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Moyen-Orient - Reportage

Oum Salim, la première femme à gérer un camp à Idleb

En dépit des difficultés quotidiennes, la quadragénaire s’est donné une mission : améliorer les conditions de vie des déplacés. 


Oum Salim, la première femme à gérer un camp à Idleb

Oum Salim, posant devant des tentes du camp qu'elle dirige à Idleb. Photo Abdel Majid el-Karh

Armée de son carnet et de son stylo, Khadija parcourt le dédale de tentes blanches sous un soleil de plomb. Ce jour-là, les traits de celle que l’on surnomme Oum Salim sont tirés. Son visage est enveloppé d’un voile coloré, sa mine est grave. Cette quadragénaire au regard bleu perçant est la responsable du camp baptisé “Kurdi”. Niché parmi les plaines d’oliveraies qui s’étendent à perte de vue, il est situé à Idleb, dans le nord-ouest syrien. Dernier grand bastion rebelle dans le pays, le gouvernorat est devenu un refuge au cours de la décennie pour trois millions de déplacés fuyant la guerre. Ils sont près de deux millions à vivre dans des camps.

Oum Salim a un but : améliorer les conditions de vie des déplacés résidant à “Kurdi”. Ses journées sont chargées et la liste de ses tâches est longue : assurer l’acheminement des aides, soutenir les veuves, les orphelins et les personnes âgées ou ayant des besoins spéciaux, fournir des paniers alimentaires, niveler le terrain, entretenir les pans délabrés du camp et les sentiers qui se transforment l’hiver en marécages boueux. "Les aides des organisations et les tentes ne permettent pas de subvenir à tous nos besoins, c’est une solution pansement, soupire-t-elle. Chaque chemin comprend des obstacles mais avec de la persévérance et de la détermination rien n’est impossible."

Originaire de Fayloun, un village de la région de Jabal al-Zaouiya à Idleb, Khadija a fui sa maison il y a neuf ans, dans le sillage des combats entre l’armée syrienne et l’opposition. "L’exode provoque un ensemble de changements drastiques dans la vie. Après, je suis devenue une autre femme", affirme-t-elle. Peu après, Elle a été diagnostiquée d’un cancer à la suite d’une consultation pour des douleurs abdominales. S’ensuivent plusieurs interventions chirurgicales lourdes et une longue chimiothérapie. Mais, à peine guérie, Oum Salim doit de nouveau plier bagage avec son mari et leurs huit enfants l’été dernier alors que Jabal al-Zaouiya et ses alentours sont violemment bombardés par le régime et son allié russe.

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"Nous avons subi d’énormes pressions. Nous n’avons pas trouvé de foyer pour nous abriter, à l’exception des restes de tentes et de terres agricoles inhabitables. Nous avons utilisé ce que nous avons pu trouver : quelques poutres en bois délabrées, du tissu et du plastique pour l’isolation, mais qui ne protègent ni contre la chaleur de l’été ni contre le froid de l’hiver", dit-elle. Pendant un temps, jusqu’à cinq familles s’entassent par tente. "Ça m'a incité à réfléchir sérieusement pour trouver une solution et que l’on sorte de cette situation", explique Oum Salim.

« Aucune femme ne m’a dépassé comme Oum Salim »

Alors, elle frappe à la porte d'associations de soutien et d’organisations humanitaires pour leur présenter les doléances et pour que leur soit fournis des équipements et des produits de première nécessité. Oum Salim obtient qu’une ONG vienne enquêter sur le terrain pour évaluer la situation réelle des familles. Sa persévérance paie : l’organisation commence alors à leur fournir de l’eau potable et à enlever les déchets du camp. "Après, les réponses positives des ONG se sont enchaînées les unes après les autres", raconte-t-elle. Les déplacés obtiennent des tentes pour l’ensemble des familles, et des produits essentiels pour pouvoir vivre décemment. Résultat de l’efficacité de ses initiatives, Oum Salim se voit propulsée à la tête du camp, sous les encouragements des habitants. "Cela a été bien accueilli par les associations qui ont besoin de quelqu’un pour centraliser le travail, faciliter le comptage de la population, qui connaît bien leurs conditions et qui sait évaluer leurs besoins et leurs demandes", indique-t-elle. Sans ordinateur à disposition, Oum Salim est scotchée au petit écran de son téléphone pour classer et alimenter les dossiers des habitants.

Oum Salim recevant les doléances de déplacés, à Idleb. Photo Abdel Majid el-Karh

Si ces difficultés ne la découragent pas pour autant, le fait qu’une femme dirige un camp provoque parfois des réactions négatives. "J’ai beaucoup souffert surtout du jugement des gens de la région. Je peux le voir dans leurs yeux quand je me présente comme responsable du camp, relate-t-elle. Notre société a l’habitude de briser les aptitudes des femmes, en particulier dans leur accès aux postes de direction. Pourtant, les femmes sont de nature à diriger : elles gèrent les affaires de leurs familles, soutiennent leurs maris et élèvent leurs enfants."

Malgré certaines réticences, Khadija a cependant persisté dans son travail, appuyée par les autres femmes du camp. "J’admire Oum Salim. Elle est un exemple à suivre", assure fièrement Farah*, une résidente du camp. «"Aucune femme ne m’a dépassé comme Oum Salim", dit pour sa part Mohammed Dib Moustafa, 65 ans, l’air taquin. "Elle est intelligente dans sa manière de traiter avec les gens et gentille avec les habitants du camp, et elle a un fort pouvoir de persuasion. Grâce à ses efforts, nos conditions dans le camp se sont améliorées."

*Le prénom a été modifié. 

Armée de son carnet et de son stylo, Khadija parcourt le dédale de tentes blanches sous un soleil de plomb. Ce jour-là, les traits de celle que l’on surnomme Oum Salim sont tirés. Son visage est enveloppé d’un voile coloré, sa mine est grave. Cette quadragénaire au regard bleu perçant est la responsable du camp baptisé “Kurdi”. Niché parmi les plaines d’oliveraies qui...
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