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Culture - Danse contemporaine

Sur les scènes beyrouthines, Bipod 2022 invite à la désobéissance culturelle

Pour cette 18e édition du festival Bipod qui s’est déroulée à Lyon du 5 au 7 mai, et qui se déplacera à Beyrouth du 24 au 29 mai, Mia Habis et Omar Rajeh offrent un programme de performances, vidéos, discussions, débats, expériences et conversations autour de la thématique de la #DésobéissanceCulturelle.

Sur les scènes beyrouthines, Bipod 2022 invite à la désobéissance culturelle

« Nebula » de Vania Vaneau. Photo DR

#DésobéissanceCulturelle. Un slogan/titre/hashtag qui peut étonner. Une association de deux mots qui peuvent s’annihiler. Le premier renvoie à la rébellion, l’insoumission, la transgression, alors que le second établit un trait d’union entre les autres et soi-même, et permet la communication, la rencontre avec l’autre. La culture est le lien qui unit et réduit la distance qui sépare les hommes. La culture permet de s’élever au-dessus de soi-même. Mais pour Mia Habis et Omar Rajeh, les cofondateurs du festival Bipod, la dynamique est définitivement constructive : « On désobéit, indique Mia Habis, pour exprimer soit son mécontentement, soit pour se sentir plus libre dans le processus de la création, pour se renouveler et changer le système qui ne correspond plus à nos aspirations. On désobéit pour ouvrir un débat sur la culture en relation avec plusieurs préoccupations artistiques, sociales et politiques. »

Pour la codirectrice de la compagnie de danse Maqamat et directrice artistique de Bipod, le festival soulève trois questionnements et trois perspectives : comment la culture peut-elle intervenir et s’engager dans le social et le politique sans perdre son dynamisme et ses interrogations artistiques ? Combien de dynamiques culturelles reflètent une scène d’inclusion et d’égalité ? Qu’est-ce que cela signifie d’être un artiste, un programmateur ?

Omar Rajeh. Photo Hadi Bou Ayache

« Il est urgent de s’interroger sur ce que peut recouvrir aujourd’hui l’idée d’une crise de la culture. Si la culture est un sujet d’inquiétude, c’est qu’elle est censée être une production humaine de grande valeur », estime Mia Habis.

La culture n’est pas un divertissement

Pour les cofondateurs du festival, installés à Lyon depuis quelques années, nous vivons dans un monde qui a changé. C’est pourquoi, estiment-ils, ils se doivent de réfléchir différemment la hiérarchie de la culture et le processus de création. « Il existe différentes perspectives culturelles qu’il faudrait prendre en considération aujourd’hui, il importe donc d’ouvrir ce débat », affirme le duo qui lance ainsi plusieurs questionnements : est-ce que les artistes aujourd’hui sont dans un système qui leur permet de s’épanouir en toute liberté, sans contraintes ?

Mia Habis. Photo Galerie Harold

Qui décide de présenter leur travail ou pas ? Réfléchir la culture sans l’idée de compétition, mais au contraire dans une dynamique de partage, aller dans le sens de la participation et de la solidarité, être concernés les uns par les autres en toute égalité et justice est essentiel. Face aux difficultés que traversent les sociétés, à la fois économiques, sociales, culturelles, Mia Habis et Omar Rajeh insistent sur la nécessité de revoir les valeurs dans la richesse de la diversité, mettre au point des stratégies capables de gérer ces aspects entremêlés. La culture apporte des réponses.

« Notre projet, précise Omar Rajeh, est une invitation à remettre les bonnes bases, à se poser les bonnes questions et à construire pour l’avenir un terrain favorable aux questions de la culture en général et dans notre cas de la danse en particulier. La culture est d’autant plus importante au Liban qu’elle est menacée par un plan politique qui ne date pas d’hier. Ceux qui cherchent à détruire la culture au Liban sont conscients de sa nécessité pour construire une nation. » Et Mia Habis de renchérir : « Pourquoi la culture existe-t-elle ? Est-ce simplement un divertissement ? Ou une des bases sur lesquelles il faut construire un pays ? »

Mia Habis. Photo Galerie Harold

Bipod, autrement

L’édition Bipod 2022 présente deux volets. Un volet de spectacles en présentiel avec un programme en direct diffusé sur la plateforme numérique Citerne.live : des vidéos en streaming, et un volet de discussions, des meetings, des ateliers de travail et des laboratoires artistiques.

Les spectacles, contrairement aux années précédentes, seront présentés en majorité à l’extérieur, dans les jardins du musée Sursock. « Nous avons voulu créer une dynamique différente et une approche des performances différente dans un nouveau format pour instaurer une nouvelle relation avec les spectateurs autrement que dans l’enceinte d’un théâtre. Notre aspiration est d’explorer comment les idées inspirantes, qui se sont matérialisées dans les théâtres, les festivals, les compagnies et les collectifs, peuvent continuer à rajeunir, à se revitaliser et à servir leurs objectifs innovants », indique Omar Rajeh.Six spectacles seront présentés à partir du 25 mai. Le festival s’ouvrira au théâtre Beryte et en direct sur www.Citerne.live, avec Ara Ara, spectacle de Ginevra Panzetti et Enrico Ticconi (Italie/Allemagne), un duo qui offre une performance sur la symbolique du drapeau. « Le drapeau seul est éloquent », commente Mia Habis dans un sourire.

L’œuvre de Fabien Thomé, Moi-Je, le 26 mai à 19h au musée Sursock et en direct sur www.Citerne.live et le 28 mai à 18h à Baakline (dans le Chouf), se concentre sur un travail corporel pour unifier la respiration et le mouvement, et développer des facettes interprétatives en tablant sur le contact et l’improvisation.

« Nebula » de Vania Vaneau. Photo DR

Alexandre Roccoli, également le 26 mai à 19h au musée Sursock, puise son inspiration à la source de danses de possession telles qu’elles ont pu apparaître au Maroc. Avec Nebula (le 27 mai à 18h au musée Sursock), Vania Vaneau aborde le corps humain en relation avec la nature, comme la rencontre de champs de forces dans un contexte postapocalyptique. En tant que danseur, Bassam Abou Diab (le 27 mai à 20h au théâtre Beryte) tente d’incarner la réaction de pratiques inhumaines, conduisant à un monde fantasmatique et permettant au corps de se transcender dans le surnaturel, danser et rêver pour survivre à la douleur dans un contexte postapocalyptique. Quant au but de Ioannis Mandafounis (le 29 mai à 19h au musée Sursock), il est de créer sur le vif une performance basée sur les idées des spectateurs qui lui seront lancées au moment de la représentation. Recueillir, traiter et restituer les suggestions du public sous forme de danse, improvisée instantanément sous ses yeux. Outre les spectacles, d’importantes discussions et meetings auront lieu sous le label Caring Daring Sharing avec des invités dans des domaines variés, de la thérapie à la santé, en présence de représentants d’ONG et d’activistes. Le festival offre un programme de vidéos pour encourager de nouveaux artistes qui présenteront leurs œuvres ainsi que le film de Omar Rajeh réalisé en collaboration avec Sélim Mourad et commissionné par le festival d’Édimbourg. Discuter et réfléchir à la stratégie pour continuer et persévérer, avoir le courage d’être attentif aux idées de solidarité et de partage, tel est l’objectif de ces deux artistes, qui bien que géographiquement éloignés du pays n’ont jamais été plus à l’écoute de la culture libanaise et de son public.

Plateformes multiples

Maqamat, initialement fondée en 2002 à Beyrouth par le chorégraphe Omar Rajeh, s’est implantée à Lyon en 2020 dans la perspective de développer ses projets créatifs et culturels en France et à l’international. La compagnie compte plus d’une vingtaine de créations chorégraphiques dans son répertoire et jouit d’une grande reconnaissance à travers le monde. Elle a émergé comme une organisation majeure dans la création et l’établissement d’une scène de danse contemporaine au Liban et dans la région. Elle a fondé de grands projets de danse tels que Bipod-Beirut International Platform of Dance, Takween, un programme de formation intensive, Moultaqa Leymoun, une plateforme de diffusion soutenant des artistes de différents pays arabes et, plus récemment, la plateforme numérique Citerne.live.

Bipod 2022. « CulturalDisobediance »

Du 25 mai au 29 mai

Entrées gratuites.

Programme disponible sur www.Citerne.live

#DésobéissanceCulturelle. Un slogan/titre/hashtag qui peut étonner. Une association de deux mots qui peuvent s’annihiler. Le premier renvoie à la rébellion, l’insoumission, la transgression, alors que le second établit un trait d’union entre les autres et soi-même, et permet la communication, la rencontre avec l’autre. La culture est le lien qui unit et réduit la distance qui...

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