Si en ces temps de crise aiguë et multiple les chefs des blocs parlementaires qui représentent une grande partie des composantes politiques du pays ne se réunissent pas autour d’une table de dialogue élargi, quand doivent-ils le faire ? C’est cette question que posent le plus souvent des proches du chef de l’État et de son camp.
Si les adversaires politiques de Michel Aoun l’accusent de vouloir à travers son dernier appel au dialogue renflouer son mandat qui arrive à son terme dans quelques mois, les milieux proches de Baabda affirment qu’il n’a décidé de lancer cette initiative que pour tenter de trouver un terrain d’entente entre les composantes politiques pour stopper l’effondrement du pays et de ses institutions et amorcer une sortie de crise. C’est ainsi que le chef de l’État a sciemment choisi trois sujets conflictuels qui concernent tous les Libanais à examiner lors du dialogue (s’il devait se nouer) : la décentralisation administrative et financière, la stratégie nationale de défense et le plan de redressement économique et financier.
Selon les milieux proches de Baabda, M. Aoun a estimé qu’en raison de l’approche de l’échéance des élections législatives, les discours sont en train de se radicaliser sur fond de crise économique aiguë et d’impasse politique totale. Ce qui constitue une menace sérieuse pour le tissu national libanais. Dans son optique, il fallait donc prendre une initiative d’appeler au dialogue sur les questions cruciales, au lieu de laisser le conflit politique se transposer dans la rue. Cette initiative pourrait ensuite faciliter des ententes, même partielles, de nature à stopper l’effondrement. Car jusqu’à présent, toutes les possibilités de détente ont tourné court, qu’il s’agisse des tentatives pour reprendre les réunions du gouvernement ou des ouvertures en direction de certains pays arabes et occidentaux pour desserrer l’étau sur le Liban. Il ne restait donc plus que cette option pour tenter de faire bouger les choses.
Certes, toujours selon les proches de Baabda, le chef de l’État ne se faisait pas trop d’illusions sur la possibilité réelle de lancer un dialogue national sur des sujets cruciaux dans cette période particulièrement difficile, et qui plus est à la veille de législatives qualifiées de déterminantes. Malgré cela, il a quand même lancé l’appel en ayant en tête, selon ses proches, plusieurs considérations. D’abord, en tant que président de la République, même avec des prérogatives limitées, il ne peut rester les bras croisés face à cette crise sans précédent. Ensuite, il se peut que l’appel soit accueilli favorablement par de nombreuses parties. Ce qui permettrait une ouverture, même partielle, d’un dialogue national, et en tout cas renouerait les contacts entre des parties qui ont pris l’habitude ces derniers temps de ne discuter qu’à travers les médias et par le biais de déclarations incendiaires.
De même, l’appel à un dialogue national est une manière pour le chef de l’État de mettre les différentes parties politiques face à leurs responsabilités au lieu d’être pratiquement le seul, avec son camp, à essuyer les critiques populaires. Selon les milieux proches de Baabda, chacune des composantes politiques est en partie responsable de la situation actuelle, et il est injuste de tout faire assumer à un seul camp. Les milieux proches de Baabda reprennent ainsi les mots utilisés par le président français Emmanuel Macron lors de l’ouverture de la dernière conférence pour le Liban, lorsqu’il a dit que ce qui se passe actuellement dans ce pays est « un échec collectif ». Par conséquent, le sauvetage devrait être collectif, ou alors il sera imposé de l’extérieur, comme cela a souvent été le cas par le passé. Les Libanais ont payé le prix fort pour « ces sauvetages » venus de l’extérieur et qui durent tant que perdurent les rapports de force régionaux et internationaux au moment de leur adoption. Il serait donc bon, ajoutent les sources proches de Baabda, que les différentes parties concernées devancent, cette fois, les accords régionaux et internationaux en parlant ensemble et en essayant de s’entendre. La petite phrase lancée hier à partir de Baabda par le chef du bloc parlementaire du Hezbollah, Mohammad Raad, dans ce contexte, va dans ce sens. Ce dernier a ainsi déclaré qu’en définitive, les étrangers resteront à l’étranger et les Libanais se retrouveront ensemble et reconstruiront ensemble leur pays. En lançant un appel au dialogue, Michel Aoun a donc voulu gagner du temps.
Enfin, et toujours à travers cet appel au dialogue et au cours des rencontres préliminaires qu’il a tenues hier et qu’il poursuit aujourd’hui, le président a voulu rétablir les contacts avec les différents blocs parlementaires. S’il ne se faisait sans doute pas trop d’illusions au sujet d’une réponse directe de la part des Forces libanaises qui, depuis plus de trois ans, se tiennent en retrait, il a ainsi renoué le dialogue avec le chef du courant des Marada, Sleiman Frangié. M. Aoun a aussi pu réduire la tension avec le président de la Chambre Nabih Berry et son camp, dans ce qui ressemble à une tentative d’apaisement en cette période particulièrement délicate. Même le leader druze Walid Joumblatt et le bloc de la Rencontre démocratique ne sont pas hostiles à l’initiative présidentielle, tout en considérant que ce n’est pas le bon moment pour la concrétiser.
Si en ces temps de crise aiguë et multiple les chefs des blocs parlementaires qui représentent une grande partie des composantes politiques du pays ne se réunissent pas autour d’une table de dialogue élargi, quand doivent-ils le faire ? C’est cette question que posent le plus souvent des proches du chef de l’État et de son camp. Si les adversaires politiques de Michel Aoun...
commentaires (14)
A quoi ca sert de commenter, car ca sera censuré de toute facon.
Zablith Rodrigue
07 h 02, le 13 janvier 2022