition Bennett est de fait régulièrement mise en danger par des divisions idéologiques.

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Si la poursuite d’intérêts communs, comme la volonté d’empêcher l’accession au pouvoir de Benjamin Netanyahu et la conservation du pouvoir pour éviter une marginalisation politique, a permis sa constitution, cette coalition fait dorénavant face à un défi majeur : parvenir à s’entendre sur les principaux enjeux nationaux sans céder à la déstabilisation.

Interrogé par L’Orient-Le Jour, Thomas Vescovi, diplômé de l’Université Paris VIII et chercheur indépendant en histoire contemporaine, analyse les causes des divisions de la coalition et dresse les enjeux auxquels fait face celle-ci.

Comment expliquer la brève démission de Ghaida Rinawie Zoabi ?

Depuis le début de la coalition en janvier 2022, la politique menée vis-à-vis des Palestiniens est presque inchangée : poursuite de la colonisation, des expropriations. Parallèlement, pendant le mois de ramadan, on a vu des images choquantes d’une répression extrêmement violente sur l’esplanade des Mosquées. S’ajoute aussi la mort de la journaliste d’al-Jazeera Shirine Abou Akleh et les tensions que cela a entraînées. Son assassinat a fait un scandale international. Pour un parti comme Meretz, connecté au camp progressiste occidental, cette position est intenable car il est membre d’un gouvernement qui était alors aux commandes. À l’image de Ghaida Zinawie Zoabi, les députés arabes israéliens ont accepté de soutenir cette coalition contre certaines garanties, notamment que les 18 % d’Israéliens qui sont palestiniens obtiendraient de meilleures conditions de vie, tout en sachant que sur les questions liées aux Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie il n’y aurait pas de changements.

Tous ces événements récents ont contribué à faire pression, notamment via les réseaux sociaux, sur des députés comme Ghaida Rinawie Zoabi ou Mansour Abbas, représentant des islamo-conservateurs, accusés de vendre l’espace des mosquées aux colons ou de trahir la cause palestinienne. Certains ont donc préféré démissionner ou refuser de voter comme la coalition à laquelle ils appartiennent.

Pourquoi a-t-elle ensuite rapidement décidé de réintégrer la coalition au pouvoir ?

Nous ne disposons pas encore de beaucoup de détails sur ce qui a été négocié. Mais sa réintégration de la coalition a été permise par la garantie de davantage d’engagement pour l’électorat de Ghaida Rinawie Zoabi. Les députés arabes israéliens estiment qu’il vaut mieux rester au pouvoir pour obtenir certains droits et garanties, comme l’autorisation pour les Bédouins du Néguev de s’installer dans le sud d’Israël, plutôt que d’être relégués dans les rangs de l’opposition.

Lorsque la coalition s’est mise en place en 2020, l’une de ces garanties était d’augmenter considérablement les investissements dans les villes palestiniennes d’Israël pour lutter contre l’insécurité, mettre à leur disposition plus de logements, mais aussi des garanties sur les zones d’emploi.

La promesse selon laquelle l’État allait revenir dans ces villes en installant des commissariats et des brigades spéciales pour enrayer la criminalité.

Quels sont les enjeux auxquels la coalition de Naftali Bennett fait désormais face ?

Le maintien de cette coalition va être extrêmement compliqué. Nous allons assister à un jeu d’équilibriste de celle-ci jusqu’à la fin du mandat, si elle y parvient. La coalition doit essayer de se maintenir au moins jusqu’au changement de Premier ministre, qui devrait voir, entre 2022 et 2023, Yaïr Lapid remplacer Naftali Bennett à cette fonction. Leur objectif premier va être de voter le budget.

Ensuite, de nombreuses lois qui ne font pas consensus vont être repoussées, à l’image du projet de loi, très contesté par l’aile droite de la coalition, qui voulait supprimer les prises en charge des frais de crèche pour pousser les juifs orthodoxes vers l’emploi. Ces reports indiquent que sur un certain nombre de points, ils n’arrivent plus à s’entendre. La résistance à la division ne va pas être aisée du fait des pressions que subit l’aile gauche de l’alliance. C’est aussi le cas pour les membres de la partie à droite de la coalition, puisque le Likoud, actuellement dans l’opposition, les accuse de trahison du fait de leur participation à un gouvernement avec la gauche sioniste.

Quel serait le coût politique d’un échec de cette coalition ?

Pour l’heure, il est par exemple difficile d’envisager le retour de Benjamin Netanyahu au pouvoir du fait des procès dans lesquels il est impliqué, qui sont toujours en cours. Pour cela, il faudra attendre leur issue. Les sondages d’enquête d’opinion indiquent que pour l’instant les rapports de force n’ont pas changé. Il n’y a pas de partis qui sortent du lot, ce qui montre à quel point l’électorat israélien est fractionné. En cas de nouvelles élections, le principal enjeu électoral sera encore une fois les Palestiniens d’Israël qui, depuis deux ans maintenant, sont les faiseurs de roi dans le pays car ils représentent un électorat encore mouvant.

Ils ont soutenu très fortement Ayman Odeh en 2020. Puis ils se sont divisés en 2021 en se rendant compte qu’il ne réussissait pas à obtenir ce qu’il voulait. Même Netanyahu a, en 2021, fait campagne auprès des Palestiniens d’Israël en leur promettant beaucoup. C’est donc là que sera l’enjeu central.

Après la démission d’Idit Sliman en avril, la députée arabe israélienne Ghaida Rinawie Zoabi a elle aussi quitté – temporairement – le bateau Naftali Bennett le 19 mai, en annonçant son départ de la coalition, mettant celle-ci dans une situation de minorité à la Knesset avec 59 sièges pour 120. Si l’élue est revenue sur sa décision trois jours plus tard, sous l’effet des...

commentaires (1)

Quoi qu'on en dise, la democratie chez l'ennemi Israelien est un modele. Ah si nous avions au Liban une telle democratie, nous n'aurions pas les memes tetes durant des decenies...

IMB a SPO

13 h 48, le 25 mai 2022

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Commentaires (1)

  • Quoi qu'on en dise, la democratie chez l'ennemi Israelien est un modele. Ah si nous avions au Liban une telle democratie, nous n'aurions pas les memes tetes durant des decenies...

    IMB a SPO

    13 h 48, le 25 mai 2022

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