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Culture - EXPOSITION

Le lyrisme abstrait de Vahan Roumelian en mémoires du futur....

L’artiste arménien présente plus d’une vingtaine de toiles à l’huile et à l’acrylique aux deux galeries d’art Aramé : à Zaitunay Bay, espace fraîchement inauguré avec vue sur le port de plaisance, et au centre Tekeyan à Gemmayzé, salle restaurée après avoir été soufflée par l’explosion au port de Beyrouth le 4 août 2020.

Le lyrisme abstrait de Vahan Roumelian en mémoires du futur....

Vahan Roumelian, précision du geste et fulgurance de l’inspiration. Photo DR

Des lignes en cascades et des mouvements enchevêtrés. Des couleurs contrastées qui s’entrechoquent, des eaux déchaînées qui grondent, des armes à feu en délire. L’univers pictural de Vahan Roumelian n’est pas particulièrement paisible, ni monotone.

Pourtant, à voir l’artiste, la soixantaine tranquille, barbe fournie « d’ébiscobos » (patriarche arménien), bagues en argent à l’annulaire et à l’auriculaire – avec comme motifs décoratifs des hiéroglyphes égyptiens et un scarabée aux élytres turquoises pour appeler la chance – rien n’annonce cet esprit volcanique de fureur et de révolte.

C’est dans son atelier au cœur d’Erevan, petite bâtisse entourée d’un jardin de pommiers, de grenadiers et de figuiers, que les images somptueuses s’échappent du pinceau de l’artiste. Des images orageuses, d’aubes ou de crépuscules, d’où émergent une saillie de calligraphie vaguement japonisante qui bouscule tout sur son passage… Il y a là également une influence certaine de l’écriture picturale de Georges Mathieu. Mais pas que cela ! Car la peinture ici, dans sa version revisitée et réinventée, atteint les limites d’une liberté sans frein, quand celle-ci a été longtemps confisquée et réduite au silence au temps de la Russie du rideau de fer…

Au milieu de la petite salle de la galerie Aramé de Zaitunay Bay pour accueillir le visiteur, il y a cette immense toile (3m x 1m) qui regarde la mer… Mais le théâtre du tsunami est dans son cadre et non dans le reflet calme du lointain qu’elle observe. Tout autour, comme une incendiaire bacchanale, les autres œuvres intitulées toutes « opus » car l’artiste, féru de musique, ne travaille qu’au rythme d’une orchestration impétueuse d’une partition de Bach ou d’une symphonie d’Avet Terterian, Prix Konrad Adenauer et ami de Tigran Mansourian, le compositeur entre autres de la musique du film culte La couleur de la grenade de Serge Parajanov.

Vahan Roumelian, « Ephory of Colors », 2022, acrylique sur toile, 90 x 110 cm. Photo DR

Crier la liberté

Avec de grands coups de pinceaux, Roumelian rend hommage à l’inventeur de l’alphabet arménien Mesrop Mashtots et dessine des lettres aux lignes élégantes, souples, rigides, acérées comme des dagues prêtes à poignarder et se défendre…. Pour traduire visuellement cette atmosphère d’incendiaire mouvance, il compte sur la spontanéité, la transe, mais aussi et surtout sur la précision du geste et la fulgurance de l’inspiration.

Tout cela pour crier la liberté qui lui a tant manqué dans sa jeunesse, lui l’un des plus brillants peintres de sa génération au pays de saint Grégoire l’Illuminateur. Une liberté bâillonnée au temps sombre d’une Arménie sous le joug du règne soviétique et qui ne sera indépendante de l’URSS qu’en 1991. Époque où étaient bannies les lectures de Freud, Jung, les toiles de Picasso, les partitions de Verdi ou Berlioz, pour ne garder et pratiquer que le réalisme socialiste…

Aujourd’hui, la réputation de Vahan Roumelian a dépassé les frontières de son pays d’origine et sa peinture est exposée aux quatre points cardinaux. De la France (Paris) aux États-Unis (New York, Las Vegas, Chicago) en passant par l’Europe (Barcelone, Rome, Vienne, Bochum en Allemagne) ainsi que la Chine, le Koweït, Moscou et Buenos Aires, les toiles de ce peintre aux fougueux coups de brosse ont l’audience du public et les articles les plus élogieux de la presse.

Artiste prolifique à la carrière de près de quarante ans (son aventure avec le dessin, confesse-t-il, a commencé prodigieusement à cinq ans !), il renouvelle et modernise le dire pictural de l’Arménie. En puisant dans les richesses culturelles du patrimoine à travers l’opulence de ses couleurs et la variété de ses symboles. Mais aussi la fréquentation et l’amitié de l’intelligentsia intellectuelle de ses concitoyens qui restent une référence majeure pour son parcours fait de durs combats et d’intense labeur. Dans le cercle qui l’a toujours entouré, comme des compagnons d’arme, il cite volontiers le peintre Albert Hagopian, le musicien Tigran Mansourian et le poète Razmig Davoyan.

Comment expliquer le titre, Les mémoires du futur, de cette exposition où rien ne parle ni de mémoire ni de futur ? « Toute œuvre d’art appartient au futur, répond simplement Vahan Roumelian. Car ce qui se crée maintenant a comme destinée les jours qui viennent. Le temps reste le juge suprême. »

Pour cet infatigable voyageur, dont les prochaines étapes seront le Koweït, Bahreïn et Riyad, Beyrouth reste pour lui un lien de retrouvailles et de fascination. « Je tiens à louer les qualités inébranlables des Libanais, pour leurs infinies possibilités de travail, en ce qui concerne la force d’affronter toutes les adversités », dit-il. Et d’ajouter : « Je suis médusé devant leur intérêt pour l’art, qui n’a jamais failli. Je souhaite à votre pays la paix et la reconstruction… »

« Les mémoires du futur », peintures de Vahan Roumelian sont exposées aux deux galeries d’art Aramé à Zaitunay Bay et au centre Tekeyan à Gemmayzé jusqu’au 30 mars 2022. Avec possibilité de prolongation qui sera annoncée ultérieurement.

Des lignes en cascades et des mouvements enchevêtrés. Des couleurs contrastées qui s’entrechoquent, des eaux déchaînées qui grondent, des armes à feu en délire. L’univers pictural de Vahan Roumelian n’est pas particulièrement paisible, ni monotone. Pourtant, à voir l’artiste, la soixantaine tranquille, barbe fournie « d’ébiscobos » (patriarche arménien), bagues...

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