Rechercher
Rechercher

Culture - Documentaire

10 452 pas pour laisser des traces dans l’histoire

À voir en salle, « Beirut, the Aftermath », le premier documentaire réalisé par Fadia Ahmad, distribué par Rim Chéhab et soutenu par l’ambassade de Suisse au Liban et par un nombre de volontaires et de bénévoles.

10 452 pas pour laisser des traces dans l’histoire

Fadia Ahmad : « Il était vital pour moi, voire viscéral, de réaliser ce documentaire. » Photo DR

Pour son premier film, Fadia Ahmad a déjà glané plusieurs prix et parcouru plusieurs pays, mais ce n’était certainement pas son objectif premier en réalisant le documentaire Beirut, the Aftermath, projeté dans les salles libanaises.

L’artiste photographe libanaise née à Alicante (Espagne) a fait ses premiers pas dans l’art contemporain en 2019 en exposant le fruit de sept années de travail à Beit Beyrouth. Son accrochage intitulé Beirut/Beyrouth, supposé être itinérant, s’est interrompu après une première escale à Amman en 2020 en raison de la pandémie du Covid-19. Le 4 août 2020, l’artiste, qui a effectué des études de cinéma à l’Iesav, met son appareil photo en mode pause et se tourne vers la réalisation. « Il était vital pour moi, voire viscéral, de réaliser ce documentaire », dit-elle.

Dans Beirut, the Aftermath, qui prend sa source dans le travail photographique Beirut/Beyrouth, elle veut porter la voix de tous ces Libanais qui souffrent jusqu’à présent de cette blessure béante et qui ne cicatrisera probablement pas. C’est non seulement un cri de douleur de et à la ville de Beyrouth, mais aussi une sorte de réconciliation avec son pays, son peuple, ses racines. Beirut, the Aftermath, c’est 10 452 pas qui mènent du Sporting Club (Manara) à Mar Mikhaël, c’est comme un microcosme de toute la superficie du Liban. « Dix mille quatre cent cinquante-deux pas, un itinéraire témoin de l’horrible catastrophe qui bouleversa la vie de milliers de gens en une seconde, un travail de mémoire qui vise à laisser une trace de l’histoire qu’“ils” vont essayer bien sûr d’effacer comme d’habitude. » « C’était aussi, poursuit Fadia Ahmad, ma façon de m’approprier mon identité et mon territoire. »

« Beirut the Aftermath », promenade visuelle dans une ville aux blessures béantes. Photo DR

Lorsque les murs parlent

Ce documentaire est un projet intime, personnel, qui marque la réconciliation avec ses racines d’une fille dont les parents ont quitté le Liban en 1975 pour ne plus y revenir jusqu’en 1991. « Je suis née au début de 1975 en Espagne, à Alicante. J’avais donc un problème d’identification au pays. Ce n’est qu’à l’âge de 40 ans que j’ai décidé d’entreprendre ce périple. »

Dans ce film, Fadia Ahmad marche, court parfois, tout au long de son trajet qui s’apparente à un parcours initiatique. Elle effectue plusieurs arrêts au cours desquels elle rencontre des personnes qui lui racontent leurs histoires, leurs expériences, souvent avec beaucoup de pudeur, interrompues par des silences très bavards. On verra ainsi la designer Maria Halios, la galeriste Nayla Kettaneh Kunigk, l’ambassadrice de Suisse Monika Schmutz Kirgoz, ou encore un matelassier de voitures anonyme. « Ils se sont mis à nu devant moi et je les ai laissés parler », indique Fadia Ahmad.

Lire aussi

Samir, le maître chanteur de la Corniche

Les murs aussi ont droit à la parole dans ce documentaire. Des murs fissurés, cassés, détruits, qui ne se relèveront pas, comme par exemple ceux de la Villa Clara, fleuron qui a accueilli de nombreuses célébrités comme Isabelle Adjani en 2018. Ces murs ont la voix off de Doris Sayegh. Ils pleurent. Ils sont le miroir d’une ville qui tombe en lambeaux.

« Beirut the Aftermath » a voyagé à New York, Chicago, en Italie, reçu cinq prix au Canada, à Argenteuil ou au Venezuela. Photo DR

Beirut, the Aftermath s’adresse bien sûr aux Libanais qui veulent encore et encore se souvenir de cette seconde où tout a basculé, mais aussi et surtout au monde entier. La réalisatrice affirme avoir voulu porter partout la voix des habitants de la capitale libanaise. De Paris à Madrid (où la première du film vient d’avoir lieu) jusqu’à la clôture de l’Expo universelle de Dubaï 2020, Beirut, the Aftermath a voyagé à New York, Chicago, en Italie, reçu cinq prix au Canada, à Argenteuil ou au Venezuela. « C’est un cri de tous les Libanais qui croulent actuellement sous le poids de la paupérisation. Ce documentaire aura certainement valeur d’archives au Liban. Mon devoir est de sensibiliser la diaspora et de lui rappeler ce qu’était Beyrouth et ce qu’elle est devenue aujourd’hui. Chacun à sa manière fera donc un travail de mémoire. Et si ce film peut inciter les Libanais à se rendre aux urnes et à voter pour panser les plaies de Beyrouth, alors pour moi, ce film aura atteint son objectif. »

Pour son premier film, Fadia Ahmad a déjà glané plusieurs prix et parcouru plusieurs pays, mais ce n’était certainement pas son objectif premier en réalisant le documentaire Beirut, the Aftermath, projeté dans les salles libanaises. L’artiste photographe libanaise née à Alicante (Espagne) a fait ses premiers pas dans l’art contemporain en 2019 en exposant le fruit de sept années de...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut