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Société - Reportage

L’invasion de l’Ukraine suscite tensions et solidarité au sein des diasporas russe et ukrainienne au Liban

Malgré une histoire marquée par de nombreuses tensions entre les deux pays, les ressortissants ukrainiens et russes ont traditionnellement fait partie de la même communauté.

L’invasion de l’Ukraine suscite tensions et solidarité au sein des diasporas russe et ukrainienne au Liban

Des manifestants rassemblés devant l'ambassade de Russie au Liban, le 24 février 2022, pour dénonce rl'invsaion russe de l'Ukraine. Mohamad El Chamaa/L'Orient Today

« Je ne prends pas parti, je ne juge pas les gens selon leur nationalité, donc pour moi, je n’ai jamais eu de problème, mais je pense qu’à l’échelle du Liban, il y aura une division ». Esmeralda Younès, née au Liban, est moitié Libanaise du côté de son père, moitié Ukrainienne de par sa mère. Si elle a été élevée au sein de la communauté ukraino-libanaise, elle a également de nombreux amis proches russo-libanais. « Nous parlons la même langue et nous nous entendons bien, donc je pense qu’il n’y avait pas de problème jusqu’à présent », déclare-t-elle à L’Orient Today, quelques heures après l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Mais sur les réseaux sociaux, Esmeralda Younès a vu fleurir des messages, postés par quelques Russo-Libanais, expliquant qu’ « ils sont d’accord avec ce qui arrive à l’Ukraine » et que « l’Ukraine le mérite ». Selon elle, cela peut provoquer des tensions entre les Ukrainiens et les Russes libanais.

Au Liban, la diaspora ukrainienne est en état d’alerte depuis que le président russe Vladimir Poutine a annoncé hier à l’aube avoir ordonné une « opération militaire spéciale » en Ukraine, qu’il a présentée comme un acte d’autodéfense, alors que les États-Unis et leurs alliés l’ont décrite comme un acte d’agression non provoqué. Depuis hier matin, les forces armées russes lancent une série d’attaques à travers toute l’Ukraine, ce qui suscite de virulentes condamnations internationales.

Malgré une histoire marquée par de nombreuses tensions entre les deux pays, les ressortissants ukrainiens et russes au Liban ont traditionnellement fait partie de la même communauté. Bon nombre de Russes et d’Ukrainiens résidant au Liban sont des femmes mariées à des Libanais qui se sont rendus dans l’un des deux pays pour y mener des études universitaires.

Quelques heures après le lancement de l’offensive russe, environ 40 à 50 personnes – parmi lesquelles des Ukrainiens, des Russes et des Libanais – se sont rassemblées devant l’ambassade de Russie à Beyrouth, à Wata Mousseitbé, pour protester contre l’attaque. Nombre d’entre eux brandissaient des pancartes sur lesquelles l’on pouvait lire des messages tels que « Stop Poutine, stop à la guerre », « Que cesse cette folie contre l’Ukraine » et « Solidaire avec l’Ukraine ». Des membres des forces de sécurité russes ont été aperçus sur le toit de l’ambassade par le journaliste de L’Orient Today présent sur les lieux. Un des manifestants nous a affirmé qu’un soldat russe était descendu narguer et menacer les manifestants. Selon lui, il a affirmé avoir tué des Ukrainiens à Lougansk, région d’Ukraine proche de la frontière russe et bastion des séparatistes soutenus par Moscou. « Je suis très gênée de dire que je suis Russe », déclare une femme, établie au Liban depuis 30 ans, et qui a rejoint des amis ukrainiens devant l’ambassade.

« Ma famille vit dans le sud de l’Ukraine... Mon père est médecin et il dit que les hôpitaux sont pleins et qu’il y a des pénuries de médicaments. Ils ont bombardé des ponts, des scènes que l’on avait vues au Liban [lors des bombardements israéliens pendant la guerre de juillet 2006], et ont attaqué des maisons, tuant des enfants et des femmes », poursuit la femme, qui demande à ne pas être identifiée par son nom par crainte de répercussions.

Un Russo-Libanais de 22 ans, qui demande également à ne pas être identifié, a une autre analyse de la situation. « Je suis totalement d’accord avec la position russe, car je pense que l’Ukraine est faible et qu’elle gagnerait à faire partie de la Russie », dit-il à L’Orient Today. Le jeune homme ajoute toutefois que ni lui, ni sa famille ne souhaitent de tensions avec leurs « proches ukrainiens » au Liban. Et il ajoute: « A un moment donné dans l’histoire, les deux pays ne faisaient qu’un. »

Pour Nadia Dragon, une Ukrainienne mère de trois enfants ukraino-libanais qui vit au Liban depuis 13 ans, les « médias russes diffusent des informations erronées » sur le conflit, ce qui pousse certains Russes à l’étranger en général, et au Liban en particulier, à « soutenir » l’attaque russe. « J’ai beaucoup d’amis russes au Liban, et je n’ai pas de problèmes avec eux. Nous sommes simplement contre le régime russe. Mais les médias russes diffusent de fausses informations pour diviser les deux peuples », renchérit une autre Ukrainienne, qui demande à ne pas être identifiée et qui est également mariée à un Libanais.

Pour Zaynab Raya, une Libano-Ukrainienne vivant dans la Békaa, les relations entre les communautés russe et ukrainienne de la région ne sont pas impactées par les événements politiques. « Les événements politiques ne nous affectent pas. Au contraire, ils nous rapprochent », assure-t-elle. « Ils [les Russes et les Ukrainiens de la Békaa] s’appellent les uns les autres et demandent des nouvelles des familles en Ukraine », dit-elle encore. Les liens sont « solides » au sein de la communauté russo-ukrainienne de la Békaa, assure Zaynab. « Nous avions l’habitude d’assister à des événements ensemble parce que nous avons la même culture », poursuit-elle, notant que le centre culturel libano-russe de Zahlé avait l’habitude d’organiser des événements à la fois russes et ukrainiens. « C’est ensemble, par exemple, que nous célébrons le Jour de la Victoire de la Russie [commémorant la capitulation de l’Allemagne nazie en 1945] le 9 mai. Peu de gens soutiennent aveuglément l’un des deux pays, mais même quand cela arrive, cela ne crée pas de tensions », dit-elle encore.

Aujourd’hui, certains membres de la communauté de la diaspora au Liban sont directement touchés par le conflit. « Je suis une citoyenne ukrainienne originaire de Kiev et mes enfants y sont maintenant. Ils ont été réveillés le matin à 5 heures par les bombardements à côté de notre maison, alors qu’il n’y a pas de base militaire à côté de nous. C’est un lieu résidentiel et civil », explique Victoria, une Ukrainienne mariée à un Libanais. Ses enfants, qui ont la double nationalité, étaient censés venir au Liban le 1er mars. Mais ils ne peuvent plus le faire car les vols en provenance d’Ukraine ont été annulés.

« Les Ukrainiens du Liban sont indignés, tristes et souffrent d’être éloignés de leurs proches. Ne pas savoir ce qui se passe réellement est très dur », déclare Esmeralda Younès. Ses grands-parents sont en Ukraine, seuls, terrés dans leur maison. « En tant que Libanais, nous connaissons ce sentiment car, malheureusement, nous sommes toujours en guerre et en conflit », ajoute-t-elle.

(Cet article a été originellement publié en anglais hier sur le site de L’Orient Today)

« Je ne prends pas parti, je ne juge pas les gens selon leur nationalité, donc pour moi, je n’ai jamais eu de problème, mais je pense qu’à l’échelle du Liban, il y aura une division ». Esmeralda Younès, née au Liban, est moitié Libanaise du côté de son père, moitié Ukrainienne de par sa mère. Si elle a été élevée au sein de la communauté ukraino-libanaise, elle a...

commentaires (1)

Les ucraniennes en Italie font les assistantes aux personnes âgées et gagnent beaucoup 1100 euros par mois assistance médicale , logées et nourris et deux jours de congé par semaine .1100 euros à peu prés 1200 dollars . Elles ont tous les droits , ce n’est pas comme au Liban les pauvres Ethyopiennes ….

Eleni Caridopoulou

20 h 23, le 25 février 2022

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Commentaires (1)

  • Les ucraniennes en Italie font les assistantes aux personnes âgées et gagnent beaucoup 1100 euros par mois assistance médicale , logées et nourris et deux jours de congé par semaine .1100 euros à peu prés 1200 dollars . Elles ont tous les droits , ce n’est pas comme au Liban les pauvres Ethyopiennes ….

    Eleni Caridopoulou

    20 h 23, le 25 février 2022

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