Reproduire à l’échelle arabe le modèle de convivialité libanaise, répandre dans le monde arabo-islamique la « culture de la rencontre » consignée dans le document sur la fraternité humaine signé à Abou Dhabi (2019), préserver l’existence et l’indépendance politique du Liban et la place éminente occupée par les chrétiens dans son système politique, prévenir une guerre contre l’État d’Israël, qui héberge Jérusalem et les Lieux saints, et dans laquelle serait entraîné inévitablement le Liban, préserver l’unité des Libanais et endiguer leur exode, décléricaliser et désembourgeoiser l’Église, pousser les jeunes à ne pas craindre de s’engager socialement et politiquement, tels sont quelques-uns des objectifs stratégiques recherchés par le Vatican qui se sont dégagés directement et indirectement de la visite au Liban du secrétaire aux Relations avec les États (ministre des Affaires étrangères) Richard Paul Gallagher (31 janvier-4 février).
Venu en éclaireur du pape François, qui attend l’heure propice de concrétiser une visite qu’il a promise aux Libanais, le prélat britannique a été « très ému », assure-t-on, de faire l’expérience directe du vivre ensemble des Libanais et de certaines de leurs épreuves. Toutefois, les observateurs ont noté plus d’exigence, plus de fermeté dans les exhortations et conseils prodigués par le Saint-Siège.
Si le Liban est si cher au Vatican, c’est bien sûr parce qu’il occupe une place toute particulière au sein du monde arabe, que c’est le seul pays de cet ensemble dont la Constitution ne repose pas sur la charia comme source des lois, qu’il est présidé par un chrétien, et que chrétiens et musulmans y sont censés vivre en bonne entente dans un régime d’égalité civique et de communauté culturelle, selon l’analyse qu’en a faite Jean-Marie Lustiger, l’ancien archevêque de Paris, venu au Liban en émissaire de Jean-Paul II (1995).
Mais les responsables du Vatican savent aussi que si le Liban fait partie de la Terre sainte foulée par les pieds du Christ, et s’il est un sanctuaire des libertés essentielles, ses habitants, pour être bons vivants, n’en ont pas moins le sang chaud et son histoire n’en est pas moins marquée par des massacres. Ils savent aussi que c’est un pays de contradictions et de contrastes qui a vécu depuis son indépendance autant d’années de guerre que de paix, et que son système politique complexe qui doit tenir compte des disparités religieuses de ses communautés est régulièrement grippé. Ils savent même que c’est un pays failli économiquement, et même politiquement et éthiquement, qu’il est pris en otage par ses propres communautés, soumis à des forces centrifuges qui tentent de le fragmenter, bref en crise. Pourtant ils savent que dans toutes ces noirceurs, il y a un diamant qui brille d’un éclat particulier, c’est son vivre ensemble qui constitue, aux yeux du successeur de Pierre, une gemme inappréciable à conserver à tout prix dans son écrin. L’alchimie du vivre ensemble dont le Liban a le secret, et qui a résisté à toutes les crises, à toutes les guerres, ne résistera probablement pas à sa partition, croient-ils.
Un premier contact
C’est la tenue d’un colloque à l’Université de Kaslik, sur le thème « Jean-Paul II et le Liban-message », qui a donné au chef de la diplomatie du Vatican l’occasion de son premier contact avec la réalité libanaise.
Dans une lettre datée du 7 septembre 1989, Jean-Paul II avait appelé à une journée de prière universelle pour le Liban. Par cette démarche, ajoutait le pape, « l’Église désire manifester au monde que le Liban est plus qu’un pays : c’est un message de liberté et un exemple de pluralisme pour l’Orient comme pour l’Occident ! ». « Ce pluralisme consenti et vécu est une valeur fondamentale qui a présidé à la longue histoire du Liban. C’est pourquoi, si ce pays venait à disparaître, c’est la cause même de la liberté qui subirait un dramatique échec », expliquait-il.
La disparition du Liban par démembrement ou annexion à un ensemble plus grand hantait le tombeur de l’URSS. Cette crainte n’est toujours pas dissipée. Elle s’est à nouveau manifestée, au cours des deux dernières années, dans le discours diplomatique de la France, au lendemain de l’explosion du 4 août 2020 dans le port de Beyrouth. « Le risque, aujourd’hui, c’est la disparition du Liban », avait mis en garde en août 2020 le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian.
Richard Paul Gallagher l’a reprise le 2 février, à sa sortie du palais présidentiel de Baabda. « Face à la situation aujourd’hui, pas seulement au Liban, mais aussi dans la région, il y a évidemment un risque que le futur du pays ne soit pas assuré », a-t-il répondu à la question d’un journaliste.
L’unité de l’armée
La visite tout à fait inhabituelle effectuée par Mgr Gallagher au commandant de l’armée, le général Joseph Aoun, est en ce sens significative. « L’intention était, comme toujours, de soutenir les institutions et de reconnaître l’importance d’une armée unie », affirme-t-on de bonne source à ce sujet. Personne ne veut d’une guerre civile au Liban, en dépit des bouleversements internes et des développements externes, a entendu l’archevêque britannique à cette occasion.
« Un affaiblissement de la présence chrétienne risque de détruire l’équilibre interne et la réalité même du Liban », avait-il averti le même jour, en invitant le Hezbollah, par un appel du pied, à s’ouvrir à un dialogue national sous les auspices du Vatican, ce qui constituerait une première absolue. Mais, dans le strict respect du principe de non-ingérence, Mgr Gallagher a affirmé que le Saint-Siège serait prêt à jouer le rôle de « facilitateur » d’un dialogue national, et disposé même à l’héberger, « si toutes les parties le demandent ».
Par ailleurs, s’il est facile de constater que le Saint-Siège ne manque pas une occasion de demander à la communauté internationale d’assister économiquement le Liban, et d’exercer sa vigilance sur de nouveaux plans qui se dessineraient pour lui dans la région, il est tout aussi aisé de noter chez les responsables du Vatican une certaine lassitude devant les lenteurs et les pesanteurs libanaises.
« La patience a des limites », s’élève l’ambassadeur du Liban auprès du Saint-Siège, Farid el-Khazen, qui rappelle que le Vatican, à l’instar de certains pays comme la France, est excédé par les atermoiements répétés qu’il constate de la part des dirigeants libanais.
« Les clés de certaines crises internes sont entre les mains des Libanais », insiste pourtant M. Khazen. « Il ne faut pas tout attendre de la communauté internationale », ajoute-t-il.
Sur un autre plan, dans le cadre de ses exhortations à réagir à la corruption, le pape François, s’adressant à une délégation de Caritas-Liban qui visitait le Vatican à l’occasion du jubilé de la création de cet organisme, a incité les Libanais à « se soulever » contre les abus. Dans les années 80, déjà, Jean-Paul II demandait aux Libanais de « ne jamais être timides » quand il s’agit de défendre leurs libertés.
Une perception géopolitique
La perception du Liban par le Vatican est à la fois localisée et géopolitique, assure-t-on de bonne source. La promotion du document sur la fraternité humaine d’Abou Dhabi (2019), qui articule le « Liban-message » et universalise ce modèle pionnier, est l’un des éléments de la stratégie du Vatican dans le monde arabe.
La visite de Mgr Gallagher au Liban, rappelle-t-on dans les milieux ecclésiastiques, a coïncidé, presque jour pour jour, avec la date de la déclaration sur la fraternité humaine (4 février 2019). Et d’ajouter que cet anniversaire vient d’être marqué par une première, l’ouverture dans la capitale des Émirats arabes unis d’une nonciature apostolique.
C’est dire que la visite du secrétaire aux Relations avec les États du Vatican s’inscrit dans la vision plus large d’une légalité internationale qui comprend l’application des résolutions de l’ONU, et notamment de la 1559, confirme-t-on dans ces milieux où l’on promeut une solution pacifique du conflit israélo-palestinien. « En ces temps de malheur, nous voulons affirmer avec force que le Liban est, et doit demeurer, un projet de paix. Sa vocation est celle d’être une terre de tolérance et de pluralisme, une oasis de fraternité où religions et confessions différentes se rencontrent, où communautés diverses cohabitent en mettant le bien commun avant les intérêts particuliers », avait rappelé le pape François le 1er juillet dernier, devant les chefs chrétiens réunis au Vatican. « Cela suffit, les avantages de quelques-uns sur le dos d’un grand nombre ! Cela suffit, la domination des vérités de parti sur les espérances des gens ! » « Cela suffit d’utiliser le Liban et le Moyen-Orient pour des intérêts et des profits étrangers ! Il faut donner aux Libanais la possibilité d’être protagonistes d’un avenir meilleur, sur leur terre et sans ingérences abusives », avait-il ajouté, évoquant aussi bien les blocages internes que les diktats étrangers qui déstabilisent le Liban. C’est bien sûr avec ces phrases en tête que s’est déroulée la visite au Liban de Richard Paul Gallagher.
Le Vatican a le choix 1- d'être patient et fâché ou 2- furieux et cassant. La deuxième option est recommandée par le bon dieu qui a finit par anéantir Sodom et Gomorrah après toutes les tentatives : excommuniez donc tout nos dirigeants et politiciens chrétien, qui dépendent bien sûr du Vatican, pour qu'ils aillent quémander l'aumône chez leurs maîtres de tout bord...
03 h 21, le 11 février 2022