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Politique - Circonscriptions

Le vote sunnite au cœur de la bataille à Zahlé

Le candidat sunnite sur la liste des FL, Bilal Hechaïmi, serait soutenu par Fouad Siniora. Son adversaire sur la liste menée par Michel Daher, Omar Halablab, bénéficierait de l’appui d’Ahmad Hariri. Décryptage.

Le vote sunnite au cœur de la bataille à Zahlé

En 2018, cinq listes concurrentes avaient croisé le fer à Zahlé. Haytham Moussaoui/AFP

Le vote sunnite est le principal enjeu du scrutin législatif du 15 mai dans la circonscription de la Békaa I qui correspond au caza de Zahlé. Avec 54 584 électeurs inscrits, soit 30 % des 183 723 inscrits de la circonscription, il peut à lui seul faire pencher la balance. Mais le retrait de la vie politique du chef du courant du Futur a rebattu les cartes dans cette circonscription traditionnellement proche des Hariri. Deux scénarios sont donc envisageables : un éparpillement des voix sunnites sur deux à trois listes, ou un taux élevé d’abstention qui risquerait d’abaisser le seuil électoral et d’avantager les listes moins fortes. À deux semaines de l’échéance, le paysage électoral est encore flou, malgré quelques certitudes comme la victoire du candidat chiite du Hezbollah, Rami Abou Hamdane, et celle du député sortant des FL, Georges Okaïs. Autre certitude à ne pas négliger, l’achat de voix dans le caza, parfois par package au plus offrant. « Les 3 000 voix à quelque 500 000 USD », révèle l’analyste électoral Kamal Féghali.

Les forces en présence
La réalité de Zahlé est complexe. Ses électeurs, dont 9 566 inscrits depuis l’étranger, se prononceront sur sept sièges à pourvoir. Un seul est attribué à la communauté sunnite en dépit de sa supériorité démographique, alors que deux sièges sont attribués à la communauté grecque-catholique, qui compte 30 612 électeurs inscrits. Les autres sièges sont répartis comme suit : un chiite (30 509 inscrits), un maronite (29 513 inscrits), un grec-orthodoxe (17 066 inscrits) et un arménien-orthodoxe (8 530 inscrits).

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Huit listes et 44 candidats se disputeront les sept places à l’hémicycle. Les deux plus fortes sont issues de la classe politique traditionnelle et du clivage 14 Mars-8 Mars : celle des Forces libanaises, seule liste complète ; et l’alliance entre le Courant patriotique libre, le Hezbollah et le parti arménien Tachnag. Deux autres listes sont construites autour de familles zahliotes, autrefois alliées du CPL ou du 8 Mars : celle de l’homme d’affaires Michel Daher, allié cette fois au parti Kataëb après avoir quitté le groupe parlementaire aouniste; et celle du Bloc populaire de Myriam Skaff. Enfin, quatre listes sont issues de la contestation populaire dont certaines ont été unifiées au forceps.

Entre 2018 et 2022
C’est dans cette circonscription qu’a été propulsé au Parlement le candidat le plus mal élu du scrutin de 2018, avec 77 voix seulement. La victoire de l’arménien-orthodoxe Eddy Demerdjian est l’exemple type de l’effet pervers du mode de scrutin proportionnel en vigueur. Ce candidat figurait sur la liste soutenue par le Hezbollah, qui avait obtenu deux sièges après avoir atteint par deux fois le coefficient électoral. Mais à part le candidat chiite, aucun membre de la liste n’avait réussi à battre ses adversaires des listes concurrentes. Tous les autres sièges étant alloués, le siège arménien-orthodoxe de cette liste était donc revenu à M. Demerdjian.

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Les législatives de 2018 avaient consacré la victoire des partis au pouvoir, face à une liste de la société civile qui n’a pas convaincu. Deux candidats sur la liste du Hezbollah avaient été élus, Anouar Jomaa (chiite, 15 601 voix) et l’indépendant Eddy Demerdjian. Également portés à l’hémicycle deux candidats du CPL et alliés, Michel Daher (grec-catholique, 9 742 voix) et Salim Aoun (maronite, 5 567 voix). Les FL avaient également obtenu deux sièges, Georges Okaïs (grec-catholique, 11 363 voix) et César Maalouf (grec-orthodoxe, 3 554 voix). Enfin, le courant du Futur avait vu la victoire de son candidat Assem Araji (sunnite, 7 224 voix).

Mais à l’époque, trois alliances fortes avaient dominé le scrutin : l’alliance entre les FL et le parti Kataëb, celle entre le CPL, le courant du Futur et le Tachnag, et enfin celle entre le tandem Hezbollah-Amal et Nicolas Fattouche. Deux autres listes, celle du Bloc populaire de Myriam Skaff et celle de la société civile sous le label Koullouna Watani, n’avaient pas réussi à atteindre le coefficient électoral de 13 095 voix.

Les principaux enjeux
– Le vote utile : l’arsenal illégal du Hezbollah et son rôle néfaste dans la construction d’un État de droit sont au cœur de la campagne menée par les FL, mais aussi par nombre de sympathisants de la contestation populaire. Une campagne qui porte, au vu de l’intention de nombreux électeurs chrétiens de recourir au vote utile, en accordant leurs voix aux adversaires du parti pro-iranien les plus forts, à savoir la liste des Forces libanaises. « Je vote utile, contre le Hezbollah et pour les FL », résume Nagib Khazzaka, habitant de Zahlé et journaliste à la retraite. Rappelons que le vote chrétien est majoritaire dans cette circonscription. Il représente environ 100 000 inscrits contre 80 000 voix musulmanes. « La force électorale à Zahlé est principalement chrétienne », explique le chef de la division électorale des FL, Nadim Yazbeck. « Vu le flou qui entoure le vote sunnite, nous comptons sur nous-mêmes et sur notre bonne organisation », ajoute-t-il. Il faut aussi compter avec le capital sympathie dont bénéficie le parti de Samir Geagea au sein de la capitale de la Békaa. Un capital qui devrait permettre au député sortant Georges Okaïs d’être plébiscité. Mais au-delà de ce siège quasiment assuré, les pronostics sont prudents quant à la capacité des FL d’obtenir deux sièges, voire les trois qu’elles convoitent. « Tout dépendra du vote sunnite qui demeure flou. S’il soutient les FL, elles pourraient fort bien obtenir deux sièges », assure l’analyste électoral Fouad Khalil.

– L’affaiblissement du CPL : la baisse de popularité du CPL de Gebran Bassil est aussi une inconnue à Zahlé, parce que cette réalité n’est pas chiffrée. Elle pourrait de plus être compensée par le vote chiite, généralement massif en faveur du candidat du tandem Hezbollah-Amal. Même si face à lui, les candidats maronites ne font pas vraiment le poids, le sort du candidat aouniste sortant, Salim Aoun, privé du soutien haririen, demeure donc vague pour l’instant. Et ce d’autant que le CPL et le Hezbollah sont cette fois sur la même liste, contrairement au scrutin de 2018 où, à eux deux, ils avaient obtenu quatre sièges. La liste pressentie pour obtenir deux sièges aura-t-elle le coefficient électoral suffisant pour porter une nouvelle fois le député maronite au Parlement? « La popularité du CPL est en chute libre dans la région depuis le 17 octobre 2019 », observe Kamal Féghali. Une situation qui pourrait aussi se répercuter négativement sur la liste du Bloc populaire. « Myriam Skaff est connue pour être proche du 8 Mars, dont le CPL. Sa liste pourrait faire les frais de cette baisse de notoriété », estime-t-il.

– Familles vs partis politiques : le poids des grandes familles de Zahlé ne doit pas toutefois être négligé. Il a toujours pesé dans la balance, lors des grandes échéances électorales. Il faut aussi dire que ces familles sont aujourd’hui largement représentées au sein des partis politiques traditionnels et de la contestation populaire. « Les militants FL sont issus des grandes familles zahliotes, soutient Nadim Yazbeck. En même temps, la jeunesse ne croit plus dans le féodalisme. L’impact politique des familles a progressivement perdu de son importance au bénéfice des partis. » C’est dans cet état des lieux que l’incertitude la plus totale pèse sur Myriam Skaff. Veuve d’Élie Skaff, la candidate maronite originaire de Bécharré tente avec peine de perpétuer le leadership de son époux prématurément décédé.

– Le vote sunnite : une chose est sûre, le vote sunnite fera la différence. Mais nul ne peut certifier aujourd’hui que la communauté, dont une importante partie de Bédouins d’origine syrienne naturalisés, se mobilisera ou qu’elle accordera son vote à telle ou telle autre liste. Les leaders sunnites du Futur contactés par L’Orient-Le Jour sont aux abonnés absents. Dans les coulisses, on évoque toutefois les soutiens en rangs dispersés de personnalités haririennes. « Sur la liste FL, le candidat sunnite Bilal Hechaïmi (d’une grande famille de Saadnayel) est soutenu par Fouad Siniora, ancien chef du groupe parlementaire du Futur, affirme l’analyste politique Harès Sleiman. Parallèlement, le candidat sunnite sur la liste de Michel Daher, Omar Halablab (de Bar Élias, directeur général du ministère de la Culture et proche de la famille Araji), est soutenu par Ahmad Hariri (cousin de Saad Hariri). »

– Une contestation éparpillée : quelle place dans ce cadre pour une contestation populaire éparpillée entre quatre listes ? « Il leur sera difficile d’atteindre le coefficient électoral », estime Harès Sleiman. « Les candidats de la société civile sont affiliés à de petits groupes non organisés et sans affiliation », commente pour sa part la chercheuse Georgia Dagher au sein de Policy initiative, une ONG locale qui analyse les élections. « Outre le manque de vision et d’unité de ces listes, la loi électorale ne leur est pas favorable », ajoute Fouad Khalil. À moins d’une forte abstention sunnite qui favoriserait les listes de la contestation. Un seul nom sort du lot, celui du médecin grec-orthodoxe Eid Azar, dont les Libanais ont religieusement écouté les conseils à la télévision durant les pires moments de la pandémie.

Les listes en compétition

1. « Capables » : Citoyens et citoyennes dans un État (MMFD). Ghassan Hmaïmès ; Pétra Samaha ; Rami Abou Eid ; Rania el-Meis.

2. Le Bloc populaire : soutenue par Myriam Tawk Skaff. Fawzat Dalloul ; Maroun Makhoul; Mohammad Hammoud ; Myriam Tawk Skaff ; Narik Abrahamian ; Sami Nabhane.

3. Zahlé le message : Courant patriotique libre + Hezbollah + Tachnag. Antoine Cheqqiyé ; Georges Bouchikian ; Hussein Saleh ; Rabih Assi ; Rami Abou Hamdane ; Salim Aoun.

4. Les souverainistes indépendants : Michel Daher + Kataëb + figures de la contestation. Firas Abou Hamdane ; Martine Démerjian ; Michel Daher ; Omar Halablab ; Samir Sader ; Youssef Karaouni.

5. Zahlé la souveraineté : Forces libanaises. Bilal Hechaïmi ; Dima Abouday; Élias Stéphan ; Georges Okaïs ; Michel Tannoury ; Pierre Démerjian; Sabine Kassouf.

6. Zahlé se révolte : figures de la contestation.

Ammar Sabouri ; Armen Asfahani ; Eid Azar ; Hamzé Mita ; Jihad Turk.

7. Parole et action : contestation. Ali Mahdi ; Fouad Saïd Khoury ; Imad Chamoun ; Omar Khayam Maalouf ; Samar Adham.

8. Le changement : contestation Hussein el-Khatib ; Khalil Younès; Lina Koukjian ; Rida el-Meis ; Tanios Khoury.

Fiche technique

Une circonscription unique formée du caza de Zahlé.

Sept sièges à pourvoir : 2 grecs-catholiques, 1 sunnite, 1 chiite, 1 maronite, 1 grec-orthodoxe, 1 arménien-orthodoxe.

Nombre d’électeurs inscrits : 183 723 dont 9 566 expatriés.

Répartition confessionnelle des électeurs : 30 % sunnites ; 17 % grecs-catholiques ; 17 % chiites ; 16 % maronites ; 9 % grecs-orthodoxes ; 5 % arméniens-orthodoxes ; 5 % divers ; 1 % arméniens-catholiques ; 1 % druzes.

Seuil électoral (en 2018) : 14,2 % des suffrages, soit 13 095 voix.

Le vote sunnite est le principal enjeu du scrutin législatif du 15 mai dans la circonscription de la Békaa I qui correspond au caza de Zahlé. Avec 54 584 électeurs inscrits, soit 30 % des 183 723 inscrits de la circonscription, il peut à lui seul faire pencher la balance. Mais le retrait de la vie politique du chef du courant du Futur a rebattu les cartes dans cette...

commentaires (3)

Tant que nous parlons de vote sunnit, de vote maronite, grec cuite et j’en passe nous resterons dans la mouise pour ne pas dire autre chose…

Karam Georges

18 h 20, le 29 avril 2022

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Commentaires (3)

  • Tant que nous parlons de vote sunnit, de vote maronite, grec cuite et j’en passe nous resterons dans la mouise pour ne pas dire autre chose…

    Karam Georges

    18 h 20, le 29 avril 2022

  • Même Bassil ne sera pas réélu !!

    Bery tus

    13 h 52, le 29 avril 2022

  • Seuls les résultats du scrutin de mai confirmera ou démentira les rumeurs autour de la baisse de la popularité du CPL. Tout le reste n'est que spéculations.

    Hitti arlette

    09 h 39, le 29 avril 2022

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