C’est une rencontre qui pourrait atténuer le risque d’une escalade militaire à Idleb entre les rebelles, soutenus par la Turquie, et les forces gouvernementales syriennes, appuyées par la Russie. Ces derniers jours, Moscou a intensifié ses frappes aériennes sur la dernière enclave de l’opposition située dans le nord-ouest du pays, conduisant Ankara à envoyer des renforts pour contenir une éventuelle opération terrestre. « Le schéma est bien connu. Avant toute rencontre, Poutine et Erdogan essaient de renforcer leur présence sur le terrain pour arriver en position de force lors de la réunion », explique Galip Dalay, chercheur visiteur à l’Université d’Oxford.
Selon les propos du porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, la situation à Idleb figurera en tête de liste des discussions. « Les deux leaders ont toujours beaucoup de choses à discuter. La priorité sera accordée à la Syrie et à l’Afghanistan. Des échanges auront également traditionnellement lieu concernant la Libye et les sujets internationaux », a t-il déclaré. Aux yeux d’Ankara, une escalade militaire à Idleb pourrait exercer une pression importante à l’échelle domestique. Il y a une semaine, Recep Tayyip Erdogan a exprimé sa crainte de voir affluer une nouvelle vague de réfugiés syriens en direction de la Turquie, qui en a accueilli près de 4 millions depuis 2011. « En tant que pays qui a protégé la dignité humaine dans la crise syrienne, nous n’avons plus le potentiel ni la tolérance pour absorber de nouvelles vagues d’immigration », a déclaré le reis lors de l’Assemblée générale des Nations unies à New-York. Vendredi dernier, le président turc a indiqué qu’il s’attendait à ce que Moscou change son approche envers la Syrie, car le régime de Bachar el-Assad « constitue une menace pour la Turquie le long de sa frontière sud ». Le 11 septembre, trois soldats turcs ont trouvé la mort alors que les forces du régime syrien intensifient leurs attaques depuis août sur la région. Du côté russe, le président a exprimé récemment sa volonté de voir partir les forces turques de la zone. Le 13 septembre, lors d’une rencontre en tête à tête avec Bachar el-Assad, Vladimir Poutine a critiqué la présence de troupes étrangères dans le pays, en référence aux forces turques et aux centaines de soldats américains stationnés dans l’est du pays aux côtés des combattants kurdes.
« La Russie veut reprendre le contrôle de l’autoroute M4 (axe traversant la région d’Idleb pour relier Alep à Lattaquié). Cela est important pour les communications et le commerce et a été promis plus tôt par Ankara », observe Joshua Landis, directeur du Center for Middle East Studies de l’Université d’Oklahoma. Moscou reproche également à la Turquie de ne pas avoir expulsé le groupe jihadiste Hay’at Tahrir el-Cham (HTS), ex-branche syrienne d’el-Qaëda, qui contrôle près de la moitié du bastion de l’opposition. Mais le Kremlin souhaiterait aussi pousser pour la reprise de contacts entre la Turquie et la Syrie. « La Russie souhaite amener la Turquie à établir des relations avec le régime d’Assad dans le cadre de l’accord d’Adana signé entre Damas et Ankara en 1998 (accord qui engage les autorités syriennes à lutter contre le Parti des travailleurs du Kurdistan sur leur territoire). Dans ce scénario, Moscou veut qu’Ankara réduise au maximum sa présence militaire en Syrie », estime Galip Dalay, pour qui « la Turquie n’acceptera pas, craignant que la prochaine étape soit de réduire sa présence à Afrine et, ainsi, avoir moins de capacité à lutter contre les troupes kurdes des Unités de protection du peuple (YPG) ».
Selon plusieurs observateurs, un accord fragile pourrait émerger à l’issue de la réunion de demain et entraîner une période de trêve à Idleb, avant une reprise probable des hostilités. En dépit de la conclusion d’un accord de cessez-le-feu négocié en mars 2020 entre Moscou et Ankara, les frappes des forces loyalistes et de leur allié russe n’ont jamais cessé, faisant craindre aux habitants une nouvelle offensive militaire d’envergure.
Meilleur levier
La visite de mercredi survient également après les propos prononcés par Recep Tayyip Erdogan jeudi dernier selon lesquels les relations de son pays avec les États-Unis ne sont pas « saines ». Le dirigeant turc a même déclaré dimanche à CBS News qu’Ankara pourrait acheter un second système de défense aérienne russe S-400, malgré les mises en garde de Washington. « La Turquie a démontré que tant que les États-Unis défieront ses intérêts dans la région, Ankara achètera des armes russes même à un coût élevé pour sa position au sein de l’OTAN et pour son économie », explique Joshua Landis. Washington avait imposé des sanctions à l’égard d’Ankara en décembre 2020 lors de son premier achat du système antimissiles russe et avait prévenu que l’acquisition d’une seconde cargaison déclencherait de nouvelles sanctions. « Se diriger vers la Russie est le meilleur levier dont dispose la Turquie contre les États-Unis, poursuit le spécialiste. Ankara souhaite que Washington cesse de protéger le YPG et de lui fournir des armes. »
Rien n’indique cependant que Recep Tayyip Erdogan entend aller jusqu’au bout de sa décision. « Sa déclaration est davantage la manifestation de son mécontentement envers les États-Unis plutôt qu’une stratégie bien réfléchie, nuance Galip Dalay. Une nouvelle cargaison de S-400 plongera la relation turco-occidentale dans une nouvelle crise profonde et aura également un impact très négatif sur l’économie turque. »
Au-delà de ces questions, plusieurs dossiers régionaux à l’instar de l’Afghanistan, de la Libye et de l’Ukraine sont susceptibles d’être abordés demain. Après le vide laissé par les États-Unis en Afghanistan, qui ont retiré leurs troupes du pays le 31 août dernier, Ankara et Moscou pourraient coopérer afin de préserver leurs intérêts respectifs dans la région. Alors que la Turquie a fait part de sa volonté de sécuriser l’aéroport international de Kaboul, la Russie craint quant à elle que le nouveau gouvernement des talibans ne déstabilise les anciennes républiques soviétiques. En Libye, les deux pays qui ont des troupes sur le terrain soutiennent des camps opposés alors qu’Ankara appuie le nouveau gouvernement de transition tandis que le groupe mercenaire russe Wagner soutient le maréchal Khalifa Haftar. Côté ukrainien, l’annonce faite par le pays il y a une dizaine de jours d’acheter 24 drones turcs supplémentaires pourrait être abordée par Moscou. « Je pense que sur la Libye et l’Afghanistan, la Russie et la Turquie peuvent trouver une base de coopération. Les deux préféreraient la stabilité et les partenariats commerciaux à la rivalité », résume Howard Eissenstat, spécialiste du Moyen-Orient à St. Lawrence University. L’Ukraine est une question plus difficile et je soupçonne qu’il continuera d’y avoir des tensions entre les deux puissances sur ce front. »
MAINTENANT QUE-S'IL FAUT EN CROIRE LES MEDIAS- BACHAR ASSAD A ETE REMIS A SA VRAIE PLACE PAR LE TSAR DE RUSSIE, SERAIT CE LE NEO SULTAN QUI VA "SOUFFRIR" DU MEME SORT ?
10 h 04, le 28 septembre 2021