En ouverture, le 27 septembre, on aura accueilli comme de tradition un nouveau venu, filleul artistique de la mannequin star Naomi Campbell. Il s’appelle Kenneth Ize, il est nigérian, il a grandi à Vienne où il fait ses études à l’Université des arts appliqués. Sur un air de saxophone simple et nu, il a en revanche fait retentir une symphonie de couleurs fraîches déclinées dans le textile traditionnel des Yorubas, l’aso oke.
Éternelle étudiante, la créatrice conceptuelle Marine Serre, fer de lance de la mode éthique, a clôturé cette première journée apéritive, c’est le cas de le dire, avec une collection à base de torchons de cuisine et des accessoires à base de fourchettes. La couturière au célèbre imprimé en croissants de lune, prix LVMH 2017, a annoncé que sa collection était à 90 % réalisée avec des matériaux recyclés et des tissus de stock achetés au kilo.
Un jeu de l’absurde
Le lendemain, 28 septembre, c’était au tour, notamment, de Christian Dior et Saint Laurent de présenter leurs défilés printemps-été 2022. Chez Christian Dior, la directrice artistique Maria Grazzia Chiuri a fait le pari de la modernité avec une collection hommage à Marc Bohan, le plus discret de la dynastie de créateurs de la maison. Installé au jardin des Tuileries, un podium géant de plusieurs niveaux et couleurs, pareil à un plateau de jeu de société, a été conçu par la décoratrice italienne, adepte des philosophies orientales et figure de la scène artistique romaine des années 60, que Maria Grazzia a ramenée sous les projecteurs le temps de ce défilé. Paparatti a placé cette scénographie sous le vocable de l’absurde et s’est inspirée, pour l’ambiance, du célèbre Piper Club romain, l’équivalent du Studio 54 de Warhol. La mode est un jeu, une représentation qui n’a pas d’autre sens que pimenter la vie.
La collection est nettement structurée, très colorée malgré une place de choix laissée au noir et blanc. Avec des imprimés animaliers stylisés, des robes trapèze, la maison Christian Dior laisse un peu de côté, cette saison, la fameuse coupe bar pour mettre en lumière la ligne boxy ou carrée de la coupe Bohan qui lui avait succédé. Très sportif aussi, le printemps été 22 de Christian Dior déploie un vocabulaire soutenu par un usage heureux du néoprène, où se déclinent les codes du judo, du scuba, de la boxe ou du bowling.
La fine fleur de Saint Laurent
Saint Laurent, sous la direction artistique d’Anthony Vaccarello, est revenu ce soir-là au Trocadéro après avoir, l’an dernier, boudé les fashion weeks en raison de la pandémie. Ce retrait provisoire lui a clairement été salutaire et son défilé, dans une obscurité subtile, sous les scintillements de la tour Eiffel, a suscité beaucoup d’admiration, voire d’émotion. Les archives, la pensée, la vision d’Yves Saint Laurent semblent avoir subi, ici, un passage par une centrifugeuse intelligente qui en aurait porté l’écume à la surface, ne gardant que l’essence du brillant ADN de la maison. Tailleurs pantalons, coupes affutées, blazers et robes longues aux épaules solides, talons vertigineux, lumineux usage du noir, grands bijoux dorés et gants de couleurs, ramenaient l’énergie des années 70 et 80, grands crus de Saint Laurent.
Esprit punk et genres indistincts
De la troisième journée, le 29 septembre, on retiendra la présentation de Raf Simons au palais Brongniart (l’ancienne Bourse de Paris). Le créateur belge, qui est par ailleurs directeur artistique de Miuccia Prada, semble engagé dans la tendance non genrée et minimaliste dans laquelle se retrouve une grande partie de la génération montante. Une touche punk suggérait un retour aux sources, ce mouvement ayant été à sa naissance le premier à se soucier de recyclage, d’égalité des genres et de préservation des ressources. En soirée, Olivier Rousteing pour sa dixième année à la tête de Balmain prolongeait cet esprit avec une collection mixte qui féminisait nettement le vestiaire masculin.
Les Simpson au Châtelet
La journée du 2 octobre a notamment été marquée par le défilé Balenciaga sous la direction artistique de Demna Gvasalia. Le spectacle se déroulait entre l’entrée du théâtre du Chatelet tapissée de rouge, sol et murs, et la salle. Tout le monde était filmé en direct et montré à l’écran à l’intérieur. Les mannequins sont installées parmi les invités (leur passage a déjà eu lieu devant la porte !) et la surprise, c’est Marge, du dessin animé Les Simpson, un épisode exclusif des Simpson à Paris, qui clôture ce défilé particulier où le créateur géorgien a mis l’accent sur la démesure, le noir, l’argent façon couverture thermique et les volumes extravagants.
Du soleil sous la pluie
Rien à voir avec la sobriété raffinée d’Hermès qui défilait le matin même à l’aéroport du Bourget. Jusqu’au carton d’invitation, jusqu’aux murs et cloisons de la salle, le jaune était la couleur dominante de cette ligne solaire dont Nadège Vanhée-Cybulski, la créatrice des collections femme disait : « C’est une couleur du soleil, du blé, couleur de la femme. C’était important d’amener cette force. » Cette lumière faite vêtements est surtout, après des mois de confinement, une invitation à sortir au grand jour, à l’air libre, et profiter de la vie. La pluie qui s’abattait au moment même sur Paris accentuait la pertinence de ce défilé qui rayonnait aussi de jeunesse à travers des pièces presque adolescentes (crop tops et pantalons baggy, blousons cloutés et minijupes, salopettes et robes à profonds décolletés sanglés de cordons), qui y trouvaient une maturité nouvelle, sublimée, gentrifiée. Omniprésent, bien sûr, pour une maison qui prend source dans l’univers équestre, le cuir traité avec respect joue la note de la durabilité et de la transmission. On est ici en présence de grands classiques prêts à intégrer une forme d’héritage.
Nous reviendrons plus longuement sur ce défilé, ainsi que sur celui de Rabih Kayrouz qui s’était déroulé le même matin, tout en volumes aériens et textures légères et mouvantes. Élie Saab pour sa part donnait sa présentation dans l’après-midi.
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