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Société - Abolition

Huit jeunes activistes libanais s’engagent contre la peine capitale

« Si le Liban fait partie des six pays choisis, c’est qu’il présente des signes positifs pour l’abolition de la peine capitale », indique Sarah Hajjar, membre de l’association française, Ensemble contre la peine de mort.

Huit jeunes activistes libanais s’engagent contre la peine capitale

Les participants et leurs mentors, à l’arrière, Abdel Karim Ghandour, Hadi Chaker, Ali Mahmoud, Antoinette Chahine, Sarah Hajjar, Tanya Awad, Hala Bou Ali, Murielle Khalifé, Joya Saliba, Devant, Reem Abou Hamdane et Margaux Richet. Photo LACR

Les abolitionnistes ne chôment pas, malgré les crises locales et internationales. À quelques mois du 8e Congrès international contre la peine de mort, prévu en novembre prochain à Berlin, l’association Ensemble contre la peine de mort prépare ses recrues libanaises. L’ONG française qui milite depuis vingt ans pour l’abolition universelle de la peine capitale, au point de devenir la référence internationale dans le dossier, a sélectionné dans ce cadre un groupe de huit jeunes Libanais de 18 à 31 ans, d’appartenance et d’horizons divers, pour représenter le pays du cèdre à Berlin. Avec pour rôle, de faire entendre leurs voix pour inspirer et pérenniser le combat contre la peine de mort dans leur pays. L’objectif étant de pousser le Liban, en situation de moratoire de fait depuis 18 ans – la dernière exécution capitale remonte à janvier 2004 – à abolir carrément la peine capitale.

En ces temps incertains qui voient une augmentation inquiétante de la violence, l’initiative pourrait faire sourire ou même déranger. Il n’en reste pas moins qu’elle suit une tendance mondiale. Et que le Liban est signataire de la Déclaration universelle des droits de l’homme. L’un de ses grands hommes politiques, Charles Malek, en a même été l’un des principaux rédacteurs, entre 1947 et 1948. Il servait alors comme rapporteur pour la Commission en charge des droits de l’homme des Nations unies. L’article 3 de cette déclaration consacre « le droit de chacun à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne ».

Parce que la peine de mort tue

« Tu peux stopper la peine de mort. » C’est autour de ce slogan qu’est mobilisée la délégation libanaise en prévision du prochain congrès, à l’instar des délégations de six pays non abolitionnistes du Moyen-Orient, d’Asie et d’Afrique. C’est autour de ce même slogan que s’articulera son plaidoyer destiné à faire avancer la cause abolitionniste au Liban, sous forme d’une campagne en ligne, d’une performance culturelle, d’une intervention scolaire ou d’une conférence publique. Parmi les arguments les plus forts, la prise de conscience que la peine de mort tue, qu’il s’agit d’un acte meurtrier, que la priorité réside plutôt dans la nécessité de lutter contre le crime, que l’exécution capitale ne dissuade pas du crime…

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Abolir la peine de mort

De passage à Beyrouth en cette fin février 2022, les représentants d’ECPM ont rencontré les jeunes recrues, à l’occasion de l’atelier #AbolitionNowTour qui prépare leur action. Une préparation menée avec l’ONG partenaire, l’Association libanaise pour les droits civils fondée par les activistes Walid Slaiby et Ogarit Younan (LACR), avec la participation de l’ancienne condamnée à mort, Antoinette Chahine, militante abolitionniste. « J’ai l’espoir profond que le Liban est le pays des droits de l’homme et de Charles Malek. Je suis certaine qu’il se dirige vers l’abolition de la peine de mort. Et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour y contribuer », assure Joya Saliba, 18 ans, membre de la délégation. Cette élève de terminale a été sélectionnée pour une raison majeure. Fille d’Antoinette Chahine, elle a été marquée par le vécu de sa mère, par l’engagement de cette dernière à sa sortie de prison après cinq ans et demi de détention, contre une justice qui tue. « J’ai été touchée par son histoire, par sa condamnation à mort alors qu’elle était innocente, par son militantisme pour l’abolition. À plusieurs reprises, je suis allée avec elle pour sensibiliser la société libanaise contre la peine de mort », raconte-t-elle.

Abolissez maintenant (la peine de mort) ! réclament les abolitionnistes. Photo ECPM

En 2020, le Liban vote en faveur du Moratoire universel

146 pays et territoires ont aboli la peine de mort dans le monde, en droit ou en pratique. Et si le Liban n’exécute plus depuis 2004, il continue, en revanche, de prononcer des peines capitales. Résultat, 81 condamnés libanais ou étrangers attendent aujourd’hui dans le couloir de la mort, principalement à la prison centrale de Roumié. Un point commun les unit, la pauvreté et la marginalisation. D’où la détermination des abolitionnistes à pousser le Liban vers l’avant. Une initiative relativement récente des autorités est la preuve que le combat a porté ses fruits. « Le 16 décembre 2020, le Liban votait – à l’instar de 123 États – en faveur de la résolution du Moratoire universel, lors de la 75e session de l’Assemblée générale de l’ONU », rappelle Ogarit Younan, initiatrice du mouvement abolitionniste au Liban en 1997. « L’initiative officielle est la preuve que le Liban est quasiment prêt à abolir la peine capitale, si les activistes se mobilisent encore plus », précise-t-elle.

Sauf qu’aujourd’hui, la relève se fait attendre. Les deux acteurs principaux de la campagne abolitionniste, la LACR et l’Association justice et miséricorde (AJEM) (qui œuvre en milieu carcéral, NDLR) demeurent certes actifs, mais le mouvement s’est essoufflé après avoir été confronté à la maladie et au décès du fondateur de l’AJEM, le père Hady Aya, en 2017.

L’initiative d’ECPM vient à point nommé. « Elle veut donner la place aux jeunes », explique Sarah Hajjar, coordinatrice du projet #AbolitionNowTour et cheffe de projet du 8e Congrès mondial contre la peine de mort, au sein d’ECPM. « Si le Liban fait partie des six pays choisis, c’est qu’il présente des signes positifs pour l’abolition de la peine capitale », indique-t-elle. La délégation libanaise comprend Ali Mahmoud, Hadi Chaker, Abdel Karim Ghandour, Joya Saliba, Miriam Fenianos, Murielle Khalifé, Reem Abou Hamdane et Nadine Moubarak. Parmi eux, des avocats, des journalistes, des élèves, des étudiants, des artistes, des militants des droits de l’homme. « Chacun d’entre eux peut apporter sa pierre à l’édifice », affirme Mme Hajjar, évoquant la « diversité » des jeunes participants. Les premières réunions viennent d’être bouclées et la réflexion est déjà lancée, avec l’encadrement des deux parrains, ECPM et LACR.

Soucieux de s’impliquer pour cette cause qui lui tient à cœur, Ali Mahmoud, 31 ans, estime que son engagement pour l’abolition de la peine capitale est « lié à sa mission de vie ». Le membre le plus âgé de l’équipe, coordinateur de réseau à la fondation Adyan, est en effet « profondément engagé pour la non-violence », qu’il considère « plus comme une culture qu’un apprentissage ». « J’ai voulu, partant de ma position au sein d’Adyan, lutter contre les stéréotypes et sensibiliser à la compassion », explique-t-il. Ce qu’il voudrait aussi communiquer par-dessus tout, c’est que « l’abolition de la peine de mort doit être une culture ». Car « en sanctionnant par l’exécution capitale, on commet un crime ».

Les abolitionnistes ne chôment pas, malgré les crises locales et internationales. À quelques mois du 8e Congrès international contre la peine de mort, prévu en novembre prochain à Berlin, l’association Ensemble contre la peine de mort prépare ses recrues libanaises. L’ONG française qui milite depuis vingt ans pour l’abolition universelle de la peine capitale, au point de devenir la...

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"Si l'on veut abolir la peine de mort, en ce cas, que messieurs les assassins commencent!" (Alphonse Karr). Ce qui peut n'apparaître que comme une boutade, possède tout de même un fond de vérité. Le rôle essentiel de la Justice est la défense des citoyens. La peine doit dissuader le criminel potentiel d'accomplir son crime, et s'il la commis, le mettre hors d'état de recommencer. En ce qui concerne le premier point, l'efficacité de la peine de mort semble assez faible. L'exécution d'un crime comporte toujours un risque que l'auteur assume d'avance. C'est pourquoi, autrefois, on ajoutait à la peine capitale divers supplices qui exécutés en public, étaient censés avoir un rôle dissuasif. Quant au second point, l'effet est évidemment radical! L'abolition de la peine de mort doit être accompagnée de possibilité de détention à perpétuité. Ce qui, malheureusement n'existe pas en Occident. Le criminel récidiviste est, au bout de quelques années, remis en liberté pour "bonne conduite" S'il commet un nouveau crime, le juge qui a prononcé sa libération devrait, à son tour, être condamné pour complicité.

Yves Prevost

07 h 37, le 02 mars 2022

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  • "Si l'on veut abolir la peine de mort, en ce cas, que messieurs les assassins commencent!" (Alphonse Karr). Ce qui peut n'apparaître que comme une boutade, possède tout de même un fond de vérité. Le rôle essentiel de la Justice est la défense des citoyens. La peine doit dissuader le criminel potentiel d'accomplir son crime, et s'il la commis, le mettre hors d'état de recommencer. En ce qui concerne le premier point, l'efficacité de la peine de mort semble assez faible. L'exécution d'un crime comporte toujours un risque que l'auteur assume d'avance. C'est pourquoi, autrefois, on ajoutait à la peine capitale divers supplices qui exécutés en public, étaient censés avoir un rôle dissuasif. Quant au second point, l'effet est évidemment radical! L'abolition de la peine de mort doit être accompagnée de possibilité de détention à perpétuité. Ce qui, malheureusement n'existe pas en Occident. Le criminel récidiviste est, au bout de quelques années, remis en liberté pour "bonne conduite" S'il commet un nouveau crime, le juge qui a prononcé sa libération devrait, à son tour, être condamné pour complicité.

    Yves Prevost

    07 h 37, le 02 mars 2022

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