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Nos Lecteurs ont la Parole

Une société libanaise démunie de ses jeunes

Une économie défaillante à l’origine d’un essoufflement

Des chiffres pas très concluants ; essayons d’en chercher l’origine. C’est une dévaluation de la livre libanaise de plus de 90 % sur le marché parallèle qui est à l’origine de la récession de l’économie libanaise, une récession atteignant les -10 % en 2021. Le taux de chômage atteignait, lui, 40 % en décembre 2020 et l’inflation annuelle a culminé à 145,8 %. Quelle en serait la cause ? La raréfaction des devises étrangères participe largement à l’inflation record que connaît le Liban. En effet, l’économie est majoritairement fondée sur l’importation, 90 % des biens de consommation étant importés. Par ailleurs, les réserves en devises étrangères de la banque centrale financent depuis le début de la crise les importations de produits essentiels ; leur inexorable épuisement ne peut laisser qu’entrevoir une inflation encore plus importante et de nouvelles pénuries à grande échelle.

Alex Issa, docteur associé au Centre de recherches internationales (CERI) de Science Po et spécialiste du Liban, explique, dans un entretien avec le journal TV5 monde, que « le Liban était un pays dont l’économie reposait essentiellement sur le tourisme et le secteur bancaire, or ces deux secteurs se sont aujourd’hui effondrés ». Sur le second point, le système bancaire demeure effectivement paralysé en ce que les opérations de retrait de liquidités en devises étrangères ainsi que les transferts à l’étranger demeurent impossibles. Par ailleurs, une certaine perte de confiance de la part du peuple libanais se fait largement ressentir.

Et les étudiants dans tout ça ? La fuite des cerveaux comme ultime conséquence

D’après des chiffres publiés par le quotidien al-Asharq al-Awsat, le Liban connaît la troisième grande vague d’émigration de son histoire moderne : 260 000 passeports délivrés depuis le début de l’année 2021, contre 142 000 l’année dernière.

C’est dans ce contexte qu’une étudiante anonyme, nous livre son ressenti : « Ce qui est véritablement frustrant est le fait que le Liban peut véritablement offrir un niveau d’enseignement très élevé. Toutefois, cela ne se résume pas à cela. C’est notre vie étudiante qui nous a été volée avec cette crise puisque sans parler de s’amuser, même en tant qu’étudiants, nous devons nous préoccuper de besoins primaires. En effet, c’est un combat de tous les jours de trouver de l’électricité afin de suivre nos cours donnés en ligne – plus la question de la recharge de batterie ! Le distanciel est une modalité mise en place pour non seulement faire face à la crise du Covid, mais qui se présente aussi comme une alternative face aux difficultés de transport que provoque la crise de carburants. Ainsi, si l’université nous offre un accès gratuit au wi-fi, faut-il encore pouvoir s’y rendre. Je ne trouve pas cela normal que certaines de mes amies doivent payer une résidence étudiante pour éviter de devoir parcourir trop de kilomètres et avoir de l’électricité en permanence ».

L’étudiante a également tenu à souligner que la crise de l’essence a davantage révélé l’absence de politique en matière de transports publics : « Nous manquons terriblement d’indépendance, d’autonomie dans ce domaine où l’insécurité est permanente. À notre âge on a envie de circuler ! »

Dans un même temps, « l’ampleur psychologique ne doit pas être mise de côté dans le sens où cette crise est omniprésente dans les discussions et, in fine, dans les esprits ». Elle évoque même une certaine emprise psychologique : « Dans ce contexte il est difficile de pouvoir être content, de se concentrer sur ses cours mais aussi sur soi, de pouvoir évoluer et s’épanouir. »

Toutefois, c’est dans un autre esprit qu’une autre étudiante nous révèle que « si elle part, c’est pour revenir et utiliser son savoir pour son peuple, un peuple qui ne l’a jamais abandonnée ». Elle réaffirme que ce n’est pas pour « son pays » qu’elle reviendrait mais bien pour son « peuple » car pour elle son « pays » comprend la classe politique, une classe qui l’a déçue en abandonnant, selon elle, le peuple.

Comment faire face à ce phénomène d’abandon ? Réflexion d’étudiants

C’est en créant une sorte d’atmosphère de menace et en jouant sur la haine de l’autre pour s’assurer l’allégeance des communautés que certains hommes politiques entendent garder la mainmise sur leur minorité. Ce faisant, les partis politiques qui correspondent à des groupes religieux ont désormais leurs propres « institutions » en possédant leurs propres milices armées, leurs hôpitaux, etc. Or nous pouvons suggérer que pour qu’un pays fonctionne, il faudrait avoir des institutions étatiques et centralisées afin qu’elles soient les mêmes pour tous. Nous, étudiants, pensons que l’État doit rester l’acteur principal de l’organisation de la société. Cela nous amène à nous poser la question suivante : en l’absence d’une telle organisation politique, peut-on affirmer qu’il n’y aurait pas d’État au Liban ?…

Dans un même temps, se pose la question de la neutralité religieuse au niveau de l’organisation politique. La jeunesse peut en effet s’interroger sur l’efficacité du confessionnalisme mis en place par le Liban, celui-ci n’aurait-il pas montré ses limites ? Ne peut-on pas penser à un système politique laïque avec en parallèle le maintien d’une liberté de religion pour chaque individu ? Notre opinion est la suivante : la politique sert les intérêts communs d’une nation là où la religion sert une minorité politique en particulier. Aussi, pourquoi ne pas penser que la laïcisation de la vie politique permettrait de concevoir de manière générale l’organisation de la société et que la religion devrait relever de l’ordre du domaine privé.

Étudiants en sciences politiques à l’Université Saint-Joseph

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

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