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Culture - Théâtre

Huis clos et panique dans un ascenseur entre ciel et terre...

Entre absurde, angoisse, humour grinçant et combat pour la (sur)vie – avec quand même d’agréables moments de détente

inattendus –, deux femmes aux caractères diamétralement opposés s’affrontent âprement. « Mouallakatan » (Deux femmes suspendues) sur un texte, en langue arabe, signé Hassan Makhzoum et mis en scène par Lena Osseyran se joue au Masrah al-Madina aujourd’hui samedi 18 et demain dimanche 19 décembre.

Huis clos et panique dans un ascenseur entre ciel et terre...

Les actrices Sara Abdo et Yara Zakhem tirent honorablement leur épingle du jeu et Jalal al-Shaar, malgré son peu de visibilité sous les feux de la rampe, détient la palme de la maîtrise Photo DR

La scène, dépouillée à l’extrême, n’est pas complètement vide : au milieu, une structure rectangulaire en fer, en guise de monte-charge arrêté suite à un incendie dans un immeuble. À l’intérieur, deux êtres pris au piège de cette sinistre fatalité. Un ouvrier, gardien des lieux, les rassure de sa voix et de sa torche. Voici les premiers éléments visuels et sonores qui apparaissent d’emblée aux spectateurs du théâtre al-Madina qui présente ce soir samedi 18 et demain dimanche 19 décembre Mouallakatan (Deux femmes suspendues) sur un texte, en langue arabe, de Hassan Makhzoum et une mise en scène de Lena Osseyran.

D’abord, il convient tout de même de saluer le courage et la ténacité des artistes qui présentent cette œuvre scénique alors que les planches du pays englué dans de multiples crises économiques et sanitaires sont quasiment désertées.

Sur scène, donc, deux actrices suspendues entre ciel et terre, la voix du gardien et, quatrième « personnage » néanmoins essentiel de la pièce, le verbe. Le texte foisonnant constitue en effet l’un des piliers du spectacle. Sous la tension de la peur, de l’inquiétude et du danger, les paroles fusent telles des armes automatiques incontrôlables. Et les mots, pour affronter cette extrême situation de nervosité, affleurent comme la pluie torrentielle qui s’abat sur les trottoirs de la ville au-dehors.

Les dialogues empruntent sans discernement, avec une pointe d’excès, à la littérature, la philosophie, la sociologie et la poésie pour meubler le silence et lutter contre cette dérangeante mésaventure. Et les propos de tous crins sont ainsi jetés presque en vrac, en vociférations, miaulements, murmures, onomatopées ou cris de dépit ou de désespoir. Des attitudes qui finalement ne maîtrisent plus le flot d’un verbe certes débridé mais non dénué de malice et aux confins d’un certain amusement névrotique.

Si la terre est un lieu de certitude humaine et le ciel une zone inconnue, la pièce, en se plaçant à mi-chemin entre les deux dans un ascenseur détraqué, offre au spectateur l’occasion d’un moment de réflexion et de méditation. Tout en restant certes dans le chaos, la confusion, la panique, la frayeur et l’affolement, relevés tout de même d’instants de drôlerie, de burlesque, de polissonnerie et de bouffonnerie salutaires.

Les actrices Sara Abdo et Yara Zakhem tirent honorablement leur épingle du jeu et Jalal al-Shaar, malgré son peu de visibilité sous les feux de la rampe, détient la palme de la maîtrise. Photo DR

Les actrices Sara Abdo et Yara Zakhem tirent honorablement leur épingle du jeu et Jalal al-Shaar, malgré son peu de visibilité sous les feux de la rampe, détient la palme de la maîtrise avec ce personnage d’ouvrier anonyme à la voix tonnante et rassurante. Voilà une présence parfaitement et efficacement effacée. Ce qui est fort appréciable et louable pour un acteur doué…

Le texte, riche tout en étant diffus, ne manque ni d’attrait ni de ressources. Et son manque de dramaturgie est sauvé par une mise en scène inventive, dynamique et originale. Surtout les scènes de danse, de chant et de mimiques improvisées pour tester l’écho dans cet espace déserté à cause des flammes qu’on a du mal à éteindre.

Entre les lumières rouges ou bleutées et les faisceaux blafards qui balayent l’aire scénique (design signé Hagop Der-Ghougassian), l’atmosphère reste lugubre et morose. Malgré des allures folichonnes, cocasses ou farfelues, il s’agit d’un théâtre loin de toute notion de divertissement facile ou futile. Revoir sa vie et son environnement, de la naissance à la mort, en une fraction d’heure, relève forcément du défi.

Au final, voilà un théâtre sans doute expérimental qui laisse aux mots, qui tournicotent comme des papillons ivres, leur liberté, leur exaltation. Et aux gestes, prisonniers des corps clownesques, leur légèreté et leur extravagance… À voir, ne serait-ce que pour entretenir la flamme du spectacle vivant.

Théâtre al-Madina, « Mouallakatan » de Hassan Makhzoum, mise en scène par Lena Osseiran, à 20h30, jusqu’au 19 décembre 2021. Tél. : 01/753010

La scène, dépouillée à l’extrême, n’est pas complètement vide : au milieu, une structure rectangulaire en fer, en guise de monte-charge arrêté suite à un incendie dans un immeuble. À l’intérieur, deux êtres pris au piège de cette sinistre fatalité. Un ouvrier, gardien des lieux, les rassure de sa voix et de sa torche. Voici les premiers éléments visuels et sonores qui...

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