
Waël Bou Faour, à Meerab, hier. Photo fournie par les FL
« Deux projets s’affrontent au Liban : celui du Hezbollah et du Courant patriotique d’une part, et celui des Forces libanaises et de leurs alliés de l’autre. » C’est en ces termes que le chef des FL, Samir Geagea, a défini une nouvelle fois hier les grandes lignes de la bataille « existentielle » qu’il mène dans le cadre des législatives. C’est pour atteindre son objectif que le leader maronite a choisi de joindre ses efforts à ceux menés par le Parti socialiste progressiste de Walid Joumblatt, également hostile au parti de Hassan Nasrallah. Certes, Meerab et Moukhtara ont toujours mené la bataille électorale côte à côte. Mais à quelques semaines du scrutin de mai, le renouvellement de cette alliance intervient dans un contexte de forcing arabe pour que les formations opposées au Hezbollah soient unies et donc renforcées. C’est à travers ce prisme qu’il faut suivre les contacts menés régulièrement entre les FL et le PSP. Hier, le leader du parti druze Walid Joumblatt a dépêché Waël Bou Faour, député joumblattiste de Rachaya, à Meerab. Cette réunion intervient quelques jours après des contacts menés par Melhem Riachi, ancien ministre de l’Information (FL), Ziad Hawat, député FL de Jbeil, et Waël Bou Faour avec des responsables saoudiens à Paris. MM. Bou Faour et Riachi avaient déjà été reçus en décembre dernier dans le royaume qui a récemment posé les jalons de son retour politique au Liban après des mois de gel, et dont l’ambassadeur, Walid Boukhari, est attendu la semaine prochaine à Beyrouth. « L’Arabie n’est pas sollicitée. Mais elle est naturellement favorable à un camp pas à l’autre », tient à tempérer Marwan Hamadé, député joumblattiste démissionnaire du Chouf, contacté par L’Orient-Le Jour. « Il est vrai que les FL sont le premier allié local des Saoudiens, et que le royaume soutient ceux qui se battent pour la souveraineté du Liban. Mais Riyad n’a jamais pris de mesures concrétisant cet appui », confie pour sa part un parlementaire FL qui a requis l’anonymat, dans ce qui sonne comme un reproche.
Le retour de l’ambassadeur saoudien à Beyrouth à moins de deux mois des législatives pourrait-il mobiliser le camp sunnite ? Quid de l’électorat de l’ancien Premier ministre Saad qui a annoncé son retrait de la vie politique et son boycott de ce scrutin ? « Pour le moment, l’électorat sunnite ne semble pas vouloir voter », confie Mohammad Hajjar député haririen du Chouf, précisant que le parti bleu n’appuiera ni alliances ni candidats. Comprendre : le Futur n’appuiera pas une alliance FL-PSP, du moins officiellement.
Quelques obstacles
Si les FL et le PSP partagent un même objectif, sur le terrain, leur alliance bute encore sur quelques obstacles. « L’entente technique est scellée. Il faut encore que certaines décisions soient prises. » C’est ainsi qu’un parlementaire joumblattiste résume les contacts en cours entre les deux partis dans le but de finaliser la formation des listes électorales. Comme en 2018, les FL et le PSP vont mener bataille côte à côte dans le fief incontestable de Walid Joumblatt, à savoir la circonscription du Mont-Liban IV, qui inclut les cazas du Chouf et de Aley (treize sièges répartis comme suit : cinq maronites, quatre druzes, deux sunnites, un grec-catholique et un grec-orthodoxe). « Pour ce qui est du Mont-Liban, les choses progressent (…) et nous nous orientons vers la finalisation de l’entente », a indiqué hier Waël Bou Faour à l’issue de son entretien avec le leader des FL. Et le parlementaire de poursuivre : « La coordination (avec les FL) n’est pas uniquement électorale. Elle est aussi politique sur la base de la réconciliation (druzo-chrétienne scellée en août 2001 par Nasrallah Sfeir, alors patriarche maronite). » « Nous sommes plus que jamais attachés à cette réconciliation », a-t-il encore dit. Marwan Hamadé va dans le même sens : « Il s’agit de consolider le front de la réconciliation de la Montagne face aux projets qui lui sont opposés », commente pour L’OLJ le député démissionnaire qui compte se lancer une nouvelle fois dans la bataille électorale dans le Chouf. « Lors de la réunion avec le chef des FL, tous les problèmes techniques ont été réglés au Chouf et à Aley », confirme une personnalité joumblattiste qui a requis l’anonymat.
Les obstacles en question s’articulaient principalement autour du choix des candidats, notamment pour le siège grec-catholique du Chouf, actuellement occupé par Nehmé Tohmé gravitant dans l’orbite de Mouktara. M. Tohmé ayant renoncé à briguer un nouveau mandat parlementaire, le PSP a décidé d’appuyer la candidature de Charles Arbid, président du Conseil économique et social. Mais l’intéressé a annoncé mardi soir sur Twitter son retrait de la compétition. « À la faveur des contacts, M. Arbid a finalement été remplacé par Fadi Maalouf, appuyé par le Parti national libéral (de Camille Dory Chamoun ) », confie à L’OLJ Wissam Ragi, cadre FL chargé de suivre le dossier électoral. Fadi Maalouf fera donc partie d’une liste qui inclurait Marwan Hamadé et Teymour Joumblatt, actuels députés druzes du Chouf, ainsi que Habbouba Aoun et Elie Cordahi, tous deux maronites appuyés par les FL, tout comme Georges Adwan, actuel député de la formation de M. Geagea. À Aley, le chef des FL a avancé deux premiers pions : Nazih Matta (grec-orthodoxe) et Joëlle Faddoul, ancienne journaliste (maronite) de la Future TV. Quant au PSP, il entend reconduire Akram Chéhayeb à son actuel siège druze.
Autre obstacle que le duo FL-PSP devrait encore surmonter : « les spécificités de certaines régions », comme l’a déclaré M. Bou Faour depuis Meerab. Il s’agit surtout de la circonscription de la Békaa-ouest Rachaya, souligne une source joumblattiste sous couvert d’anonymat, rappelant que le PSP y appuie déjà la candidature de M. Bou Faour à un siège druze. Mais les FL insistent pour former leur propre liste, alors que celle-ci n’a aucune chance de remporter la bataille, ajoute cette source. Selon elle, un problème similaire se présente à Beyrouth II : le PSP s’attendait à ce que les FL soutiennent son candidat Fayçal Sayegh (druze) en échange d’un appui joumblattiste aux candidats du parti chrétien notamment à Zahlé et dans le Metn. Mais tel ne serait vraisemblablement pas le cas. Des contacts sont en cours pour défaire ce nœud.
"Les FL et le PSP partagent un même objectif". Sinon ils réediteront la guerre du jabal qui a fait des centaines de morts des deux côtés. Vive l'alliance électorale.
22 h 43, le 31 mars 2022