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Nos Lecteurs ont la Parole

Cette indécence que l’on appelle indépendance

Cette indécence que l’on appelle indépendance

Patrick Baz/AFP

Lors de la Première Guerre mondiale, Mark Sykes et François Georges-Picot se rencontrent en catimini avec pour objectif de départager les provinces arabes de l’Empire ottoman entre la Grande-Bretagne et la France. De ce fait, ils anticipent ainsi l’effondrement imminent de cet empire. Le débarquement de la flotte française à Beyrouth le 7 octobre 1918, suivie par la flotte britannique, entérine l’exécution de l’accord Sykes-Picot. L’Empire ottoman reconnaît sa défaite et signe l’armistice de Moudros le 30 octobre 1918. C’est ainsi qu’il se dissout après plus de 400 ans d’existence.

Dans le cadre du règlement de la guerre, deux traités sont signés : il y a d’abord l’Accord de San Remo du 25 avril 1920 attribuant des mandats à la France et à la Grande-Bretagne sur les provinces arabes de l’Empire ottoman. Il y a ensuite le Traité de Sèvres du 10 août 1920 détachant la province de Syrie de l’Empire ottoman. Le 1er septembre 1920, le général Gouraud proclame solennellement la création du Grand Liban. En 1922, la Société des nations (la précurseure de l’Organisation des Nations unies) confirme le mandat de la France au Liban.

Cependant, la France (le pays mandataire) prend possession d’un Liban idéologiquement et culturellement divisé. D’un côté, il y a les promandataires (ou anti-indépendantistes) qui désirent un Liban à visage occidental sous le giron de la France. De l’autre côté, il y a les antimandataires (ou pro-indépendantistes) qui aspirent à un Liban intimement relié à l’hinterland arabe. Une troisième tendance émerge dans ce débat houleux, en l’occurrence une proposition de neutralité positive prônant la formule non écrite « Ni Occident ni Orient ».

La rivalité légendaire entre Émile Eddé (leader du Bloc national) et Béchara el-Khoury (leader du parti al-Destour) symbolise la division sur la vision du Liban. Selon Émile Eddé, le Liban a besoin de la présence protectrice de la France, sinon, il sera inconsciemment abandonné à son triste sort. C’est tout simplement une question de vie ou de mort. En revanche, Béchara el-Khoury est un avide partisan d’un Liban se coagulant autour d’une coexistence fraternelle entre les pro-Occidentaux et les pro-Orientaux.

Le date du 11 novembre 1943 est fatidique : des législatives donnent raison aux revendications des indépendantistes. Le Parlement libanais abroge unilatéralement les textes constitutionnels faisant référence au mandat français sans en consulter au préalable les dirigeants français. Les autorités françaises emprisonnent dans la citadelle de Rachaya el-Wadi les contestataires du mandat français dont, entre autres, Béchara el-Khoury, Riad el-Solh et Camille Chamoun. Ils seront libérés onze jours plus tard, le 22 novembre, une date qui devient officiellement le jour de l’indépendance du Liban.

Pour le célèbre éditorialiste Georges Naccache, cette formule « Ni Occident ni Orient » est intrinsèquement naïve et éminemment utopiste, car « deux négations ne font pas une nation ». Dans le Courrier des lecteurs de L’Orient-Le Jour du 12 novembre 2013, Abdel Hamid el-Ahdab relate la chose suivante : « À l’issue d’une visite rendue par l’ancien président de la République Alfred Naccache au général de Gaulle à Paris, ce dernier, raccompagnant Naccache à la porte de l’ascenseur, lui a tenu la main en lui disant : “Vous avez commis une grande erreur en mettant fin au mandat français au Liban. L’histoire en sera juge.” »

Force est de constater qu’en recherchant son indépendance, le Liban se base sur un compromis fort similaire à un mariage de connivence : les deux époux (c’est-à-dire les pro-Occidentaux et les pro-Orientaux) s’engagent à faire un vœu de fidélité. En l’occurrence, il s’agit aux pro-Occidentaux de ne pas céder aux charmes de l’Occident et aux pro-Orientaux de ne pas succomber aux revendications de la nation arabe. C’est donc une proposition de mariage quasi impossible, surtout dans un environnement du Moyen-Orient singulièrement bouillant et éminemment malveillant.

Force est de constater que le Liban indépendant est un pays inopérant. En fait, l’horizon ne fait que s’assombrir avec le passage du temps. Le clivage intercommunautaire devient de plus en plus cinglant et le Liban s’enfonce inexorablement vers les bas-fonds des nations. Aujourd’hui, l’heure est grave. La crise est purement existentielle. Dans ce contexte délétère, il est indécent de célébrer l’Indépendance. Tout au plus, cette célébration est une occasion pour les clowns du pouvoir de s’exhiber « bouffonnement » en public en regardant d’un air ébahi des défilés militaires aussi insipides que stupides. Comme l’aurait chanté Yves Montand en ce jour morne de novembre : « Les feuilles mortes se ramassent à la pelle, les souvenirs et les regrets aussi. »

Karim S. REBEIZ

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Lors de la Première Guerre mondiale, Mark Sykes et François Georges-Picot se rencontrent en catimini avec pour objectif de départager les provinces arabes de l’Empire ottoman entre la Grande-Bretagne et la France. De ce fait, ils anticipent ainsi l’effondrement imminent de cet empire. Le débarquement de la flotte française à Beyrouth le 7 octobre 1918, suivie par la flotte britannique,...

commentaires (2)

UNE 4 eme TENDANCE, QUOIQUE PLUS TARDIVE A EMERGE, LA PLUS NOCIVE, LA PLUS MEURTRIERE, LA PLUS DEVASTATRICE ! WALAW VOUS NE POUVEZ PAS NE PAS DEVINER : L'ATTACHEMENT MANU MILITARI AUX KHOMEYNISME, AU WALI AL FAKIH REPRESENTE PAR LES NEO PERSANS ET LEURS SUPPOTS DISSEMINES DANS LEURS 4 NEO PROVINCES CONQUISES RECEMMENT.

Gaby SIOUFI

17 h 07, le 24 novembre 2021

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Commentaires (2)

  • UNE 4 eme TENDANCE, QUOIQUE PLUS TARDIVE A EMERGE, LA PLUS NOCIVE, LA PLUS MEURTRIERE, LA PLUS DEVASTATRICE ! WALAW VOUS NE POUVEZ PAS NE PAS DEVINER : L'ATTACHEMENT MANU MILITARI AUX KHOMEYNISME, AU WALI AL FAKIH REPRESENTE PAR LES NEO PERSANS ET LEURS SUPPOTS DISSEMINES DANS LEURS 4 NEO PROVINCES CONQUISES RECEMMENT.

    Gaby SIOUFI

    17 h 07, le 24 novembre 2021

  • Oui à tout à part que même l'indépendance c'était un foutage de gueule monté de toutes pièces par les Britanniques et même fomenté par Spears pour chasser les Français du Liban, avec la France Libre et de Gaulle à cette époque totalement dépendante de Churchill.

    M.E

    08 h 32, le 23 novembre 2021

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