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Monde - Focus

Les sanctions, arme privilégiée mais à l’efficacité contestée

Les sanctions, arme privilégiée mais à l’efficacité contestée

Une passante devant des magasins fermées, le 11 avril 2022, en raison des sanctions imposées à la Russie. Kirill Kudryavtsev/AFP

Quel point commun entre l’apartheid en Afrique du Sud, la Libye sous Kadhafi et l’invasion russe en Ukraine? Le recours aux sanctions, un outil privilégié par les États occidentaux depuis trente ans, mais dont l’efficacité demeure contestée.

« On n’a jamais autant parlé de sanctions, c’est devenu un sujet commun », souligne l’avocat au sein du cabinet Ashurst Olivier Dorgans, dont le métier a consisté ces dernières semaines à aiguiller des entreprises occidentales impliquées sur le marché russe face au maquis des sanctions occidentales.

Les couches de sanctions se sont épaissies à mesure que les chars russes progressaient en Ukraine : exclusion de plusieurs banques du système de messagerie interbancaire Swift, gel des avoirs de la banque centrale ainsi que d’oligarques, restrictions d’exportations, embargo sur le charbon, interdiction de survol aérien...

Près de sept semaines après le déclenchement de la guerre et alors qu’un assaut russe est encore craint à l’est de l’Ukraine, mais que les Occidentaux excluent d’envoyer des troupes, l’Union européenne prépare un sixième paquet de sanctions.

« Cet outil a connu un essor considérable au moment où les réponses militaires n’étaient plus très populaires » et se sont raréfiées, affirme Olivier Dorgans. Elles ont été de plus en plus utilisées dans les conflits entre États depuis 1950 : à moins de 30 reprises chaque année jusqu’à 1990, avant une nette augmentation.

Entre 1950 et 2019, 1 101 conflits entre États ont impliqué des sanctions, selon l’organisation Global Sanctions Data Base (GSDB) qui tient un registre détaillé.

La multiplication des accords économiques régionaux a entraîné une nette hausse des sanctions avec des pays tiers, analyse Erdal Yalcin, professeur d’économie internationale à l’Université de Constance en Allemagne et membre fondateur du GSDB.

Impact à long terme

Une autre raison tient au développement important de l’intégration financière internationale depuis la fin du XXe siècle. « La plupart des pays ont été intégrés à un système financier international, et la tentation est devenue grande de punir des pays avec des instruments économiques », relève-t-il.

Le recours aux sanctions a surtout été décidé dans des affaires de droits humains, de restauration de la démocratie et de guerres, écrit le GSDB. Certaines affaires sont davantage restées dans les annales que d’autres : la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud, l’embargo américain contre Cuba ou les lourdes sanctions contre le programme nucléaire iranien.

Mais malgré leur popularité croissante, des doutes subsistent sur leur efficacité.

Dans un récent entretien, le chercheur Gary Hufbauer, affilié au groupe de réflexion Peterson Institute (PIIE) à Washington et auteur d’un ouvrage sur l’histoire des sanctions, a rappelé que celles-ci étaient efficaces dans moins d’un tiers des conflits, généralement lorsqu’elles étaient imposées à des petits pays. « Ces sanctions sont très efficaces dans les dégâts économiques qu’elles entraînent. En termes de succès politique, le niveau d’efficacité est de l’ordre de 30 à 40 % », affirme quant à lui Erdal Yalcin, ajoutant que les sanctions peuvent prendre des années à produire de réels effets.

Leur efficacité est par ailleurs difficile à mesurer selon lui, car nombre d’entre elles sont venues accompagner d’autres mesures, à l’instar des sanctions américaines contre l’Irak lors de l’invasion du Koweït en 1990, qui s’ajoutaient à une intervention militaire de Washington.

En Russie, l’efficacité économique des sanctions est d’ores et déjà ressentie par Moscou : la Banque mondiale s’attend à une récession de 11,2 % cette année, et l’agence de notation S&P Global Ratings a mis en « défaut de paiement sélectif » la note de la Russie pour ses paiements en devises étrangère. La monnaie russe se maintient toutefois à un niveau élevé après avoir initialement plongé.

Politiquement en revanche, « les sanctions ne peuvent pas renvoyer les chars, du moins pas immédiatement », affirme le conseiller au Center for Strategic and International Studies (CSIS) Juan Zarate. Selon cet ancien conseiller à la Stratégie antiterroriste des États-Unis sous la présidence de George W. Bush, « l’effet optimal des sanctions ne sera ressenti que dans des semaines, des mois, voire des années ».

Ali BEKHTAOUI/AFP

Quel point commun entre l’apartheid en Afrique du Sud, la Libye sous Kadhafi et l’invasion russe en Ukraine? Le recours aux sanctions, un outil privilégié par les États occidentaux depuis trente ans, mais dont l’efficacité demeure contestée. « On n’a jamais autant parlé de sanctions, c’est devenu un sujet commun », souligne l’avocat au sein du cabinet Ashurst Olivier...
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