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Politique - Circonscriptions

L’intimidation fait toujours la loi à Liban-Sud II

Dans la région de Tyr-Zahrani, le tandem chiite brandit le bâton de la menace et la carotte du clientélisme.

L’intimidation fait toujours la loi à Liban-Sud II

Le président du Parlement Nabih Berry recevant les félicitations à son domicile à Msayleh au Liban-Sud, à l’issue des législatives de 2018. Mahmoud Zayat/AFP

Le Liban-Sud II est probablement la circonscription où l’issue de la bataille électorale fait le moins de doute. Non seulement du fait de la présence du rouleau compresseur Amal-Hezbollah, mais aussi parce que les opposants au tandem se présentent, là aussi, en rangs dispersés. Ici l’intimidation règne en maître contre tous ceux qui essayent de faire face au duo chiite et surtout au président du Parlement Nabih Berry, candidat-roi dans cette circonscription qui compte 328 619 électeurs et sept sièges à pourvoir : six chiites et un grec- catholique. Le nombre réduit de sièges par rapport au nombre élevé d’inscrits (et donc de votants) dans cette entité fait que le seuil électoral y est particulièrement élevé (plus de 21 000 en 2018), de sorte qu’il exerce un effet dissuasif chez tout concurrent potentiel du tandem chiite.

Les listes en présence

Quatre listes vont s’engager dans la bataille dans cette circonscription composée du caza de Tyr et de la région de Zahrani, connue également sous l’appellation « Saïda-villages ». La ville de Saïda proprement dite en a été détachée pour être reliée au caza de Jezzine dans le cadre de la circonscription du Liban-Sud I. La liste soutenue par le tandem chiite Amal-Hezbollah n’apporte quasiment aucun changement cette année, les candidats étant tous des députés sortants.

Considérée comme ayant un pied dans l’opposition et un autre dans l’establishment politique du fait de son soutien au principe de la résistance et donc au Hezbollah, mais farouchement opposée par ailleurs au mouvement Amal et à son chef Nabih Berry, la liste baptisée « l’État inclusif » (al-Dawla al-Hadina) a, elle, créé une confusion des genres. Soutenue par Bouchra el-Khalil, une figure pour le moins ambiguë, et ayant embarqué à bord Riad el-Assaad, candidat malheureux aux législatives de 2018, et Hassan Khalil, un troisième candidat qui se démarque lui aussi par son opposition à Amal, la liste a du mal à ce jour à convaincre tant l’idée d’un tandem indéfectible est bien ancrée dans les mentalités. « Elle est à mi-chemin entre l’opposition et le pouvoir, dans une sorte de zone grise », commente un expert électoral sous couvert d’anonymat.

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Concoctée par Robert Kanaan, un candidat indépendant soutenu par les Forces libanaises, une troisième liste s’oppose plus frontalement au tandem chiite. Elle comprend uniquement trois candidats, un grec-catholique et deux chiites, des perles rares tant il est vrai que le duo Amal-Hezbollah règne en maître absolu sur le terrain. C’est également le cas pour les six autres chiites qui se présentent sur une quatrième liste regroupant des figures de la contestation. Cette liste défie ouvertement aussi bien Amal que le Hezbollah en se proclamant en faveur de la souveraineté et de l’édification d’un État laïc. La liste regroupe des éléments de la gauche, des indépendants et plusieurs intellectuels du Forum culturel de Tyr.

Entre 2018 et 2022

En 2018, Nabih Berry était arrivé largement en tête du scrutin, récoltant à lui seul l’équivalent d’un peu plus de deux coefficients électoraux, soit un total de 42 137 voix. Le deuxième après lui, le candidat du Hezbollah Nawaf Moussaoui, avait recueilli 24 379, soit presque la moitié, alors que les autres candidats élus du mouvement Amal dont Inaya Ezzeddine et Ali Khreiss avaient récolté respectivement 18 815 et 15 672 voix.

Une seconde liste regroupant un candidat soutenu par le Courant patriotique libre n’a pu dépasser le total de 11 481 voix, dont la majorité avait été recueillie auprès des électeurs chrétiens, comptabilisés à près de 19 000, qui avaient tenté un vote sanction à l’égard d’Amal principalement.

Les principaux enjeux

- Intimidation et clientélisme : on aurait presque pu croire à la possibilité d’une réduction relativement marquée des voix alimentant la liste du tandem cette année, si l’on se trouvait dans un contexte véritablement démocratique où la liberté de vote est garantie. Ce n’est pas le cas dans cette circonscription où les pressions, menaces et intimidations ont commencé très tôt déjà. L’incident du Sarafand, survenu il y a près de deux semaines, le jour de l’annonce de la liste « Vers le changement » des groupes de la contestation, est un indicateur des tentatives de découragement qui s’exercent en ces lieux. Les membres de la liste avaient été interceptés par un membre du mouvement Amal. Il a bloqué la route et a tiré en l’air avant que les forces de l’ordre n’interviennent pour juguler l’affaire. À cet incident isolé, viennent s’ajouter des pratiques plus sournoises qui font planer une crainte diffuse mais non moins réelle chez les candidats de l’opposition.

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« Les discours de trahison font légende depuis le début de la campagne. Ils ont créé un vrai climat d’animosité à notre encontre », confie Mohammad Ayoub, candidat de la principale liste de contestation, qui se prononce ouvertement en faveur d’une détention exclusive des armes par l’État. Dans un récent discours, le numéro deux du Hezbollah, Naïm Kassem, avait appelé à combattre « les agents des ambassades avec la même ardeur avec laquelle nous combattons Israël ». Le jour de l’annonce de sa liste, Nabih Berry avait accusé à son tour les figures d’opposition, mais sans les nommer, de bénéficier « de mallettes bourrées d’argent » en provenance de l’étranger. Candidat indépendant du village chrétien de Maghdouché, mais soutenu par les Forces libanaises, Robert Kanaan se plaint de la diabolisation par le duo chiite des candidats de sa liste, « née à l’issue d’une véritable césarienne tant les pressions à l’encontre des candidats chiites étaient élevées », dit-il.

Ces pratiques d’intimidation ne manquent pas parfois d’humour. Depuis l’annonce de sa candidature, Mohammad Ayoub raconte qu’il se fait suivre. Un jour, exaspéré, il décide de descendre de voiture et d’approcher l’homme au volant qui le suivait, relate-t-il. « Tu ne penses pas qu’il serait plus logique de monter ensemble pour économiser de l’essence qui coûte très cher de nos jours », lui dit-il. Les deux hommes pouffent de rire. Mais le conducteur ne lui dit pas un mot, et préfère continuer à le suivre. Mohammad Ayoub affirme qu’il ne peut d’ailleurs plus aller à son café préféré dont le propriétaire est pourtant un ami. « Il a peur qu’en m’accueillant, il risque de perdre beaucoup de ses clients. »

Politique de la carotte et du bâton oblige, le tandem chiite fait parallèlement preuve en ces temps d’austérité et de privation, d’une générosité à toute épreuve, selon les témoignages de locaux. La taille et le contenu des cartons alimentaires distribués à gogo durant le mois de ramadan varient selon l’intensité de l’allégeance. « Pour les acquis au tandem, ce sera un grand carton. Pour les indécis, un carton moyen et pour les autres rien du tout », confie un habitant de Tyr sous couvert d’anonymat. On raconte aussi que depuis trois jours, la distribution des billets de 50 dollars a commencé, à l’occasion de la fête du Fitr probablement.

- Le vote chrétien : à l’ombre de ce climat, la compétition semble éliminée d’emblée. « Il n’y a aucun doute que la liste Amal-Hezbollah va rafler 90 pour cent des voix », commente Georgia Dagher, chercheuse à Policy Initiative, une ONG qui fournit entre autres des études en matière électorale. De plus en plus vulnérable du fait des accusations de corruption, le mouvement Amal y perdra certainement des plumes, mais pas au point de menacer la reconduction de quasiment la majorité de ses candidats.

Considérée comme l’une des villes les plus actives durant la révolte d’octobre 2019 avant que les protestataires ne se fassent violemment mater, l’humeur contestataire de la ville de Tyr ne l’a pas complètement abandonnée. Sauf que l’hostilité qui prévaut dans cet environnement risque de pousser les votants à s’abstenir sinon, pour beaucoup, à se plier au fait accompli. « Dans cette circonscription, beaucoup d’électeurs vont se rendre aux urnes comme des soldats vaincus », résume Ali el-Amine, un chiite indépendant.

Une des rares nouveautés à laquelle il faudra s’attendre serait un vote chrétien qui se voudrait « utile » et qui verserait largement cette année en faveur du candidat soutenu par les FL, Robert Kanaan, et de Hicham Hayek qui se trouve sur la liste complète de la contestation, tous les deux originaires du village de Maghdouché, prévoit Georgia Dagher. Le troisième candidat chrétien issu du même village, le député sortant Michel Moussa, fidèle compagnon de Nabih Berry, serait réélu plutôt avec les voix d’Amal qui n’ont pas dépassé les 4 162 voix en 2018.

Fiche technique

Le caza de Tyr et la région de Zahrani

Sept sièges à pourvoir : 6 chiites et 1 grec-catholique.

Nombre d’électeurs inscrits  : 328 619 électeurs dont 18 584 expatriés.

Répartition confessionnelle des électeurs : 81 % chiites, 7 % sunnites, 6 % grecs-catholiques, 5 % maronites, 1 % autres

Seuil électoral (en 2018) : 48,2 % des suffrages soit 21 428 voix.

Les listes en présence

1- Le choix libre : soutenue par les Forces libanaises Daoud Faraj, Kassem Daoud, Robert Kanaan

2- Espoir et loyauté : soutenue par le tandem chiite Amal-Hezbollah Nabih Berry, Ali Khreiss, Ali Osseirane, Hassan Ezzeddine, Hussein Jechi, Inaya Ezzeddine, Michel Moussa

3- Vers le changement : soutenue par des groupes de la contestation et Citoyens et citoyennes dans un État Ali Khalifé, Ayman Mroué, Hatem Halaoui, Hicham Hayek, Mohammad Ayoub, Rou’a Farès, Sarah Soueidan

4- L’État inclusif (Hadina) : soutenue par des figures chiites prorésistance

Bouchra el-Khalil, Hassan Khalil, Riad el-Assaad, Youssef Khalifé

Le Liban-Sud II est probablement la circonscription où l’issue de la bataille électorale fait le moins de doute. Non seulement du fait de la présence du rouleau compresseur Amal-Hezbollah, mais aussi parce que les opposants au tandem se présentent, là aussi, en rangs dispersés. Ici l’intimidation règne en maître contre tous ceux qui essayent de faire face au duo chiite et surtout au...

commentaires (5)

"… L’intimidation fait toujours la loi à Liban-Sud II …" - Ben, forcément, quand on a plus d’armes que de cervelle, on fait avec ce qu’on a. C’est pas leur faute…

Gros Gnon

17 h 36, le 30 avril 2022

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Commentaires (5)

  • "… L’intimidation fait toujours la loi à Liban-Sud II …" - Ben, forcément, quand on a plus d’armes que de cervelle, on fait avec ce qu’on a. C’est pas leur faute…

    Gros Gnon

    17 h 36, le 30 avril 2022

  • Ce que vous avez publié comme suite de mon commentaire n’explique pas ce que j’ai relaté avant mes remerciements. Pourquoi l’avoir ignoré?

    Sissi zayyat

    13 h 08, le 30 avril 2022

  • J’ai oublié de remercier les protecteurs des chrétiens qui nous ont fait ce cadeau empoisonné à l’occasion de l’intronisation du père de tous, pour anéantir le peuple et le pays pour sa gloire personnelle et celle de sa famille et clique.

    Sissi zayyat

    11 h 45, le 30 avril 2022

  • a se demander, si elles pourraient percer ne serait ce qu'avec un seul candidat-QUEL QU'IL SOIT- au cas ou les FL & Citoyens & Citoyennes s'alliaient ? question valable partout ailleurs au Liban ? NB. j'espere que les resultats auront qq effet sur les gens de la thawra, qui ferait qu'ils reflechiraient de facon plus intelligente en 2026

    Gaby SIOUFI

    10 h 39, le 30 avril 2022

  • LES INTIMIDATIONS, LES MENACES VOIRE MEME LES ASSASSINATS SONT DU FOLKLORE LIBANAIS JOUE PAR LES MERCENAIRES IRANIENS ET LEURS PARAVENTS CHRETIENS AVANT TOUT MAIS AUTRES AUSSI. DANS UN PAYS OU UNE DES COMMUNAUTES EST ARMEE JUSQU,AUX DENTS ET NOMME QUI DOIT SE PRESENTER AUX ELECTIONS LEGISLATIVES ET PRESIDENTIELLES ET LES IMPOSE PAR INTIMIDATIONS ET MENACES CES LEGISLATIVES ET PRESIDENTIELLES SONT DE LA BLAGUE. ELLES DEVRAIENT ETRE BOYCOTTEES PAR TOUS LES AUTRES LIBANAIS JUSQU,AU DESARMEMENT ET LIQUIDATION COMPLETS DES MILICES IRANIENNES ET DE LEURS PARAVENTS ET ACCESSOIRES. LIBANAISES/LIBANAIS VOUS VOUS CREVEZ LES YEUX AVEC VOS PROPRES DOIGTS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    06 h 28, le 30 avril 2022

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