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Moyen-Orient - Dans nos archives - Portrait

De la fuite héroïque au procès en Grèce : le parcours cauchemardesque de la Syrienne Sarah Mardini

[Depuis le 23 novembre 2022 est disponible, sur Netflix, un film intitulé Les Nageuses, qui relate l'épopée de Yusra et Sarah Mardini, deux sœurs syriennes qui ont fui leur pays en guerre en traversant une partie de la mer Méditerranée à la nage. Une histoire vraie, adaptée à l’écran par Sally el-Hosaini. En février 2022, nous avions parlé à Sarah Mardini tandis que la jeune femme, qui avait obtenu le statut de réfugiée en Allemagne, était poursuivie par la justice grecque dans le cadre de ses activités bénévoles auprès d’une ONG locale de sauvetage des embarcations en détresse sur l’île de Lesbos.]

De la fuite héroïque au procès en Grèce : le parcours cauchemardesque de la Syrienne Sarah Mardini

Sarah Mardini, nageuse professionnelle et réfugiée syrienne en Allemagne, est aujourd’hui poursuivie par la justice grecque pour ses activités de bénévolat auprès de réfugiés sur l’île de Lesbos. Photo AFP

En 2015, son arrivée sur l’île grecque de Lesbos après avoir sauvé avec sa sœur des dizaines de réfugiés syriens à bord d’une embarcation de fortune avait fait d’elle un symbole d’héroïsme et de courage à travers le monde. Aujourd’hui, c’est pour être venue en aide à des réfugiés en tant que bénévole au sein de l’ONG grecque Emergency Response Center International (ERCI) sur cette même île qu’elle risque jusqu’à 25 ans de prison. Accusée d’espionnage, de trafic d’êtres humains, de blanchiment d’argent, de fraude et d’appartenir à une organisation criminelle, Sarah Mardini est poursuivie par la justice grecque pour des faits remontant à 2018.

Cette année-là, un soir de février, la jeune Syrienne, qui a depuis obtenu le statut de réfugiée en Allemagne, et son collègue allemand Sean Binder sont placés en garde à vue alors qu’ils étaient de veille pour repérer et secourir les embarcations en détresse. Relâchés puis arrêtés de nouveau fin août 2018, les deux activistes passeront plus de trois mois en détention préventive dans une prison grecque de haute sécurité avant d’être libérés sous caution, moyennant 5 000 euros chacun. Leur cas n’est pas isolé, alors que 22 autres bénévoles de la même ONG sont poursuivis pour les mêmes accusations. Le procès, qui devait s’ouvrir en novembre dernier, a cependant été ajourné et renvoyé à une juridiction supérieure en raison de la présence d’un avocat parmi les prévenus.

« Tous ceux qui ont suivi l’affaire me demandent : qu’est-ce que tu as fait ? Je leur réponds : Rien. Qu’est-ce qu’ils ont sur toi ? Rien », confie, épuisée, Sarah Mardini, depuis Berlin. « Aujourd’hui, je ne peux qu’attendre la date du procès », soupire-t-elle. Contrairement aux autres, Sarah Mardini ne pourra se rendre à l’audience car elle est visée par une interdiction judiciaire d’entrée sur le territoire grec.

Sarah Mardini (à gauche) avec sa sœur Yusra, qui a participé aux JO de Rio en 2016, recevant un prix à Berlin en 2016. Alex Schmidt/AFP

Trois heures et demie à travers les vagues

Son franc-parler, sa détermination et son courage transparaissent à travers chacune de ses prises de parole. Depuis que l’histoire de son périple a fait le tour du monde en 2015, la jeune femme est invitée à partager son expérience avec le public. Cette année-là, alors que la guerre en Syrie fait rage depuis plus de quatre ans, Sarah Mardini, tout juste âgée de 20 ans, parvient à convaincre son père de la laisser fuir, avec sa sœur cadette, Damas où ils résident. Direction : l’Europe. Elles n’ont qu’un but : arriver saines et sauves et décider de leur avenir dans un pays qui leur garantira la sécurité. S’ensuit un long et dangereux voyage. Après avoir pris un avion pour Istanbul, elles sont conduites par un passeur à Izmir puis sur une plage reculée à quelques heures de route. Les deux sœurs s’entassent alors aux côtés de 18 autres personnes à bord d’un canot pneumatique, en réalité prévu pour n’en transporter que sept. Aucun des passagers ne sait s’il atteindra Lesbos, l’île grecque la plus proche. Très vite, l’embarcation surchargée prend l’eau et commence à couler. Sarah Mardini saute hors du bateau et se met à le tracter jusqu’à la terre, suivie par sa sœur quelques minutes plus tard, et par deux jeunes hommes. Seuls eux quatre savent nager.

« Yusra et moi nageons depuis que nous sommes toutes petites, raconte Sarah Mardini. On peut dire que nous avons appris à nager lorsque nous avons appris à marcher et à parler. Notre père est entraîneur de natation et nous étions nageuses professionnelles bien avant de quitter la Syrie. Si nous pouvons venir en aide à quelqu’un, nous le faisons, c’est juste notre façon d’être. » Après avoir nagé de nuit à travers les vagues pendant trois heures et demie, les quatre compagnons d’infortune parviennent à amener l’ensemble des passagers sur la terre ferme.

Relayée par la presse internationale, leur traversée fait le tour du monde et permet à Sarah et à Yusra d’être accueillies comme réfugiées à Berlin. La cadette concourt même aux Jeux olympiques de 2016 et 2020 dans l’équipe d’athlètes réfugiés. De son côté, Sarah décide un an plus tard de retourner à Lesbos. « Une partie de moi voulait revoir où j’avais atterri, me remettre mentalement de tout ça, confie-t-elle. J’avais aussi réalisé à quel point je pouvais être utile pour assister les réfugiés. J’y suis d’abord allée deux semaines, puis j’ai décidé d’y rester. »

Pour mémoire

La réfugiée syrienne Sarah Mardini choquée par sa détention en Grèce

Œuvrant au sein de l’ERCI, une ONG grecque de recherche et de sauvetage qui opérait à Lesbos jusqu’en 2018, avant d’être contrainte par les autorités du pays de cesser ses activités, la jeune femme secourt les embarcations à la dérive, mais assiste également les réfugiés une fois sur place et traduit leurs propos de l’arabe à l’anglais. Jusqu’à ce soir de février 2018 où les gardes-côtes l’accusent avec son ami de circuler dans une jeep avec une fausse plaque d’immatriculation et les arrêtent pendant plusieurs mois en août de la même année. « À partir de là, toutes les charges énoncées contre nous étaient complètement fausses, dénonce-t-elle. Ils ont confisqué nos téléphones portables et ont vu que nous faisions partie d’un groupe sur WhatsApp qui rassemble des bénévoles de plusieurs ONG de secours aux réfugiés. Ils s’en sont servis comme prétexte pour affirmer que nous utilisions des applications de messagerie cryptée ou que nous faisions de la contrebande parce que nous avions des informations sur le nombre de personnes qui allaient arriver sur les côtes. »

Retenue par le passé

Détenue pendant plus de 100 jours, son séjour en prison lui laisse des souvenirs particulièrement amers. « Les premiers jours étaient très compliqués, se souvient-elle. Je me trouvais dans une cellule de police à Lesbos avec deux autres femmes qui ne parlaient pas anglais, avant qu’on me transfère dans une prison à Athènes. Lorsque j’avais besoin d’aller aux toilettes, je devais crier et crier jusqu’à ce que l’officier de police accepte de m’y conduire. Je cessais de manger et de boire pour ne pas avoir besoin d’y aller. » Pour la jeune femme, ignorer la raison pour laquelle elle est détenue est insoutenable. « Je n’arrêtais pas de leur dire : Donnez-moi une chose qui prouve avec mes empreintes, ma voix, ma photo, que j’ai fait quelque chose de mal. »

En dépit de ses efforts pour poursuivre sa vie normalement à Berlin, Sarah Mardini ne cesse d’être retenue par le passé. « Je suis en train de faire des courses, par exemple, et de parler au téléphone avec mon meilleur ami, et soudain je reçois un message de mon avocat qui me parle d’une chose en rapport avec le procès. Et ça arrive à chaque fois, lorsque je prends un café avec des amis, à la fin de la journée avec ma famille. Même les avocats s’inquiètent de savoir comment ils vont nous annoncer la nouvelle. » La jeune femme confie avoir été diagnostiquée de troubles liés au stress post-traumatique et de dépression. Elle tente malgré tout de continuer à se battre et donne régulièrement des entretiens à la presse pour sensibiliser à la cause des réfugiés. En parallèle, elle espère débuter une carrière dans la mode, inspirée par sa mère qui était une créatrice dans le milieu. « Lorsque je ne fais pas ça, je prends soin de moi, j’essaye d’assimiler tout ce que je traverse et de me remettre enfin de mon passé pour pouvoir préparer mon avenir », dit-elle.

Face à la portée de leur histoire, le parcours de Sarah et de sa sœur cadette sera prochainement raconté dans un film, Les Nageuses, diffusé cette année sur Netflix. « Je veux qu’il rende fières les petites filles du Moyen-Orient et qu’il leur donne le courage et la force de s’émanciper », résume-t-elle.

En 2015, son arrivée sur l’île grecque de Lesbos après avoir sauvé avec sa sœur des dizaines de réfugiés syriens à bord d’une embarcation de fortune avait fait d’elle un symbole d’héroïsme et de courage à travers le monde. Aujourd’hui, c’est pour être venue en aide à des réfugiés en tant que bénévole au sein de l’ONG grecque Emergency Response Center International...

commentaires (7)

OLJ, J,ECLAIRE CETTE HISTOIRE AVEC UNE ANALYSE REELLE DES FAITS EN UTILISANT DES EXEMPLES. FAUT LA PUBLIER.

LA LIBRE EXPRESSION

18 h 08, le 27 novembre 2022

Tous les commentaires

Commentaires (7)

  • OLJ, J,ECLAIRE CETTE HISTOIRE AVEC UNE ANALYSE REELLE DES FAITS EN UTILISANT DES EXEMPLES. FAUT LA PUBLIER.

    LA LIBRE EXPRESSION

    18 h 08, le 27 novembre 2022

  • L,HISTOIRE DE CETTE JEUNE N,EST PAS SI SIMPLE COMME ON VEUT LA PRESENTER. QUE DIREZ-VOUS SI ELLE ET SA SOEUR VENAIENT AVEC UN GROUPE DE MIGRANTS SYRIENS A LA NAGE AU LIBAN. ON LES ACCUEILLERAIT CERTES. MAIS QUE DIREZ-VOUS SI ETABLIE AU LIBAN AVEC UN AIDE ALLEMAND ELLE COMMUNIQUAIT AVEC DES PASSEURS DE MIGRANTS SYRIENS OU AUTRES ET SE TRIMBALLANT LIBREMENT AVEC UNE JEEP SUR LE LITTORAL LIBANAIS ELLE INDIQUAIT AUX PASSEURS LE POINT OU ILS POUVAIENT ATTERIR AVEC LES MIGRANTS ? ET SI INVERSEMENT ELLE LE FAISAIT POUR DES PASSEURS VENANT D,ISRAEL AVEC DES MIGRANTS VERS LE LIBAN ? ESPIONNE ON DIRAIT. LA TURQUIE POUR LA GRECE EST PIRE QU,ISRAEL POUR LE LIBAN. - ALORS PENSEZ BIEN AVANT D,APPLAUDIR CETTE JEUNE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    17 h 58, le 27 novembre 2022

  • JE RETIRE MON COMMENTAIRE DU 14 FEVRIER 2022 FAIT UNIQUEMENT SUR LE TITRE ALORS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 42, le 27 novembre 2022

  • AVOIR DES INFORMATIONS PREALABLES SUR LES MIGRANTS CLANDESTINS MANIPULES PAR LES TURCS C,EST TRAFIQUER POUR PASSER CLANDESTINEMENT DES MIGRANTS EN GRECE POUR LE COMPTE DE LA TURQUIE QUI EN USE COMME ARME POLITIQUE CONTRE LA GRECE. EN UN MOT C,EST DE L,ESPIONNAGE POUR LE COMPTE DE LA TURQUIE. FALLAIT SAVOIR CE QU,ON FAIT. ET CE NE SONT PAS DES RIENS SUR CE QU,ON L,ACCUSE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 39, le 27 novembre 2022

  • Question pour les autorités grecques: C’est quoi l’alternative par rapports aux réfugiés? Les laisser couler et se noyer?

    Gros Gnon

    08 h 00, le 27 novembre 2022

  • quand le courage veut tout dire !

    Gaby SIOUFI

    11 h 19, le 14 février 2022

  • HONORABLE ACTION DE CETTE BRAVE FILLE. JE SUIS SUR QUE LE PROCES N,ABOUTIRA A RIEN.

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 08, le 14 février 2022

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