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Dernières Infos - Egypte

Après 22 mois de prison, un chercheur libéré mais encore poursuivi


Des détenus dans une prison égyptienne, en novembre 2019. Photo d'illustration AFP / MOHAMED EL-SHAHED

 Le chercheur Patrick Zaki sera libéré mardi après 22 mois en détention mais encourt toujours jusqu'à cinq ans de prison pour "fausses informations" à cause d'un article dénonçant les discriminations contre les chrétiens en Egypte.

"Je saute de joie! Nous sommes en route pour le commissariat de Mansoura", ville à 130 km au nord du Caire où est jugé M. Zaki, s'est réjouie auprès de l'AFP sa mère, Hala Sobhi. Le procès du militant copte des droits humains reprendra le 1er février, a indiqué à l'AFP une source judiciaire. Comme il se tient devant une cour d'exception, le tribunal d'urgence de la Sûreté d'Etat à Mansoura, il n'est pas possible d'interjeter appel.

M. Zaki est poursuivi pour avoir publié en 2019 un article sur un journal en ligne racontant une semaine de violations des droits des coptes, la plus importante minorité chrétienne du Moyen-Orient dont font partie 10 à 15% des 102 millions d'Egyptiens. Mi-septembre, l'Initiative égyptienne pour les droits personnels (EIPR) --la principale ONG de défense des droits humains d'Egypte-- avait accusé Le Caire de porter "atteinte" à travers ce procès à la liberté d'expression "de tous les Egyptiens" et "au droit des chrétiens égyptiens à exiger (...) l'égalité". Spécialiste des questions de genre et membre de l'EIPR, M. Zaki avait été arrêté en février 2020 pour "terrorisme" à son retour d'Italie où il étudiait à l'Université de Bologne.

"Premier objectif atteint" 
Quand il sortira, il aura passé 22 mois en détention préventive --légalement limitée à deux années en Egypte mais dont le délai est régulièrement dépassé. En prison, assurent les défenseurs des droits humains, M. Zaki a été "frappé et torturé à l'électricité". Une pétition a recueilli des milliers de signatures en Italie pour sa libération et en avril le Sénat a voté pour lui accorder la nationalité italienne.

Le ministre italien des Affaires étrangères, Luigi Di Maio, a estimé mardi sur Twitter que le "premier objectif (était) atteint: Patrick Zaki n'est plus en prison". "Maintenant, nous continuons à travailler en silence, avec constance et engagement", a-t-il ajouté.

Le chef du gouvernement italien Mario Draghi a également dit sa "satisfaction à la suite de la libération de Patrick Zaki dont l'affaire a été et sera suivie avec la plus grande attention de la part du gouvernement italien". Plusieurs autres responsables politiques se sont félicités de cette libération, dont le ministre de la Santé, celui des Rapports avec le Parlement, le maire de Rome ainsi que celui de Bologne.

En 2016, l'affaire du jeune chercheur italien Giulio Regeni retrouvé mort au Caire le corps mutilé avait créé le malaise dans le milieu de la recherche en Egypte. Rattaché à l'Université de Cambridge, il travaillait sur les syndicats, sujet très sensible en Egypte. Le 1er décembre, une commission parlementaire italienne a annoncé tenir pour responsable les services de sécurité égyptiens de l'avoir torturé et tué.

60.000 détenus d'opinion 
Pendant les trois décennies de règne de l'autocrate Hosni Moubarak (1981-2011), les libertés étaient restreintes pour les intellectuels, mais elles ont encore diminué depuis l'arrivée au pouvoir du président Abdel Fattah al-Sissi en 2014. L'Egypte occupe les derniers rangs du classement des libertés universitaires dans le monde établi par l'Academic Freedom index, aux côtés de l'Arabie saoudite, de la Turquie ou de la Chine.

Depuis 2014, les autorités mènent une impitoyable répression contre les universitaires, mais aussi les journalistes, artistes, avocats, syndicalistes et autres militants politiques. Des centaines d'étudiants et universitaires ont été arrêtés dès 2013, pour leurs idées islamistes, et une douzaine de chercheurs sont en prison pour leur travail, selon l'Association pour la liberté de pensée et d'expression.

Fin novembre, le directeur de l'EIPR Hossam Bahgat avait été condamné à 560 euros d'amende pour un tweet évoquant d'éventuelles fraudes électorales, une peine bien en deçà des trois années de prison qu'il encourait. Mardi également, cinq ONG des droits humains ont interpelé le président français Emmanuel Macron sur le sort du militant égypto-palestinien Ramy Shaath, détenu en Egypte depuis plus de deux ans.

L'Egypte, qui compte plus de 60.000 détenus d'opinion selon des ONG, viole les droits humains dans tous les domaines pour Washington qui a gelé 10% de son aide en rétorsion. Dans son rapport annuel, le département d'Etat américain cite "exécutions extra-judiciaires", "disparitions forcées", "tortures", "détentions arbitraires", "censure", "droit de rassemblement et d'association" violés, "violence anti-LGBT" et "travail forcé des enfants". Le tout "dans un environnement d'impunité" créé par des autorités qui ne sanctionnent pas ces violations, affirme ce rapport.

 Le chercheur Patrick Zaki sera libéré mardi après 22 mois en détention mais encourt toujours jusqu'à cinq ans de prison pour "fausses informations" à cause d'un article dénonçant les discriminations contre les chrétiens en Egypte.
"Je saute de joie! Nous sommes en route pour le commissariat de Mansoura", ville à 130 km au nord du Caire où est jugé M. Zaki, s'est réjouie...