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Idées - Effondrement financier

Lutter pour sauver la retraite des travailleurs libanais

Lutter pour sauver la retraite des travailleurs libanais

Photo d’illustration archives AFP

Si la crise économique, sociale et financière qui ravage le Liban n’épargne personne, l’un de ses effets les plus cruels est la destruction de l’épargne des résidents, et notamment de celle détenue à travers les régimes de retraite gérés par les différents syndicats professionnels du Liban.

Tout au long de leur carrière, de nombreux travailleurs libanais comptaient, en l’absence de système de retraite universel, sur les fonds de pension de leurs syndicats respectifs pour disposer d’un pécule vital pour assurer leurs vieux jours. Et contrairement aux jeunes générations, les Libanais âgés ne peuvent même pas nourrir le (mince) espoir, d’ici à la fin de leur vie active, de reconstituer les économies que les banquiers du pays ont dilapidées. Bref, dans un pays où les autres systèmes de protection sociale sont bien rares, les retraités libanais sont confrontés à des perspectives particulièrement sombres.

Si le secteur financier porte une responsabilité écrasante dans cette calamité, les dirigeants des syndicats ne sont pas tout à fait exempts de responsabilité. Dans un rapport que nous avons rédigé avec notre collègue Guy Saad et publié en décembre dernier par Triangle (et intitulé « Risky Business : How Syndicates Exposed Pensions to Lebanon’s Banking Crisis »), nous expliquons ainsi comment les fonds de pension des syndicats ont fait des choix d’allocation particulièrement mal avisés pendant des décennies. Une sorte de « somnolence au volant » qui a exposé les économies de leurs membres à des niveaux de risque inacceptables.

Avantages irréalistes
Tout d’abord, presque tous les fonds de pension ont promis des prestations irréalistes aux membres des syndicats. Si l’on se réfère aux bonnes pratiques en vigueur dans ce domaine, les fonds de pension devraient concevoir leur plans de retraite en étroite consultation avec des actuaires professionnels qui calibrent l’équilibre entre le montant des cotisations des membres et les obligations du fonds lorsque les cotisants cessent leur vie active. Par exemple, les pays de l’OCDE exigent en moyenne que les membres du fonds cotisent à hauteur de 19 % de leur salaire annuel et reçoivent 50 % de leur ancien salaire au moment de la retraite.

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Or, la plupart des fonds de pensions syndicaux libanais n’ont pas effectué de tels calculs. Au lieu de cela, leurs membres ont versé des montants nominaux tout au long de leur vie professionnelle en s’attendant à recevoir à leur retraite des prestations 13 fois supérieures aux revenus annuels générés par chaque cotisant. Même pour un œil non averti, un tel rapport mathématique semble absurde et devrait rendre l’ensemble du fonds financièrement non viable.

Ensuite, les fonds de pension libanais se sont systématiquement écartés des directives internationales en matière d’investissement sain. Dans les pays de l’OCDE, les fonds de pension investissent jusqu’à 70 % de leurs actifs dans des actions, des bons et des obligations – et ne placent que 7 % dans des dépôts en espèces. En outre, les fonds de pension des pays de l’OCDE placent en moyenne 35 % de l’épargne de leurs membres à l’étranger, et environ 24 % de celle-ci est libellée en devises. Une telle stratégie d’investissement diversifiée répartit le risque sur l’ensemble du portefeuille du fonds, ce qui accroît la résistance du fonds aux chocs financiers.

En revanche, les syndicats libanais ont placé l’épargne de leurs membres presque entièrement dans des dépôts – souvent libellés en livres libanaises – dans les banques locales.

De même que les régimes étaient souvent conçus sans contrôle actuariel, la plupart des syndicats n’avaient pas de professionnels de la finance pour les guider dans leurs décisions d’investissement. Au contraire, ils étaient simplement attirés par les taux d’intérêt extrêmement élevés offerts par les banques libanaises. Lorsque ces mêmes institutions financières se sont avérées incapables d’assurer leurs créances, des milliards de dollars d’épargne-retraite ont été engloutis.

Diviser pour mieux régner

Les dirigeants des syndicats libanais n’ont pas toujours manqué à leurs devoirs de vigilance de manière aussi flagrante. En effet, jusqu’à la fin de la guerre civile, les syndicats et les unions de travailleurs ont été les principaux défenseurs des droits des salariés. La Confédération générale des travailleurs libanais (CGTL), qui chapeaute les différents syndicats du pays, a réussi à négocier pendant la guerre civile avec le gouvernement une augmentation des salaires annuels dans un contexte d’inflation. À la fin des années 1980, la CGTL a organisé plusieurs grèves générales appelant à la fin des hostilités, ce qui a permis de dépasser les clivages confessionnels.

Cependant, ce mouvement syndical uni terrifiait la classe dirigeante libanaise, qui s‘est donné beaucoup de mal à partir de l’après-guerre pour diviser les travailleurs afin de mieux régner. Ces tactiques ont consisté à créer de nouvelles fédérations syndicales affidées aux partis politiques traditionnels et à s’ingérer directement dans les élections de la CGTL. Par conséquent, lorsque les protestations d’octobre 2019 ont éclaté, les syndicats étaient généralement absents du mouvement, affichant leur incapacité, ou leur manque de volonté, à se mobiliser contre l’oligarchie politique et d’affaires.

Plus que jamais, les membres des syndicats ont besoin de leaders pour défendre vaillamment leurs droits à la retraite. Dans un premier temps, ces efforts tourneront autour des négociations à venir sur un plan de sauvetage du FMI, qui répartira inévitablement les pertes du secteur financier libanais. Les syndicats doivent participer à ces négociations et veiller à ce que les actionnaires des banques n’utilisent pas l’épargne-retraite de leurs membres pour rembourser leurs dettes astronomiques.

À plus long terme, les dirigeants des syndicats doivent être prêts à mettre en place des réformes difficiles et nécessaires des fonds de pension libanais. Tous les syndicats doivent engager des actuaires professionnels pour concevoir des régimes de retraite plus durables, tandis que les spécialistes de la gestion d’actifs doivent mettre en place des politiques d’investissement plus prudentes. Certes, ces changements ne seront pas toujours populaires – après tout, la plupart des plans de pension devront commencer à offrir des prestations de retraite moins généreuses–, mais ils sont tout simplement inévitables.

Après des décennies de cooptation politique et de mauvaise gestion, les membres des syndicats ne peuvent pas compter sur leurs dirigeants pour ces tâches cruciales. Au lieu de cela, ils devraient former un front uni pour contourner les banques libanaises et communiquer directement avec le FMI. Grâce à cette plateforme, les syndicats devraient exiger que les pertes financières soient attribuées à ceux qui ont provoqué la crise, et non à ce qui en paient chaque jour le prix.

Shaya LAUGHLIN, Chercheuse au laboratoire d’idées libanais Triangle.

David WOOD, Chercheur à Triangle.

Si la crise économique, sociale et financière qui ravage le Liban n’épargne personne, l’un de ses effets les plus cruels est la destruction de l’épargne des résidents, et notamment de celle détenue à travers les régimes de retraite gérés par les différents syndicats professionnels du Liban. Tout au long de leur carrière, de nombreux travailleurs libanais comptaient, en...

commentaires (2)

Les syndicats ont spoliés les salariés, comme les banquiers ont participé au pillage des avoirs de leurs clients, avec la complicité de ceux censés les contrôler. Les hommes politiques se servent de leur électorat, comme de nombreux fonctionnaires profitent de leur charge au détriment de leurs administrés. Il ne reste au Liban aujourd'hui, 75 ans après le départ des Français, qu'un État symbolique, une armée de témoignage et de solides ruines, alors que c'était le pays le plus riche, le plus beau, le plus agréable, le plus désirable, le plus désiré de tout l'Orient. Il en fût exactement ainsi après le départ des croisés. 1/3 de sa population aujourd'hui dispose d'un État structuré avec sa foi, sa Religion, son passé, son gouvernement, ses territoires, son armée, son économie, son système de retraite, sa fiscalité, ses lois, sa justice...: le Hezbolland, État terroriste, mafieux et parasite qui vit contre et au détriment des deux autres tiers. Après avoir été martyrisée par les pouvoirs sunnites, abandonnés face à l'invasion migratoire palestinienne conduite par les mêmes et la gauche libannaise toujours disposée au pire avec les fausses meilleurs attentions, les chiites n'ont tout simplement pas eu d'autres choix. Le Hezbollah ce n'est pas la Résistance et encore moins la solution, c'est le symptôme de tous nos problèmes, c'est devenu le problème !

Nicolas ZAHAR

11 h 41, le 15 janvier 2022

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Commentaires (2)

  • Les syndicats ont spoliés les salariés, comme les banquiers ont participé au pillage des avoirs de leurs clients, avec la complicité de ceux censés les contrôler. Les hommes politiques se servent de leur électorat, comme de nombreux fonctionnaires profitent de leur charge au détriment de leurs administrés. Il ne reste au Liban aujourd'hui, 75 ans après le départ des Français, qu'un État symbolique, une armée de témoignage et de solides ruines, alors que c'était le pays le plus riche, le plus beau, le plus agréable, le plus désirable, le plus désiré de tout l'Orient. Il en fût exactement ainsi après le départ des croisés. 1/3 de sa population aujourd'hui dispose d'un État structuré avec sa foi, sa Religion, son passé, son gouvernement, ses territoires, son armée, son économie, son système de retraite, sa fiscalité, ses lois, sa justice...: le Hezbolland, État terroriste, mafieux et parasite qui vit contre et au détriment des deux autres tiers. Après avoir été martyrisée par les pouvoirs sunnites, abandonnés face à l'invasion migratoire palestinienne conduite par les mêmes et la gauche libannaise toujours disposée au pire avec les fausses meilleurs attentions, les chiites n'ont tout simplement pas eu d'autres choix. Le Hezbollah ce n'est pas la Résistance et encore moins la solution, c'est le symptôme de tous nos problèmes, c'est devenu le problème !

    Nicolas ZAHAR

    11 h 41, le 15 janvier 2022

  • J’adooore ces articles qui écrivent l’Histoire signés par des spécialistes et des chercheurs…. Les fautifs auraient du faire telle ou telle chose. Mais ces bourriques de spécialistes et de chercheurs auraient du le dire aussi avant que cela ne se produise avant de venir étaler leur science à posteriori. Qui avait dit : la culture c’est comme la confiture, moins on en a plus on l’étale

    Lecteur excédé par la censure

    10 h 13, le 15 janvier 2022

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