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« Fragile », le tube de Mandopop qui moque et irrite la Chine sur YouTube

Le rappeur malaisien Namewee défend sa satire de la Chine, devenue virale.

« Fragile », le tube de Mandopop qui moque et irrite la Chine sur YouTube

Le rappeur malaisien Namewee – Wee Meng Chee de son vrai nom – et la chanteuse sino-australienne Kimberley Chen. Sam Yeh/AFP

Vue plus de 30 millions de fois sur YouTube, la chanson Fragile a réussi un exploit : devenir un succès commercial tout en dénonçant les dirigeants autoritaires chinois.

Dans le secteur de la Mandopop, la pop chantée en mandarin, se moquer de Pékin peut briser une carrière. Le rappeur malaisien Namewee et la chanteuse sino-australienne Kimberley Chen, qui vivent tous deux à Taïwan, en ont fait leur argument de vente. Quelques jours après la sortie de cette chanson aux allures de pop sirupeuse, le mois dernier, les censeurs de Pékin les ont chassés de l’internet chinois, les mettant à l’index sur le principal marché mondial en mandarin. Mais le titre est devenu un tube ailleurs en Asie et dans la diaspora chinoise sur la planète.

Petit rose

Fragile sonne comme une ballade à l’eau de rose, mais les auteurs l’accompagnent d’un avertissement clairement politique : « Fais attention si tu es un rose fragile. » Une référence à l’expression « petits roses » désignant en Chine l’armée de commentateurs nationalistes sur internet qui font la guerre à tout ce qu’ils perçoivent comme un affront. Le rose domine dans le clip, y compris pour les habits de Namewee et Chen. Un panda géant, référence explicite à la Chine, danse en salopette en imprimé treillis rose. Le refrain entêtant demande pardon à une personne qui est fragile et n’accepte aucune critique.

NMSL

Dans une piscine vide rose, on voit Namewee se battre avec le panda géant et chanter « tu me dis NMSL quand tu te mets en colère ». L’acronyme, omniprésent dans les querelles en ligne entre nationalistes chinois et leurs cibles, vient de « ni ma si le » (« ta mère est morte » en chinois). L’an dernier, il avait été détourné lors d’une bataille rangée sur le net entre Thaïlandais et Chinois après des propos d’une célébrité thaïlandaise sur le coronavirus. Des internautes thaïlandais avaient créé une série de memes viraux caricaturant les nationalistes chinois en automates tapant instantanément NMSL dès qu’ils repèrent un sujet de désaccord en ligne.

Pommes et ananas

Namewee explique que le personnage de sa chanson « avale la pomme et coupe l’ananas ». Le premier fruit se réfère au journal hong-kongais prodémocratie Apple Daily, fermé après le gel de ses actifs et l’arrestation de ses dirigeants au nom d’une loi sur la sécurité nationale. Le second fait allusion à la récente décision de Pékin d’interdire, à l’approche de la récolte, les importations d’ananas depuis Taïwan, île dotée de son gouvernement, mais revendiquée par la Chine. Les consommateurs taïwanais et japonais ont pallié l’interdiction en achetant les surplus.

Soupe de chauve-souris

La chanson évoque les Chinois et leur « désir pour les chiens, les chats, les chauves-souris et les civettes ». Le panda géant du clip offre à Namewee une marmite de soupe où flotte une chauve-souris en peluche, allusion transparente à l’idée, largement démentie, que la consommation de chauve-souris est à l’origine du coronavirus. L’origine de la pandémie reste inconnue et a été plus difficile à cerner, selon l’Organisation mondiale de la santé, en raison de l’opacité officielle de la Chine. Mais le cliché de la « soupe de chauve-souris » a souvent été utilisé contre les Chinois et les communautés asiatiques dans le monde pendant la pandémie, dans le cadre d’attaques et d’insultes racistes. C’était l’un des éléments relevés par les médias d’État chinois quand cette chanson, jugée « malveillante » par le quotidien étatique Global Times, a été inscrite sur la liste noire.

Aucune autocensure

Hier, Namewee – Wee Meng Chee de son vrai nom – a assuré n’avoir aucun regret après avoir été mis à l’index par Pékin. « Je ne me pose jamais de limite et ne m’impose aucune autocensure », a déclaré Namewee, âgé de 38 ans, aux journalistes à Taipei, alors qu’il célébrait au champagne avec Kimberley Chen le franchissement de la barre des 30 millions de vues pour le clip acidulé sur YouTube. « Pour moi, les bonnes créations doivent venir du cœur, elles doivent être sincères », a-t-il ajouté. « Je pense que (les musiciens) devraient être libres de créer et c’est ce que tout créateur souhaite, a expliqué Namewee. Je suis malaisien et il y a beaucoup d’obstacles là-bas pour les films, la musique et d’autres œuvres, dont mes albums. »

Namewee a été au cœur de plusieurs polémiques en Malaisie, pays à majorité musulmane. En 2016, il a été arrêté, car on lui reprochait d’avoir insulté l’islam dans une vidéo en partie tournée dans une mosquée. Deux ans plus tard, il a été de nouveau interpellé pour insulte à l’islam, pour une vidéo de Nouvel An chinois mettant en scène des danseurs portant des masques de chien et réalisant des gestes suggestifs.

À 27 ans, Kimberley Chen a grandi en Australie, mais a déménagé à Taïwan en 2009 pour se lancer dans la pop. Elle a répondu à la fermeture de ses comptes sur les réseaux sociaux chinois en chantant des paroles modifiées du refrain de Fragile, célébrant le fait qu’elle avait toujours accès à Facebook et Instagram qui, comme YouTube, sont interdits en Chine.

Vue plus de 30 millions de fois sur YouTube, la chanson Fragile a réussi un exploit : devenir un succès commercial tout en dénonçant les dirigeants autoritaires chinois.Dans le secteur de la Mandopop, la pop chantée en mandarin, se moquer de Pékin peut briser une carrière. Le rappeur malaisien Namewee et la chanteuse sino-australienne Kimberley Chen, qui vivent tous deux à Taïwan,...

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