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May Ziadé, enfin traduite en français

Préfacée de la plume de l’ancien Premier ministre français, M. Ayrault, la publication de ce petit livre vient réparer une grande injustice : jamais auparavant l’unique femme des lettres arabes de la Nahda, la pionnière du féminisme dans le monde arabe, n’avait été traduite !

May Ziadé, enfin traduite en français

D.R.

Ténèbres et lueurs : Rêveries d'une promeneuse au Levant de May Ziadé, traduit de l'arabe par Samir Belhamra, préface de Jean-Marc Ayrault, L’Harmattan/ Lettres du monde arabe, 2021, 104 p.

Vingt textes disparates qui n’entretiennent peu ou prou aucun lien entre eux si ce n’est une profonde humanité et les valeurs humaines universelles de justice et de paix : « Si je suis transportée d’exaltation pour une victime et ai défendu le droit avec zèle, ceci n’est que pour combattre la tyrannie qui a fait verser les larmes et le sang du cœur de mes souvenirs. »

Vingt textes qui constituent autant de méditations philosophiques ou poétiques (« Le Silence de l’espace empli du murmure des astres »), de petits poèmes en prose, de paraboles et des écritures métaphoriques à la Gibran Khalil Gibran dont May Ziadé était « l’amante épistolaire ». Fait troublant, on est en droit de se demander lequel des deux a inspiré l’autre.

Ténèbres et lueurs multiplie les genres littéraires et les tons ainsi qu’il diversifie les thèmes à l’extrême : l’enfance, la quête existentielle, la patrie… Cependant, comme un fil d’Ariane qui conduit le lecteur, on retiendra notamment le fil rouge des droits humains, de la haine des sectarismes, de la recherche de l’universel bonheur et le pacifisme puisque ce recueil est rédigé en 1923, au sortir de l’une des boucheries les plus totales et totalitaires de l’histoire de l’humanité.

S’adressant à un enfant rencontré dans un parc public au Caire où elle vivait, Ziadé écrit : « Bientôt tu connaîtras la mythologie, ce qu’est l’islam et le christianisme. Bientôt tu connaîtras l’extrémisme religieux, ethnique, scientifique, familial et individuel. Bientôt tu sauras que les tissus faits pour les robes de mariage sont aussi ceux des linceuls mortuaires des martyrs. Bientôt, tu verras les peuples vaincre des peuples coalisés autour d’un morceau de tissu teint d’une couleur différente de la leur. Bientôt tu verras tout cela, Robert, et tu y prendras part car tu seras militaire comme papa ! »

De tous les textes réunis dans ce volume, celui qui est intitulé « Toi, l’étranger » est le plus beau, le plus troublant, parce que le plus intime, surtout si celui à qui cette femme au destin tragique s’adresse est l’auteur du Prophète : « Je t’imaginerai malade afin de te guérir, acculé pour te consoler, exilé, rejeté pour être ton pays et ton peuple ; prisonnier pour te montrer ma témérité à honorer ma loyauté, puis je te verrai triomphant pour t’admirer et trouver refuge auprès de toi… Au fond de mon âme, s’élève ma gratitude comme de l’encens car tu as révélé en moi ce que personne d’autre n’a su révéler. »

Est-ce May Ziadé qui se cache derrière ce personnage qui dit être « comme tenaillé par la faim (et) qui se lamente et se tord de douleur comme un être tiraillé entre l’envie de vivre et de se suicider » ? Est-ce May Ziadé au destin tragique qui est « seule au monde comme celle qui n’a pas de pays » ? En tout état de cause, ce livre qui est une première est un livre de questionnements, et son autrice, qui tenait le Salon littéraire le plus couru du Caire, méritait de sortir des « ténèbres vers les lueurs ».

Ténèbres et lueurs : Rêveries d'une promeneuse au Levant de May Ziadé, traduit de l'arabe par Samir Belhamra, préface de Jean-Marc Ayrault, L’Harmattan/ Lettres du monde arabe, 2021, 104 p.Vingt textes disparates qui n’entretiennent peu ou prou aucun lien entre eux si ce n’est une profonde humanité et les valeurs humaines universelles de justice et de paix : « Si je suis...

commentaires (1)

Merci pour ce bel article .

Elie Hayeck

21 h 45, le 06 février 2022

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Commentaires (1)

  • Merci pour ce bel article .

    Elie Hayeck

    21 h 45, le 06 février 2022

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