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Culture - Hommage

Harout Torossian a glissé dans la transparence et le silence de ses toiles...

À l’âge vénérable de 89 ans, barbe blanche et béret sur la tête, toujours souriant et heureux de sa vie d’artiste qui traquait toutes les lueurs de la beauté au monde, il s’en est allé lundi soir loin de son chevalet, de ses pinceaux et de sa palette.

Harout Torossian a glissé dans la transparence et le silence de ses toiles...

Son éternel béret sur la tête, Harout Torossian a produit une œuvre picturale importante. Archives L’OLJ

Il peignait naturellement et disait volontiers que cette manière de s’exprimer ressemble à la spontanéité du chant des oiseaux. Mais cela n’a guère empêché Harout Torossian, décédé à l’age de 89 ans, d’avoir une remarquable formation académique entre Beyrouth et Paris. Il a fréquenté l’Académie libanaise des beaux arts (ALBA) où il sera aussi beaucoup plus tard un éminent pédagogue, ainsi que les Beaux-Arts de la Ville lumière en intégrant les cours de la section de peinture (Souverbi et Brianchon) tout en s’intéressant à la gravure à l’Atelier Camille Bersier et Couteau, à la mosaïque (atelier Licata) et aux fresques (atelier Aujamet).

Pointilleux sur le savoir, gourmand de culture, féru de toutes les techniques artistiques, il avait ses longues randonnées aux musées du Louvre au Prado en passant par le palais Pitti en Italie ainsi que plusieurs autres lieux culturels en Allemagne, Angleterre, États-Unis et sa terre de prédilection et de cœur, l’Arménie.

Il laisse derrière lui non seulement un agréable souvenir de douceur et d’amabilité à tous ceux qui l’ont connu mais aussi une œuvre picturale importante. Œuvre tissée de paysages silencieux aux couleurs sans tapage, de natures mortes frémissantes et des nus d’une sobre sensualité présentée dans plus d’une vingtaine d’expositions individuelles à Beyrouth (aux galeries Modulart, Lucy Tutunjian-Hamazkaine, Cassia, Chahine et Bekhazi) à Paris, à Erevan et aux États-Unis. Sans compter sa présence dans diverses expositions collectives à Vienne, Rio de Janeiro, Alexandrie, Bruxelles, São Paolo…

Il a reçu en 1968, avant les grandes canonnades de la guerre, le prix du Musée Sursock ainsi que d’autres prix en reconnaissances publiques, tels la médaille du Mérite Mesrob Machtotz et le trophée du Beirut International Awards Festival (BIAF) en 2012.

Torossian ne cachait pas son admiration devant le nu qu’il a reproduit avec beaucoup de finesse. Archives L’OLJ

Entre peintures (huiles et aquarelles), dessins (à l’encre de Chine ou au fusain), pastels et gravures, Harout Torossian a bâti une œuvre singulière et d’une grande profondeur, tel un murmure à peine audible, comme un chant sacré à peine psalmodié…

Si ses femmes nues à la peau de velours, déesses sans visage, légères comme des ombres furtives se perdent dans des cieux et des vapeurs insaisissables, ses aquarelles aux paysages enchanteurs sont une prouesse d’économie dans le trait juste et les couleurs jamais criardes. On aborde ses descriptions citadines avec intérêt et presque étonnement tant son univers est feutré, grisâtre, tamisé, austère, mais plein d’une vie étrange dans sa mélancolie maîtrisée, jamais étalée. Des toiles énigmes pour évoquer le secret et la séduction des villes touchées par l’industrie…

À côté de cela, paradoxe de l’art, jouxtent des aquarelles d’une décapante fraîcheur et d’une fragilité étonnante pour parler des cycles des saisons et des coins échappés à la bague de Dieu. Comme autant de promesse de bonheur, de sérénité, de tendresse, d’affection et de paix intérieure…

Pour mémoire

« Torossian », histoire d’un parcours pictural

Les témoignages sur cet art de peindre abondent. On retiendra la lumineuse phrase de Salah Stétié, conjuguant les contours d’une personnalité attachante et humaine et un art livré au compte-gouttes comme un précieux necta r: « Une sensibilité très grande avec une ambition de rigueur », dira le poète de L’eau froide gardée. Dans un entretien avec L’Orient-Le Jour en 1982, Torossian avait cette réflexion qui résume sa philosophie de vie et de mort. « Chacun de nous naît avec sa destinée, il porte son œuvre en lui, dès sa naissance. Oui, on naît marqué. Fataliste ? Peut-être. Je suis réconcilié avec l’idée de la mort. Mais j’avoue avoir mis du temps. Heidegger a été d’une grande aide ainsi que mes contemplations et mes méditations. D’abord il y a eu la résignation, puis la réflexion et l’acceptation. Je ne suis pas morbide, la mort entre dans les normes du feu. »

Il peignait naturellement et disait volontiers que cette manière de s’exprimer ressemble à la spontanéité du chant des oiseaux. Mais cela n’a guère empêché Harout Torossian, décédé à l’age de 89 ans, d’avoir une remarquable formation académique entre Beyrouth et Paris. Il a fréquenté l’Académie libanaise des beaux arts (ALBA) où il sera aussi beaucoup plus tard un...
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