Une délégation des familles des victimes des explosions meurtrières au port de Beyrouth, présidée par Ibrahim Hoteit, qui avait dernièrement appelé le juge Tarek Bitar, en charge de l'instruction, à se récuser, a remis mercredi une lettre au ministre de la Justice, Henri Khoury.
L'Agence nationale d'information (Ani, officielle) a confirmé la réception de la lettre par M. Khoury et son transfert, suivant la demande de la délégation, au Conseil supérieur de la Magistrature (CSM). L'Ani ne précise toutefois pas le contenu du document.
Dans un bref communiqué publié peu après l'annonce de l'envoi de cette lettre au ministère de la Justice, des familles de victimes, blessés et sinistrés du drame du 4 août ont rappelé qu'"Ibrahim Hoteit ne représente que lui-même et deux autres familles". "Il n'a aucun droit de parler en notre nom", ont-elles ajouté, réitérant leur soutien au juge Tarek Bitar.
Vendredi dernier, M. Hoteit, qui était considéré comme la voix des familles des victimes de l'explosion, avait publié des vidéos, vraisemblablement filmées sous la menace, dans lesquels il reprenait la thèse du Hezbollah et accusait le juge Bitar de politiser l'enquête avant de réclamer son départ, alors qu'il avait auparavant toujours affirmé soutenir le magistrat. M. Hoteit avait ensuite, dans d'autres enregistrements, démenti avoir agi sous la contrainte. Ces vidéos sont intervenues au lendemain d'une manifestation du parti chiite réclamant le dessaisissement du juge sous prétexte d'une politisation de l'enquête. La mobilisation avait dégénéré en combats meurtriers dans le sud de Beyrouth et fait sept morts et 32 blessés.
Plus d'un an après la double explosion au port de Beyrouth survenue le 4 août 2020, la classe politique libanaise continue d'entraver l'enquête judiciaire, dont les conclusions pourraient menacer nombre de responsables qui avaient reconnu que les énormes quantités de nitrate d'ammonium qui ont explosé avaient été stockées pendant des années sans précaution. Dans ce contexte, le CSM a tenu mardi une réunion consacrée au bras de fer entre le juge Bitar et la majorité des responsables. Aucune information n'a filtré sur la teneur des discussions. De son côté, le ministre de la Justice, Henri Khoury, avait proposé la création d’une chambre d’accusation qui statuerait sur les plaintes contre les décisions de M. Bitar, non susceptibles de recours selon la loi actuelle. Aucune suite n'a encore été donnée à cette proposition.
Après avoir été deux fois temporairement dessaisi de l'enquête à la suite de recours déposés à son encontre, le juge Bitar a fixé au 29 octobre la date des nouveaux interrogatoires des députés Nohad Machnouk (sunnite, ancien ministre de l'Intérieur) et Ghazi Zeaïter (chiite, ancien ministre des Travaux publics), poursuivis dans l'affaire pour "intention présumée d'homicide, négligence et manquements". Il avait, avant la dernière suspension temporaire de l'enquête, lancé des mandats d'arrêt à l'encontre du député et ancien ministre Ali Hassan Khalil (du mouvement Amal), et de l'ancien ministre Youssef Fenianos (des Marada). L'ex-Premier ministre Hassane Diab et des responsables sécuritaires et judiciaires sont également poursuivis dans le cadre de l'instruction menée par le magistrat.
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