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Monde - Éclairage

Les combattants tchétchènes, armée islamiste de Poutine

La mise en scène de l’arrivée sur le terrain de ces soldats, souvent représentés comme intrépides et féroces, est censée instiller la peur parmi les Ukrainiens. Alignés avec l’armée régulière russe, ils font preuve d’une loyauté sans faille au Kremlin.

Les combattants tchétchènes, armée islamiste de Poutine

Le dirigeant tchétchène Ramzan Kadyrov priant à Grozny avant d’annoncer en grande pompe que ses troupes vont se battre aux côtés de la Russie en Ukraine, le 25 février 2022. Chingis Kondarov/Reuters

À la lisière d’une forêt, un rassemblement de soldats en uniforme prie comme un seul homme, avec les moyens du bord, sans tapis de prière. Sur d’autres images, des hommes baraqués, jeunes, confiants et bien équipés, lancent des sourires, salutations et discutent allègrement avec le cameraman qui se faufile entre les camions d’un convoi militaire, localisé par la suite dans la zone d’exclusion de la centrale nucléaire ukrainienne de Tchernobyl, aux mains des Russes. Si les mises en scène diffusées le week-end dernier peuvent impressionner, c’est surtout la réputation des combattants tchétchènes qui peut faire craindre le pire aux Ukrainiens. Connus pour être de féroces et intrépides guerriers mus par leur foi dans un islam radical, ils sont par ailleurs d’une loyauté sans faille à Vladimir Poutine. Sous le coup de sanctions internationales pour violations des droits de l’homme, Ramzan Kadyrov, dirigeant de la République tchétchène au sein de la Fédération de Russie, se décrit lui-même comme le « fantassin » du président russe. Dimanche, il annonçait que ses troupes allaient rejoindre les forces russes en Ukraine pour combattre à leurs côtés et défaire Kiev. « L’image que l’on retient de la première guerre de Tchétchénie en 1994, puis de la seconde en 1999, c’est la brutalité extrême (entre 100 000 et 300 000 civils auraient péri sur une population d’un million d’habitants, NDLR). Il y a donc un effet psychologique très fort suscité par le recours aux Tchétchènes », indique Emmanuel Dreyfus, chercheur sur la Russie à l’Institut de recherches stratégiques de l’école militaire (Irsem).

L'éditorial de Issa Goraïeb

La malédiction du muscle

En janvier déjà, Ramzan Kadyrov déclarait qu’il aurait « pris l’Ukraine depuis longtemps » s’il dirigeait la Fédération de Russie. Appuyé par des images de propagande, le chiffre de dizaines de milliers de volontaires tchétchènes circulait ces derniers jours dans des groupes proches du Kremlin et dans la propagande officielle russe. Il serait en réalité largement surestimé, s’élevant probablement à quelques milliers de combattants présents au nord de la Crimée, dans la région du Donbass, aux alentours de Tchernobyl et près de la frontière biélorusse. Ils sont présentés comme un escadron de la mort censés éliminer une liste de personnalités politiques ukrainiennes, le président Volodymyr Zelensky en tête. Si ces informations émanent de la propagande russe et sont donc à prendre avec des pincettes, le dirigeant tchétchène fait depuis 2020 l’objet de sanctions américaines renforcées pour sa responsabilité et celle des forces sous son commandement, les « kadyrovtsy », dans des violations flagrantes des droits humains, notamment des actes de torture et des exécutions extrajudiciaires, en Russie comme en dehors de ses frontières. En 2015, des miliciens tchétchènes ont été pointés du doigt dans l’assassinat de Boris Nemtsov, ancien vice-Premier ministre russe passé à l’opposition, sur un pont près du Kremlin.

« Hyperloyauté » envers Moscou

Selon le journal russe indépendant Novaya Gazeta, au vu des armes et véhicules blindés légers des bataillons tchétchènes envoyés en Ukraine, ceux-ci constituent plutôt des troupes d’infanterie pour marcher sur Kiev en vue de combats de rue. « L’envoi de forces tchétchènes, c’est la garantie que ces hommes, s’il y a des opérations spéciales à mener, peut-être après l’occupation du territoire ou de la ville, seraient à même d’être déployés de manière plus active », indique Anne Le Huérou, chercheuse et maîtresse de conférences au département d’études slaves de l’Université de Paris Nanterre. Se proclamant prêt à répondre à la menace tchétchène brandie par le Kremlin, le groupe armé ukrainien néonazi Azov a publié une vidéo postée dimanche sur le compte Twitter de la garde nationale d’Ukraine, imbibant ses munitions dans de la graisse de porc, interdit en islam.

Côté tchétchène, « c’est évidemment une démonstration d’hyperloyauté à Vladimir Poutine, pour dire qu’on est prêt à remplir n’importe quel ordre, y compris celui qu’on n’aurait pas reçu », souligne Anne Le Huérou. L’actuel dirigeant est parvenu à prendre la succession de son père en 2007, grâce au soutien de l’actuel président russe. Après avoir combattu pour l’indépendance, Akhmad Kadyrov, ancien mufti de Tchétchénie assassiné en 2004, s’est rangé en 2000 du côté russe sous prétexte de prémunir la république de la montée du wahhabisme. Alors que Moscou finance infrastructures et mosquées dans la république caucasienne, ce conflit n’est pas le premier auquel les « kadyrovtsy » participent pour rester dans les bonnes grâces du Kremlin. Un an après l’intervention en 2015 de Vladimir Poutine pour sauver son allié, Bachar el-Assad, enlisé dans une guerre civile depuis 2011, des combattants tchétchènes ont été envoyés sur le terrain syrien pour intégrer notamment la « police militaire » sous le commandement du ministère fédéral de la Défense. Alors que Vladimir Poutine se présente comme le protecteur des chrétiens d’Orient et le dernier rempart contre l’islamisme radical, il n’a pas hésité à envoyer sa « propre armée islamiste » combattre en Syrie. En endossant le rôle de défenseur des musulmans face aux « terroristes » qui s’opposaient au régime de Damas et en promettant la reconstruction de mosquées détruites, Ramzan Kadyrov offrait ainsi une autre légitimité religieuse à Moscou.

Théâtres de tensions intratchétchènes

Mais un autre enjeu expliquait l’envoi de troupes tchétchènes au Moyen-Orient. Au cœur des préoccupations de Moscou, l’allégeance à l’État islamique (EI) ainsi qu’à d’autres groupes jihadistes, de nombreux combattants étrangers originaires du Caucase pouvaient constituer une source d’instabilité pour la Fédération de Russie. Selon une enquête du Novaya Gazeta, des islamistes aux tendances indépendantistes de la République du Daghestan, voisine de la Tchétchénie dans le nord du Caucase, auraient paradoxalement été encouragés en sous-main par la Russie à aller se battre en Syrie ou en Irak, ou plutôt à mourir au nom d’Allah loin de chez eux. Craignant pour sa part de voir ces soldats aguerris revenir pour planifier des attaques sur son sol au nom de l’indépendance, la République tchétchène serait restée à l’écart de ce programme secret. Cela n’a pas empêché des combattants tchétchènes de former dès 2012 des unités de combat islamistes ou de rejoindre les rangs de mouvances jihadistes comme le Front al-Nosra, alors branche d’el-Qaëda en Syrie, ou l’EI. Parmi eux, Omar al-Chichani se serait distingué au sein de Daech en planifiant l’attaque sur Mossoul en 2014. En février 2016, avant même l’envoi de ses troupes en Syrie, Ramzan Kadyrov se vantait, quant à lui, d’avoir infiltré le califat et de pouvoir ainsi transmettre des informations à Moscou pour cibler ses frappes aériennes. Vraie ou fausse, cette affirmation aurait néanmoins contribué à créer une défiance face aux combattants tchétchènes dans les rangs islamistes.

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Si la Syrie a pu être le théâtre de règlements de comptes intratchétchènes, c’est aujourd’hui en Ukraine qu’ils pourraient avoir lieu. Comme cela a pu être le cas en 2014-2015, lors de l’annexion de la Crimée par la Russie et des violences séparatistes dans le Donbass, où des bataillons de volontaires tchétchènes se sont retrouvés de chaque côté des lignes de front. « En 2014-2015, les appels des Tchétchènes de la diaspora européenne à rejoindre les combattants ukrainiens consistaient explicitement à contrer l’attrait de Daech, en ramenant l’objet de leur conflit principal à la Russie », précise Anne Le Huérou. « Aujourd’hui, je pense que la propagande kadyrovienne (à propos de l’envoi de ses forces en Ukraine) est d’abord tchétchéno-tchétchène », poursuit-elle. Et les actes n’ont pas manqué d’accompagner la parole pour effrayer les indépendantistes ces dernières années, y compris parmi la diaspora. Des assassinats ciblés auraient notamment été perpétrés sur le sol ukrainien. Après la mort au combat d’Isa Munayev en 2015, qui dirigeait la formation armée pro-ukrainienne Dzhokhar Dudayev, du nom d’un héros indépendantiste des années 1990, son successeur, Adam Osmayev, a survécu en 2017 à une tentative d’assassinat dans les environs de Kiev. Attribuée par de nombreux analystes au Kremlin ou à des hommes de main tchétchènes, celle-ci a emporté sa femme, tuée sur le coup de balles dans la tête. Le mois dernier, la femme d’un juge et mère d’un ancien avocat en exil travaillant pour le Comité contre la torture a brutalement été enlevée par des forces tchétchènes de la ville russe de Nijni Novgorod pour être placée en détention dans le territoire de la république, rappelant la férocité de l’appareil sécuritaire de Grozny. Si le nombre de combattants tchétchènes indépendantistes sur le sol ukrainien est estimé aujourd’hui à 200 ou 300, selon le site indépendant Caucasian Knot, avec les appels de Kiev à former une légion étrangère pour défendre l’Ukraine, « ce ne serait pas étonnant que ceux-ci participent aux combats si la guerre venait à se poursuivre », prévient Emmanuel Dreyfus.

À la lisière d’une forêt, un rassemblement de soldats en uniforme prie comme un seul homme, avec les moyens du bord, sans tapis de prière. Sur d’autres images, des hommes baraqués, jeunes, confiants et bien équipés, lancent des sourires, salutations et discutent allègrement avec le cameraman qui se faufile entre les camions d’un convoi militaire, localisé par la suite dans la zone...

commentaires (1)

dans un de mes commentaires hier meme j'avais "encourage" khamenai a envoyer nos juenes libanais du hezb combattre aux cotes de ras- Poutine. J'oubliai justement les tchetchenes..... LA RAISON DU PLUS FORT semble etre encore de nos LA MEILLEURE.

Gaby SIOUFI

11 h 04, le 03 mars 2022

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Commentaires (1)

  • dans un de mes commentaires hier meme j'avais "encourage" khamenai a envoyer nos juenes libanais du hezb combattre aux cotes de ras- Poutine. J'oubliai justement les tchetchenes..... LA RAISON DU PLUS FORT semble etre encore de nos LA MEILLEURE.

    Gaby SIOUFI

    11 h 04, le 03 mars 2022

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