Douze jours après son arrestation à Abou Dhabi (Émirats arabes unis), le Dr Richard Kharrat, médecin libanais spécialisé en gynécologie obstétrique, est toujours sous les verrous. Le directeur de la Sûreté générale (SG), le général Abbas Ibrahim, déploie des efforts en vue d’obtenir sa remise en liberté. C’est ce qu’a affirmé lundi la famille du médecin, dans un communiqué qu’elle a publié après s’être réunie avec le patron de la SG.
Les prochaines 48 heures devraient être déterminantes, affirme à L’Orient-Le Jour une source proche du dossier : soit le Dr Kharrat sera remis en liberté par la police émiratie, soit il sera déféré devant le parquet de ce pays. Entre-temps, et pour le 12e jour consécutif, #Richard Kharrat parmi les hashtags les plus utilisés sur Twitter (Trending, dans le langage numérique). Signe que l’affaire représente un grand intérêt auprès de l’opinion publique.
« Nous avons rencontré aujourd’hui (lundi) le général Abbas Ibrahim, qui nous a assuré qu’il se chargeait du suivi de l’affaire avec les autorités émiraties concernées », indique le texte publié. Lorsqu’il s’agit de misions sensibles, telle la libération de ressortissants libanais détenus à l’étranger, le général Ibrahim est souvent sollicité par les autorités. « Nous avons communiqué avec notre fils », ajoutent par ailleurs les proches du Dr Kharrat. Détenu depuis le 1er avril, le médecin a donc contacté sa famille, lundi, pour la première fois. « Nous avons mandaté des avocats, dont une avocate américaine ayant une longue expérience dans ce domaine, pour mener les démarches légales (visant à sa remise en liberté) », poursuit le communiqué.
Selon des informations recueillies par L’OLJ, outre l’avocate américaine, ce sont également un avocat émirati et une avocate libanaise qui poursuivent l’affaire. N’étant pas inscrite à l’ordre professionnel émirati, cette dernière assure la coordination avec son homologue, sans toutefois exercer sa profession sur place.
La piste de la cybercriminalité confirmée
La source proche du dossier précitée nous affirme que les investigations ont été menées durant une dizaine de jours par la police des EAU. Il semble que l’hypothèse de cybercriminalité, évoquée dès l’arrestation du médecin, soit vérifiée. Entre 2017 et 2020, le Dr Kharrat avait en effet publié des tweets considérés comme désobligeants à l’égard des Émirats arabes unis. Des proches du spécialiste s’étaient étonnés dès l’annonce de l’arrestation, que des commentaires aussi anciens soient soudain parvenus aux autorités émiraties, coïncidant avec le séjour du Dr Kharrat dans ce pays. Ils faisaient référence à un internaute émirati qui avait dénoncé le médecin, en adressant sur Twitter le message suivant au procureur général adjoint, Hamad Chamsi. « @Richard Kharrat s’est moqué des symboles de l’État. Il est également accusé d’avoir causé au Liban la mort des deux prématurés de la journaliste Nicole Hajal, au moment de leur naissance. Il se trouve actuellement à Abou Dhabi pour passer un test en vue d’être recruté au centre (médical) Aesthetic. » Le tweet avait aussitôt conduit à l’arrestation du gynécologue dans l’hôtel où il résidait.
On sait que le gynécologue fait l’objet d’une plainte au Liban intentée par Mme Hajal. De nombreux internautes avaient soupçonné celle-ci, ainsi qu’une de ses amies, Dima Sadek, journaliste à la chaîne MTV, d’être à l’origine de la mésaventure du médecin aux Émirats. Ces accusations avaient fermement été réfutées par les deux femmes, la première dans un communiqué publié par son avocate, Carole Racy, et la seconde, dans une déclaration à L’Orient-Le Jour, trois jours après l’arrestation du médecin.
De son côté, l’ordre des médecins, dont le gynécologue est membre, se mobilise également en sa faveur, depuis l’annonce de son arrestation. En contact permanent avec le ministère des Affaires étrangères et la Sûreté générale, Charaf Abou Charaf, président de l’ordre, a adressé lundi une lettre au président des Émirats arabes unis, Khalifa ben Zayed al-Nahyane, l’émir d’Abou Dhabi, l’exhortant à relâcher le spécialiste.
« Nous prions Votre Altesse d’accorder à l’affaire Richard Kharrat l’attention qu’elle mérite », écrit dans sa lettre le Dr Abou Charaf. « Nous souhaitons la remise en liberté, dans les plus brefs délais, du médecin arrêté », a-t-il ajouté. Le document comporte également un hommage aux EAU : « Vous n’avez jamais épargné vos efforts pour soutenir le Liban et l’aider à se relever (…). Vous avez accueilli les Libanais, et n’avez jamais hésité à ouvrir devant eux le marché du travail. »
commentaires (9)
Qu'ils le gardent au cachot, ça lui fera les pieds et nous des vacances.
Christine KHALIL
22 h 04, le 13 avril 2022