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Monde - Droits humains

"Mourir de tristesse ou être tué" : en Afghanistan, la communauté LGBTQ replonge en clandestinité

Un homme turc exprimant son soutien à la communauté LGBTQ en Afghanistan, lors d'une manifestation à Ankara, le 25 août 2021. Photo ADEM ALTAN/AFP via Getty Images

Marwa s'est mariée deux jours après la chute de Kaboul avec l'un de ses amis gay. "Terrorisée", la jeune lesbienne de 24 ans n'a alors qu'une idée en tête: passer sous les radars du nouveau régime fondamentaliste taliban.

"Quand les talibans ont pris le pouvoir à Kaboul, c'était un cauchemar, je pleurais, je restais terrée chez moi", se souvient la jeune Afghane dans une note vocale envoyée à l'AFP via WhatsApp. "Je me disais: +Les talibans vont venir me tuer+", poursuit d'une petite voix Marwa, dont le prénom a été modifié pour des raisons de sécurité. "J'ai fini par demander à un ami de préparer les documents de mariage" afin de "pouvoir de nouveau sortir dehors" sans crainte et, à terme, "quitter le pays".

Plus de 20 ans après le premier passage au pouvoir des talibans, le souvenir de leur application stricte de la loi islamique et de leur brutalité à l'encontre des homosexuels continue de glacer le sang de la communauté LGBTQ (lesbienne, gay, bi, trans et queer) afghane. A l'époque, l'homosexualité, sujet qui reste très largement tabou dans le pays, est perçue comme une déviance et est passible de la peine de mort.

Après 2001, l'arrivée au pouvoir de gouvernements pro-occidentaux s'accompagne d'un très léger infléchissement. L'homosexualité reste considérée comme une infraction pénale, mais la peine de mort est informellement commuée en peine de prison. Les personnes LGBTQ continuent toutefois d'être arrêtées par la police et de faire l'objet de "discrimination, d'agression et de viol", selon un rapport de l'administration américaine publié en 2020.

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De 2001 à 2021, "la communauté LGBT avait beaucoup de problèmes à cause de la police et de la société, mais elle avait acquis un peu de liberté", relève Artemis Akbary, co-fondateur de l'association Afghan LGBT, réfugié en Turquie. "Il y avait des endroits sûrs où ses membres pouvaient se voir, il y avait notamment un café à Kaboul où tous les vendredis ils se rencontraient et dansaient" dans cet endroit tenu secret, raconte-t-il à l'AFP. Avec l'arrivée des talibans le 15 août, "la plupart de mes amis disent qu'ils ne peuvent pas prendre le risque d'y retourner".

Lapidés ou écrasés 
Depuis leur retour au pouvoir, les fondamentalistes n'ont rien laissé filtrer de leurs intentions. Mais les propos en juillet d'un juge taliban ont réveillé de mauvais souvenirs. Interrogé par le média allemand Bild, Gul Rahim estimait notamment que les personnes homosexuelles devaient être condamnées à mort par lapidation ou être écrasées sous un mur de briques. Plus récemment, une information selon laquelle un jeune homosexuel aurait été violé et passé à tabac par des hommes l'ayant appâté en lui promettant de l'aider à quitter le pays, a ajouté à la psychose ambiante. Sur le terrain, de nombreux jeunes hommes et femmes ne sortent plus de chez eux et tentent d'effacer toutes les traces de leur vie d'avant, sur les réseaux sociaux comme dans la rue, selon des ONG et les témoignages recueillis par l'AFP.

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Après l'arrivée des talibans, "nous ne sommes pas sortis de chez nous pendant environ deux ou trois semaines", confie Abdullah - un nom d'emprunt -, un homosexuel de 21 ans à Hérat (ouest). "Depuis peu, nous sortons de nouveau, on essaie d'avoir l'air simple pour ne pas être identifiés par les talibans." "Avant on pouvait porter des jeans et des t-shirts, certains homosexuels se maquillaient également. Ce n'est plus possible maintenant", ajoute-t-il. Le jeune homme s'inquiète également d'un recul des acquis des dernières années, notamment concernant la place accordée dans certains magazines à la question du genre ou des droits LGBTQ. C'était une forme de "soutien, ça nous motivait tous à rester en Afghanistan et à ne pas partir pour renforcer la communauté LGBT ici", souligne-t-il.

 "Aucun futur"
Partir. Certains ont sauté le pas dès le début de l'été, au moment où villes et provinces commençaient à tomber les unes après les autres dans le giron taliban. "On a reçu des messages de nos partenaires dans la sous-région dès le début de l'été", indique Arnaud Gauthier-Fawas, porte-parole pour l'inter-LGBT France. "Beaucoup de personnes ont pris l'initiative de fuir au Pakistan, certaines ont réussi à passer en Iran", ajoute-t-il. Pour ceux qui sont restés, "il est clair que la réouverture du ministère de la Promotion de la vertu et de la répression du vice est de loin l'épée de Damoclès la plus dangereuse".
Elle s'est déjà abattue sur Yahia - un nom d'emprunt - qui raconte avoir été frappé dans la rue à Kaboul par un taliban et s'être terré ensuite chez lui. "Ils ont clairement exprimé leurs sentiments à notre égard: +C'est ce que nous allons faire (vous tuer). C'est quelque chose (l'homosexualité) que nous interdisons, c'est un péché, un grand péché+", rapporte le jeune homosexuel de 25 ans, qui a pu depuis quitter le pays grâce à l'aide d'une association LGBT européenne.

Marwa, qui n'a plus de contact avec sa famille depuis qu'elle a refusé il y a trois ans un mariage arrangé et révélé dans le même temps son homosexualité, ne se fait elle aucune illusion. "Il n'y a aucun futur pour nous. Tout membre LGBT doit se préparer soit à une mort lente, par l'isolement, la faim, la tristesse, la dépression ou le stress, soit à être tué par les talibans ou des membres de sa famille", affirme-t-elle.

Son dernier message s'adresse directement à la communauté internationale qu'elle exhorte à ne pas reconnaître "trop facilement" le nouveau régime, avec une mise en garde : "Les talibans n'ont pas changé, ils mentent juste mieux qu'avant".

Marwa s'est mariée deux jours après la chute de Kaboul avec l'un de ses amis gay. "Terrorisée", la jeune lesbienne de 24 ans n'a alors qu'une idée en tête: passer sous les radars du nouveau régime fondamentaliste taliban.
"Quand les talibans ont pris le pouvoir à Kaboul, c'était un cauchemar, je pleurais, je restais terrée chez moi", se souvient la jeune Afghane dans une note vocale...

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