Un document ayant fuité ces derniers jours dans la presse révèle que la commission gouvernementale chargée de préparer un plan de résolution de l’importante dette publique à négocier avec le FMI propose de faire supporter la majeure partie du coût de cette résolution aux créanciers – c’est-à-dire aux déposants des banques –, plutôt qu’aux débiteurs – c’est-à-dire au gouvernement et à la banque centrale –, qui ont lourdement emprunté auprès de banques commerciales généreusement accommodantes pour financer les déficits publics.
Bien que les médias aient rapporté cette semaine que la proposition du gouvernement avait déjà été rejetée par le FMI dans sa forme actuelle, nous reconnaissons qu’il n’y a pas de confirmation officielle que ces mesures sont bien celles qui ont été présentées au Fonds.
Néanmoins, comme indiqué dans le document, la commission a l’intention de recommander l’apurement de 60 % de la dette publique totale (en prenant en compte les opérations de conversion au taux de 20 000 livres libanaises/USD) tout simplement en appliquant, à différents mécanismes complexes, des décotes de fait sur une très grande partie des sommes déposées dans les banques en devises, tout en convertissant les dépôts restants en livres libanaises à des taux fixés arbitrairement et en étalant le remboursement sur une période de 15 ans.
Si une telle action politique est envisagée (application d’une simple formule arithmétique d’addition et de soustraction pour éliminer les obligations de la dette), nous, un groupe de professionnels libanais ayant une longue expérience dans ce domaine, estimons qu’il s’agit d’une formule de mauvaise gestion économique, en dehors de toutes les implications juridiques qu’elle pourrait entraîner.
Son impact négatif irait en effet bien au-delà du fait de faire supporter à l’épargne nationale et étrangère dans les banques, source de prêts et d’activité économique, le poids de la dette publique.
Un tel acte inciterait les épargnants nationaux et étrangers à éviter de placer leurs économies futures dans le système bancaire libanais (quand bien même ce dernier serait restructuré) et paralyserait ainsi la reprise économique nationale en décourageant les entrées de capitaux malgré l’aide internationale que le Liban pourrait encore être en mesure de négocier.
De même, les éventuelles déclarations politiques officielles visant à assurer les épargnants et les investisseurs nationaux et étrangers du caractère sacré de leurs avoirs en devises – même si un système de change flexible est instauré comme cela devrait être le cas – n’auraient guère d’effets sur cette désincitation. Une fois qu’un précédent politique est établi, on s’en souviendra toujours. Pour rappel, l’augmentation rapide de la dette publique est due à une augmentation continue des déficits fiscaux financés par la banque centrale, les gouvernements successifs ayant ignoré les avertissements écrits et publics répétés de nombreux professionnels et milieux, ainsi que de fonctionnaires dévoués du secteur public, sur la nécessité urgente de réformer ce dernier dans le cadre d’une approche économique globale. En effet, le secteur public comptait et compte toujours des personnes de la plus haute intégrité qui ont tenté de mettre en œuvre la réforme. Et nombre de ceux qui ont été nommés dans les différents gouvernements comprenaient des réformateurs qui souhaitaient mettre en place un contrôle efficace des pratiques de corruption.
Hélas, aucune réforme fondamentale des politiques budgétaires et des pratiques dans la gestion de l’administration n’a été effectivement autorisée, sans parler d’autres domaines du secteur public qui nécessitent une réforme depuis longtemps.
Les pouvoirs en place ont choisi d’ignorer ces avertissements pour diverses raisons, dont la réticence et/ou l’incapacité à contrôler les pratiques en cours. Trente ans après la fin de la guerre civile (1975-1990), l’État continue par exemple de financer des institutions obsolètes.
Si ce que contient le document fuité est exact, les autorités seraient bien avisées de repenser l’action qu’elles auraient planifiée et ses résultats probablement très négatifs pour l’avenir de l’économie libanaise et de son système bancaire, et de se concentrer plutôt sur la formulation d’une politique rationnelle de rééchelonnement de la dette dans le cadre d’un plan bien préparé de redressement national qui rétablirait la confiance nationale et extérieure dans le Liban et assurerait sa résurgence économique et sociale.
Signataires :
Samir MAKDISI, professeur d’économie et ancien ministre de l’Économie nationale
Georges CORM, professeur d’économie et de sciences politiques et ancien ministre des Finances
Nicolas TUÉNI, ancien ministre d’État chargé de la Lutte contre la corruption
Boutros LABAKI, professeur d’économie et ancien vice-président du Conseil du développement et de la reconstruction
Jawad ADRA, directeur général adjoint d’Information internationale
Adel MAKARON, avocat
Chucri ROHAYEM, écrivain
Riad SAADÉ, directeur du Centre de recherches et d’études agricoles libanais
Oui,, un big headcut des prédateurs mafieux exigé dans le même contrat !
15 h 13, le 15 février 2022