La campagne du patriarche maronite Béchara Raï contre le Hezbollah a repris de plus belle hier, à quelques jours de la visite à Beyrouth du ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir Abdollahian, prévue mercredi. Un déplacement qui intervient dans un contexte politique tendu marqué les atteintes à la souveraineté libanaise, notamment à travers l’importation de carburant iranien à l’initiative unilatérale du parti chiite.
Dans son homélie dominicale, le chef de l’Église maronite a déclaré sans ambages : « Le Liban ne peut plus supporter qu’on continue d’arrondir les angles et de concilier le droit et le non-droit, la souveraineté et la subordination, l’assassin et la victime. » « Les amis arabes et internationaux du pays attendent une politique claire, loin de la détestable duplicité, pour soutenir le redressement économique et financier du pays. On ne peut pas prétendre préserver la souveraineté libanaise et laisser les voies de passage illégales ouvertes, ou laisser sans réponse ou réaction les prises de position étranges, préjudiciables à cette même souveraineté. On ne peut pas soutenir la légalité et tolérer la présence d’armes (illégales) et le mépris des institutions à travers la constitution d’une armée dépendant d’un État étranger, de l’aveu même d’un haut responsable de cet État », a martelé Mgr Raï. Il faisait allusion aux propos tenus il y a quelques jours par Gholam Ali Rachid, un haut responsable des pasdaran, qui avait déclaré que Téhéran avait mis en place six armées (en dehors de son territoire) pour défendre ses intérêts. Il s’agit du Hezbollah (au Liban), d’al-Hachd ach-chaabi (en Irak), des houthis (au Yémen), des forces du régime de Bachar el-Assad (en Syrie), et du Hamas et du Jihad islamique en Palestine.
Les propos du patriarche Raï interviennent à trois jours de l’arrivée à Beyrouth du chef de la diplomatie iranienne. Cette visite coïncide avec le renouvellement du désengagement saoudien au Liban, lequel est appelé à durer, comme l’a montré la teneur de la conversation téléphonique jeudi dernier entre le président français Emmanuel Macron et le prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane. L’homme fort du royaume aurait fait savoir à son interlocuteur que la position de Riyad à l’égard du Liban restera la même tant que le pays sera sous la coupe du Hezbollah.
On sait que la formation du gouvernement Mikati, après treize mois de blocage, avait été facilitée par un rapprochement franco-iranien, illustré notamment par l’entretien téléphonique le 5 septembre dernier entre Emmanuel Macron et son homologue iranien Ebrahim Raïssi.
Dans un tel contexte, la visite du chef de la diplomatie iranienne à Beyrouth suscite plusieurs interrogations autour des positions que les responsables libanais entendraient exprimer devant leur hôte, notamment en matière de politique étrangère, mais aussi pour ce qui a trait à l’importation du fuel iranien au Liban. Une affaire qui avait rapidement jeté le discrédit sur le cabinet Mikati et qui n’a suscité aucune réaction officielle, ne serait-ce que de pure forme, chez le pouvoir en place, à l’exception de quelques lamentations exprimées par le Premier ministre sur CNN.
Pour le moment, plusieurs instances officielles concernées par la visite du ministre iranien évitent de fournir des éléments de réponse. Aussi bien Baabda que la présidence du Conseil et le ministère des Affaires étrangères préfèrent temporiser en attendant de voir ce qu’apportera M. Abdollahian à ses hôtes. Surtout que, pour le moment, si le principe de la visite est acquis, aucun rendez-vous n’a encore été officiellement fixé, apprend-on de sources concordantes.
Défilé diplomatique
Les propos du patriarche maronite portent entre leurs lignes des messages forts au pouvoir en place, notamment au chef de l’État qui continue d’assurer une couverture au statut et aux activités du Hezbollah. Mais pour un proche de la présidence contacté par L’Orient-Le Jour, le chef de l’Église maronite n’a fait que réitérer hier des positions qu’il exprime depuis un moment. Selon ce proche, « le chef de l’État continuera lui aussi d’exprimer ses propres positions et ne les changera pas si peu de temps avant la fin de son mandat ».
Béchara Raï a, par ailleurs, implicitement critiqué le chef du gouvernement pour ses réactions timides face aux atteintes à la souveraineté. Dans son interview à CNN, Nagib Mikati s’était contenté de se dire « attristé » par les violations de la souveraineté au Liban et par l’importation de carburants en provenance de Téhéran. « Le Premier ministre transmettra-t-il les plaintes de Mgr Raï au ministre iranien ? » « Le patriarche exprime des positions de principe », commente un proche du chef du gouvernement, rappelant que dans sa déclaration ministérielle, le cabinet avait évoqué le respect des résolutions internationales sur le Liban. Ce texte, sur la base duquel l’équipe Mikati avait obtenu la confiance de la Chambre le 20 septembre dernier, stipule que le gouvernement veillera au respect des résolutions du Conseil de sécurité, notamment la 1701 (en 2006).
Ce proche de M. Mikati confie enfin que le Premier ministre devrait s’entretenir en cours de semaine avec les ambassadeurs des pays membres de l’Union européenne à Beyrouth. Tout comme le chef de l’État, il devrait rencontrer aussi le chef de la diplomatie chypriote, Nikos Christodoulidès, ainsi qu’avec Niels Annen, ministre adjoint des Affaires étrangères allemand, tous deux attendus mardi à Beyrouth.
« On ne peut pas soutenir la légalité et tolérer la présence d’armes illégales »
Le patriarche maronite appelle le gouvernement à intervenir pour que cessent les ingérences politiques dans l’enquête sur la double explosion au port de Beyrouth.
Le patriarche maronite Béchara Raï est revenu à la charge hier au sujet du Hezbollah en dénonçant une dualité officielle qui s’exprime par le fait que les responsables n’appliquent pas ce qu’ils affirment. Il s’est arrêté en particulier sur la contradiction entre la notion de souveraineté, défendue par tous les dirigeants, et le fait accompli imposé par la formation chiite au Liban.
« Le Liban a besoin de se libérer des fourbes et des menteurs qui exploitent la bonté de la population à travers leurs discours mielleux, alors qu’ils s’adonnent à la corruption et détournent les fonds publics pendant que l’État s’effondre », a lancé le patriarche durant son homélie dominicale hier en soulignant que le gouvernement se doit actuellement de « montrer à travers son action et le rendement de ses ministres qu’il est conséquent avec lui-même ».
« Le Liban, a poursuivi le chef de l’Église maronite, ne peut plus supporter qu’on continue d’arrondir les angles et de concilier le droit et le non-droit, la souveraineté et la subordination, l’assassin et la victime ». « Les amis arabes et internationaux du pays attendent une politique claire, loin de la duplicité détestable, pour soutenir le redressement économique et financier du pays. On ne peut pas prétendre préserver la souveraineté libanaise et laisser les voies de passage illégales ouvertes, ou laisser sans réponse ou réaction les étranges positions préjudiciables à cette même souveraineté. On ne peut pas soutenir la légalité et tolérer la présence d’armes (illégales) et le mépris des institutions qui s’exprime par la mise en place d’une armée dépendant d’un État étranger, de l’aveu même d’un haut responsable de cet État. On ne peut pas non plus brandir le slogan de la distanciation et prendre le parti d’axes régionaux qui ne sont pas dans l’intérêt du Liban », a martelé Mgr Raï en allusion à l’Iran.
Des conséquences directes
Poursuivant sur sa lancée, le prélat a relevé qu’il n’est pas possible d’annoncer l’ouverture de l’année scolaire « sans assurer aux écoles et aux universités les aides et les conditions nécessaires pour une ouverture normale ». « Il n’est pas non plus possible d’insister sur l’enquête dans l’affaire de la double explosion au port de Beyrouth et de s’abstenir parallèlement de défendre le juge d’instruction », Tarek Bitar, face à la levée de boucliers politique et communautaire contre lui depuis qu’il a engagé des poursuites contre d’anciens ministres et des chefs de sécurité. « Il est vrai que le gouvernement ne doit pas se mêler des affaires de la justice, mais il est de son devoir d’intervenir pour mettre un terme aux immixtions dans la procédure judiciaire. Les ingérences dans le travail de la justice ont des conséquences directes sur les positions des pays amis à l’égard du Liban et minent le prestige de notre justice », a averti Mgr Raï.
Le juge Tarek Bitar, en charge de l’enquête qui piétine depuis un an, a été provisoirement dessaisi de l’affaire en raison d’un recours présenté contre lui par le député Nouhad Machnouk, poursuivi dans le cadre de l’enquête. C’est la seconde fois que celle-ci est suspendue, après que le premier juge d’instruction Fadi Sawan a été écarté de l’affaire.
Le patriarche a ensuite conjuré « les autorités judiciaires de se mobiliser pour se défendre, défendre les magistrats, mettre fin aux différends entre ces derniers et renforcer le corps judiciaire contre toute ingérence politique, partisane ou même financière ».
Dans ce même ordre d’idées, il a appelé le gouvernement de Nagib Mikati à « faire face aux forces politiques qui tentent de le contrôler ». « Le gouvernement doit pouvoir dépasser les affiliations partisanes et communautaires de ses membres et faire face aux forces qui cherchent à le contrôler, et ce afin de pouvoir plaider la cause libanaise auprès des instances arabes et internationales », a enfin affirmé le prélat.
« L’étape actuelle nécessite une sincérité de la part du gouvernement dans tous les dossiers qui concernent les affaires de la population, et du courage face à tous ceux dont celle-ci se plaint », a-t-il encore dit.
commentaires (8)
Cet iranien n’est pas le bienvenu au Liban ! Ni aucun autre d’ailleurs,,,,
Wow
15 h 53, le 04 octobre 2021