Signature ou hégémonie ?

Sous couvert de participation et de légalité dans la gestion de la chose publique, le contreseing et la signature du chef hiérarchique deviennent le moyen pour exercer l’hégémonie, le pouvoir absolu, et couvrir les plus graves violations.

Tant que c’est moi, chef hiérarchique, qui signe, je n’accorde ma signature que si je consens à toute l’affaire et ses moindres détails. Tous les autres agents publics ne sont que des subalternes.

Il faut que je sois consentant à tous les détails de la formation d’un gouvernement, sinon je bloque. Il faut, en tant que ministre, que je sois parfaitement consentant à tous les détails d’une formalité. Il faut, en tant que directeur général, que la formalité qui m’est soumise soit conforme à ma volonté. Tous les fonctionnaires qui ont étudié le dossier sont des subalternes qui piochent laborieusement, mais toute l’administration, c’est moi, du fait que je signe !

Des légalistes – et je ne dis pas juristes – viennent couvrir de leur bénédiction l’hégémonie du pouvoir absolu du chef !

Que signifie donc, en droit, signer ? Il y a différentes sortes de signatures : signature-engagement, signature d’authentification d’un document et d’une procédure, signature-paraphe, signature d’information… Quand un président d’université signe le diplôme final d’un diplômé, il authentifie l’origine et la procédure d’acquisition du diplôme, mais est-il lui-même intervenu auprès de tous les enseignants et de tous les membres des jurys d’examen, des questions posées et des réponses du diplômé ? À un autre niveau, les permutations judiciaires bloquées sont un exemple de violation des principes élémentaires qui régissent la signature et le contreseing.

Le chef hiérarchique qui intervient partout, contrôle tout et refuse de signer tant que cela ne correspond pas, dans tous les détails sans exception, à sa propre volonté est tyrannique.

Dans une assemblée, aucune décision ne peut être prise à l’unanimité ou à la majorité requise si l’un des membres, pour bloquer ou pour imposer sa volonté suprême, exige de changer tel mot sans grande importance, tel retour à un nouveau paragraphe, telle virgule dans une ponctuation ! Quand je souscris à une décision à l’unanimité ou à la majorité requise, je souscris aux fondements de la décision et ses justificatifs, mais pas nécessairement à la globalité de tous les détails et de toutes les expressions sans importance particulière. Sinon c’est l’hégémonie et le blocage. C’est-à-dire le Liban actuel : l’hégémonie, le non-droit, l’imposture, l’escroquerie juridique !

Le chef hiérarchique, quand il est vraiment chef, est régulateur des normes suprêmes et des objectifs suprêmes de l’institution. Quand il intervient partout, à chaque rouage, à chaque détail exécutoire, tout se bloque et ne marche plus en faveur de son pouvoir personnel hégémonique.

Tout ce problème est lié à la notion de responsabilité, complètement diluée au Liban quand la différenciation des tâches est violée.

Toute démocratie est par essence délibérative et implique partage des fonctions et des procédures de recours pour trancher les conflits, lesquels ne sont pas nécessairement conflictuels. Quand tout est subordonné à la signature hiérarchique du chef suprême, ce n’est plus de la démocratie, ni de la gestion. Il en découle l’obligation de repenser la signature dans un droit normatif, et non instrumental et légaliste.

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