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Politique - Décryptage

Les cinq premières leçons des législatives libanaises

Les FL semblent grands vainqueurs, le Hezbollah pourrait perdre sa majorité, l’opposition aurait effectué une importante percée.

Les cinq premières leçons des législatives libanaises

Une femme déposant son bulletin dans l’urne pour les législatives, hier dans la banlieue sud de Beyrouth. Louai Beshara/AFP

En apparence, rien n’a bougé. Malgré la crise économique, la double explosion au port de Beyrouth, le soulèvement d’octobre 2019, le prochain Parlement sera largement constitué par les partis et figures traditionnels. Quand on y regarde de plus près, toutefois, plusieurs dynamiques non négligeables se démarquent, si bien que l’Assemblée sera en réalité assez différente de celle qui prévalait. Ce lundi matin, les résultats étaient encore partiels et même très flous dans plusieurs circonscriptions. Cela dit, on peut d’ores et déjà mettre en exergue cinq grandes évolutions.

Les Forces libanaises
La première, c’est que les Forces libanaises apparaissent comme les grands vainqueurs du scrutin. Le parti de Samir Geagea obtiendrait au moins 20 sièges et deviendrait ainsi la première force chrétienne devant le Courant patriotique libre à quelques mois de la fin du mandat de Michel Aoun. Les FL ont, d’après les résultats partiels, amélioré leur score à Beyrouth I (trois députés contre un en 2018), à Baabda (deux députés contre un en 2018), au Metn (deux députés contre un en 2018). Plus surprenant encore, elles seraient parvenues à faire leur entrée à Tripoli en obtenant le siège maronite. Les résultats à Jezzine, où les FL revendiquent également au moins un siège, et dans le Akkar, ne sont toutefois pas encore clairs. Le parti chrétien a également réussi à maintenir son député Antoine Habchi à Baalbeck-Hermel dans un contexte difficile marqué par des pressions importantes de la part du Hezbollah.

Couverture en direct

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Le Courant patriotique libre obtiendrait pour sa part 16 députés, selon les résultats partiels. Le bloc Liban fort avait obtenu 29 sièges en 2018 et devrait obtenir cette fois-ci seulement 19 sièges. C’est une baisse conséquente, mais le parti de Gebran Bassil a toutefois réussi à limiter la casse dans un contexte qui lui était très défavorable.

Les résultats partiels donnent le sentiment que le prochain Parlement sera essentiellement composé de deux blocs, l’un mené par le Hezbollah et ses alliés, l’autre par les Forces libanaises et leurs alliés, ce qui laisse présager d’un retour à une forte polarisation comparable à ce que le Liban a connu en 2009. D’autant plus que les Kataëb, dont la rhétorique est aussi très marquée contre la formation pro-iranienne, semblent également progresser en obtenant un siège au Kesrouan en plus des trois qu’ils avaient déjà.

Le Hezbollah et ses alliés
La deuxième dynamique, justement, pas encore confirmée, c’est que le Hezbollah et ses alliés semblent avoir perdu leur majorité au Parlement. Ils ont enregistré des pertes significatives, selon les résultats partiels, en particulier sur la scène chrétienne. Ils semblent avoir compensé une partie de ces pertes par des gains sur la scène sunnite où ils profitent du retrait de l’ex-Premier ministre Saad Hariri. Cela sera-t-il toutefois suffisant pour obtenir une majorité d’au moins 65 députés ? Pour rappel : en 2018, le Hezbollah et ses alliés avaient obtenu la majorité avec 71 députés sur 128.

D’après les premiers résultats, les candidats considérés comme proches du régime de Bachar el-Assad ont obtenu en plus de très mauvais scores aux quatre coins du Liban. Les résultats partiels indiquent en effet les défaites de Talal Arslane à Aley, de Wiham Wahhab dans le Chouf, de Assaad Hardane au Liban Sud III et plus surprenant encore, d’Elie Ferzli, le vice-président du Parlement, dans la Bekaa-ouest. A cela pourrait s’ajouter la défaite de Fayçal Karamé à Tripoli. L’ancien chef de la sûreté générale, Jamil Sayyed se qualifierait pour sa part avec un score en net recul par rapport à 2018.

Aucune majorité nette ne devrait toutefois se dégager et le Parlement risque d’être plus éclaté que jamais. Cela dit, les forces hostiles au Hezbollah, même si elles ne sont pas alliées, ont de grandes chances d’être plus nombreuses au Parlement. Le premier test sera l’élection du chef du Parlement, briguée par l’inamovible Nabih Berry depuis la fin de la guerre civile. Le chef du parti Amal n’est pas en bonne posture puisqu’il ne devrait pas bénéficier des voix de la contestation, ni de celles des FL et ni même de celles du CPL.

Les forces de la contestation
La troisième dynamique c’est la percée importante des forces de la contestation, selon les résultats partiels. Les deux victoires les plus symboliques, selon les premiers résultats, sont celles du candidat de l’opposition Elias Jaradé au Sud III, dans une région acquise au tandem Hezbollah-Amal, et celle de Marc Daou contre le leader druze Talal Arslane à Aley.

Les forces de la contestation devraient obtenir trois sièges dans la circonscription de Chouf-Aley, deux à trois sièges à Beyrouth II, un au Liban-Nord III et un au Liban-Sud III. La surprise vient du fait qu’elles auraient également obtenu un siège à Tripoli. Les résultats partiels de Beyrouth I semblent toutefois plus décevants pour les forces de la contestation. La circonscription était présentée comme la plus favorable à ces mouvements mais ils n’y auraient obtenu qu’un siège, probablement en raison de leurs divisions. Le dépouillement n’est pas terminé au Metn et à Baabda où les candidats de la contestation Jad Ghosn et Michel Hélou (ancien directeur exécutif de L’Orient-Le Jour) semblent avoir réalisé de très bons scores. Pour le moment, cela n’est toutefois pas suffisant pour obtenir un seuil électoral.

Toute la question est désormais de savoir si ces forces vont s’unir au sein d’un même bloc, qui pourrait avoir une certaine influence. Elles pourraient également choisir de s’allier, au moins de façon circonstancielle, avec les figures indépendantes ayant été réélues et les Kataëb, ce qui leur permettrait d’avoir un bloc important entre 15 et 20 députés.

La scène sunnite
La quatrième dynamique, c’est le morcellement de la scène sunnite après le retrait de l’ex-Premier ministre Saad Hariri. Les résultats partiels indiquent que l’ancien Premier ministre Fouad Siniora a manqué son pari, mais aussi que l’actuel chef du gouvernement Nagib Mikati enregistre de très mauvais scores à Tripoli. Plusieurs figures de premier plan ne semblent pas avoir survécu politiquement au scrutin parmi lesquelles Moustapha Allouche, Sami Fatfat et Fayçal Karamé à Tripoli. Le vide créé par l’absence du parti bleu semble avoir principalement profité à des figures anti-Hezbollah, notamment Achraf Rifi à Tripoli et Oussama Saad à Saïda ainsi qu'aux forces de la contestation. Le leader du Courant du Futur jouait le rôle d’amortisseur au sein de l’ancien Parlement dans la confrontation qui oppose le Hezbollah à ses adversaires. En son absence, elle devrait donc être beaucoup plus forte mais le leadership sunnite risque d’y jouer un rôle assez secondaire par rapport aux FL.

La taux de participation
Enfin, la dernière dynamique, c’est la baisse du taux de participation par rapport à 2018, passant de 48,68 % à 41 % selon les chiffres fournis par le ministère de l’Intérieur, dimanche peu avant 23h. À noter qu’il n’était pas clair si ces chiffres comprennent le vote des expatriés, où le taux de participation est d’environ 60 %, ce qui pourrait faire hausser le taux général de plusieurs points.

Données et stats

Taux de participation : voir la carte par circonscription

Compte tenu de la crise qui frappe le Liban depuis 2019, du soulèvement du 17 octobre et de la double explosion au port de Beyrouth, le taux de participation apparaît non seulement faible mais aussi décevant. Il faut toutefois relativiser cette impression par deux données essentielles. La première c’est que si la participation est toujours faible au Liban (elle a atteint 55 % en 2009), c’est avant tout parce que la liste des inscrits n’est pas mise à jour d’un scrutin à l’autre et qu’elle comprend de nombreuses personnes qui ont quitté le Liban depuis une ou plusieurs générations, voire des personnes décédées. Autrement dit, si la liste était actualisée, le taux de participation serait probablement plus élevé que les chiffres officiels ne l’indiquent. La deuxième donnée, c’est que la participation est en moyenne similaire à ce qu’elle était en 2018 à l’exception des régions où la communauté sunnite est majoritaire. Dans celles-ci, elle est en net recul en raison probablement du retrait de l’ex-Premier ministre Saad Hariri et de son appel à boycotter les élections. Un appel qui a été partiellement écouté, puisque si la participation a reculé, elle ne s’est pas toutefois effondrée.

En apparence, rien n’a bougé. Malgré la crise économique, la double explosion au port de Beyrouth, le soulèvement d’octobre 2019, le prochain Parlement sera largement constitué par les partis et figures traditionnels. Quand on y regarde de plus près, toutefois, plusieurs dynamiques non négligeables se démarquent, si bien que l’Assemblée sera en réalité assez différente de celle...

commentaires (10)

Je suis scotchée à l'OLJ depuis hier et voilà le seul papier où je pige quelque chose aux résultats du scrutin (même si je ne vois pas la différence entre le CPL qui aurait obtenu 16 sièges et le bloc du Liban fort qui en aurait obtenu 19...). Pour le reste, beaucoup de papiers se contentent de citer des noms, les situant dans leurs régions respectives, parfois sans faire le lien avec les partis qu'ils représentent, bref, à n'y rien comprendre au niveau national.

Marionet

23 h 34, le 16 mai 2022

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Commentaires (10)

  • Je suis scotchée à l'OLJ depuis hier et voilà le seul papier où je pige quelque chose aux résultats du scrutin (même si je ne vois pas la différence entre le CPL qui aurait obtenu 16 sièges et le bloc du Liban fort qui en aurait obtenu 19...). Pour le reste, beaucoup de papiers se contentent de citer des noms, les situant dans leurs régions respectives, parfois sans faire le lien avec les partis qu'ils représentent, bref, à n'y rien comprendre au niveau national.

    Marionet

    23 h 34, le 16 mai 2022

  • Et oui: Grosse déception qui était prévisible. Le mal est à plusieurs niveaux: - la force du système en place - les challengers avec leur gros égo qui n'ont pas su s'unir - le cerveau lavé de bon nombre de nos compatriotes qui préfèrent leur secte/leader à la prospérité de leur nation (j'espère qu'un jour on atteindra 10% du nationalisme Ukrainien) - les loosers qui abdiquent sans essayer et qui s'abstiennent, ou ceux sans sens civique qui préfèrent un resto au futur de leur nation Saluons néanmoins les quelques intelligents qui ont su s'unir pour faire face à l'adversité: je les salue humblement et les remercie: vous êtes un bel exemple!

    Pseudonyme

    17 h 40, le 16 mai 2022

  • ???

    Eleni Caridopoulou

    17 h 13, le 16 mai 2022

  • Le syndrome de Stockholm a quand même sévi et des gens ( trop à mon goût) ont votés pour leurs tortionnaires-illusionistes. Toutefois on s'est forgé un parlement qui dévoile une certaine lueur d'espoir... Inchallah Khayr ... on verra comment ce nouveau parlement et ses ligéénes traitera l'explosion du port, les milices/armée d'occupation de partis non enregistrés, les voleurs du denier publique et des argents du peuple Etc. Etc. Etc. Etc......

    Wlek Sanferlou

    14 h 56, le 16 mai 2022

  • Moi qui pensais bêtement que les alliés des fossoyeurs de notre pays seront écrabouillés par ces élections et qu’on en entendrait plus jamais parler. Des libanais sont quand même allés voter leurs assassins, ceux qui ont détruit leur pays et les ont rendu à l’état l'esclavage. Quelle déception que ce peuple nous a infligé. Je ne parle pas des régions où les fraudes et une nouvelle méthode de voter a été instaurée en accompagnant chaque votant jusqu’à dans l’isoloir pour vérifier qu’il les a bien coché, mais des autres régions soit disant démocratiques et qui ont osé glisser un bulletin de la honte pour appuyer leurs tortionnaires. Nous avons les gouvernants que nous méritons et tant pis pour les récalcitrants et surtout pour les abstentionnistes qui ont préféré rester chez eux en espérant un miracle qui n’aura jamais lieu grâce à leur manque de civisme et de patriotisme. Du dégoût. Voilà ce que m’inspirent ces élections.

    Sissi zayyat

    10 h 40, le 16 mai 2022

  • La percée, même si timide, des Independants est un très bon présage. Autre bon signe, c'est que la candidature de GB pour la présidence a été enterré pour le moment, et si le duo chiite insiste encore sur leur dinosaure en tant que chef du parlement, ils n'auront rien à dire si SG se présente pour la magistrature suprême.

    K.H

    10 h 15, le 16 mai 2022

  • La plus belle victoire, si elle est confirmée, sera à mon sens celle d'Elias Khoury des FL à Tripoli. L'arrivée d'un député FL de la ville de Tripoli, aux côté d'Achraf Rifi, marquera symboliquement le triomphe de la résistance libanaise sur l'ennemi néo-safavide constitué du régime iranien du régime des Assad et du Hezbollah dans son plan diabolique de fomenter des guerres sunnites contre chrétiens pour imposer la domination de ses milices de Beyrouth à Baghdad. Vraie résistance libanaise qui est non seulement celle des FL et de leurs (vrais) alliés mais aussi celle de Youssef Karam, de Fakhreddine, de saint Jean Maroun, dont l'âme est la doctrine de Notre-Seigneur Jésus-Christ vrai Dieu vrai homme enseignée par l'Eglise catholique que Notre-Seigneur a fondée sur la pierre de la papauté transmise à saint Pierre et ses successeurs, le corps est le Liban avec tous ses patriotes quelque soit leur confession mais où les maronites sont le coeur car ce sont les seuls qui au long de l'histoire adhéré sans jamais défaillir à la doctrine catholique qui est l'âme de la résistance libanaise. La victoire d'un candidat Forces Libanaises dans le coeur du sunnisme libanais qu'est Tripoli marquera la fin de la guerre sunnite contre chrétiens que les néo-safavides nous ont imposée depuis 50 ans pour dominer le Liban, le glorieux 15 mai 2022 vengera et effacera pour toujours le funeste 13 avril 1975 !

    Citoyen libanais

    09 h 23, le 16 mai 2022

  • RIEN N,A CHANGE. ON REVIENT MAJORITAIREMENT AUX MEMES. ET A DES GOUVERNEMENTS D,ENTENTE COMMUNAUTAIRE. JE NE VOIS PAS SI L,OPPOSITION EST MAJORITAIRE LA FORMATION D,UN GOUVERNEMENT DE LA MAJORITE, PAR CONTRE SI LE HEZBOLLAH ET SES ACCESSOIRES SONT MAJORITAIRES ILS FORMERONT UN GOUVERNEMENT A EUX SEULS. YE3NE TITI TITI... MA FI CHI GHAYAR. HENNEN ZETONE. J,AVAIS TOUJOURS DIT QUE DES LEGISLATIVES AVEC L,UNE DES COMMUNAUTES ARMEE SONT DE LA BLAGUE ! LES MEMES FACES MAFIEUSES QUI ONT DETRUIT LE PAYS SONT DE RETOUR !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 42, le 16 mai 2022

  • Beaucoup de bruit pour rien!

    Georges MELKI

    05 h 53, le 16 mai 2022

  • Si majorité anti Iran il y a la premiere chose à faire c'est d'élire un nouveau chef du parlement. Si les chiites contestent en disant que c'est le chiite le plus fort alors Geagea président en contre partie c'est donnant donnant désormais Tellement content qu'on se passe de Hariri sa politique de soumission n'a amené que des désastres

    Liban Libre

    03 h 30, le 16 mai 2022

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