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Moyen-Orient - Eclairage

Au Soudan, l’ombre d’el-Burhane plane sur le coup d’État manqué

Alors que les autorités du pays ont affirmé mardi avoir déjoué une tentative de renversement du pouvoir, plusieurs sources locales suggèrent que le chef de l’État, le général Abdel Fattah el-Burhane, se cache en réalité derrière ce qui serait une fausse opération.

Au Soudan, l’ombre d’el-Burhane plane sur le coup d’État manqué

Le général Abdel Fattah el-Burhane, chef du Conseil souverain soudanais. Photo Sudan News Agency /AFP

Officiellement, les autorités soudanaises sont unanimes : les partisans de l’ancien président Omar el-Bachir ont orchestré mardi un coup d’État pour renverser le Conseil souverain (CS) – organe politique né d’un compromis entre civils et militaires, et chargé de superviser la transition vers la démocratie dans le sillage de la chute du dictateur en avril 2019.

« Une tentative manquée de coup d’État, menée par un groupe d’officiers des forces armées et de civils issus de l’ancien régime (…), a été maîtrisée à l’aube », a déclaré mardi Hamza Baloul, le ministre de l’Information du gouvernement de transition. L’information avait d’abord été rapportée par la télévision d’État, appelant le peuple à « faire face » à « une tentative de coup d’État manquée ». Peu de temps après, un communiqué diffusé par le porte-parole du CS, Mohammad el-Faki Suleiman, a tenu à rassurer les citoyens : « Tout est sous contrôle et la révolution est victorieuse. » Selon l’armée, citée par l’AFP, « onze officiers et plusieurs soldats ayant participé au complot manqué » auraient d’abord été arrêtés, alors que plusieurs dizaines, voire plus d’une centaine d’arrestations auraient eu lieu depuis.

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Mais dans les faits, le récit véhiculé par les autorités peine à convaincre et alimente les rumeurs selon lesquelles le coup d’État aurait été planifié par le président du CS lui-même, Abdel Fattah el-Burhane. L’opération survient en effet quelques mois seulement avant son retrait de ce poste, en vertu de l’accord de paix signé en octobre 2020 entre le gouvernement de transition et différents groupes rebelles qui prolonge la période transitoire et la durée pendant laquelle Burhane doit présider le CS. Alors que le général devait initialement céder le pouvoir en mai dernier – comme le stipule l’accord entre les civils et l’armée conclu en juillet 2019, et prévoyant que le CS serait présidé par un général durant une période de 21 mois avant que ce dernier ne laisse la place à un civil pour achever la transition durant les 18 mois restants –, il est désormais prévu qu’il se maintienne à la tête de l’État jusqu’en juillet 2022.

Gardien de la transition

Aux yeux de nombreux observateurs, cette supposée tentative de renversement du pouvoir lui permettrait alors de se présenter comme le gardien de la transition face à des menaces susceptibles de comploter pour mettre à mal la transition démocratique. « Cela permet à Burhane de se présenter comme le sauveur des intérêts du peuple et le principal rempart contre toutes les soi-disant tentatives de coup d’État », estime Yasin el-Hussein, activiste de la société civile. Selon lui, le récit des événements de mardi est une preuve supplémentaire que la manœuvre n’est pas réelle. Selon Ali Omar Abdel Wahab, présentateur à la télévision d’État, l’officier suspecté d’être à l’initiative du coup de force se serait rendu à son bureau et lui aurait demandé d’annoncer en direct qu’une tentative de renversement du pouvoir avait lieu. Le présentateur aurait refusé en indiquant qu’il devait d’abord en discuter avec ses supérieurs, suite à quoi le militaire se serait retiré. « Cela n’est pas crédible, renchérit Yasin el-Hussein. Aucun coup d’État au Soudan ne se déroule sans effusion de sang. »

Depuis la chute du régime de Omar el-Bachir, au moins deux coups d’État auraient secoué le pays. Les partisans du dictateur déchu ont par exemple tenté de saper le processus politique lors d’une tentative de renversement du pouvoir le 11 juillet 2019. Mais cette fois-ci, peu de Soudanais semblent convaincus que les loyalistes de l’ancien chef d’État sont impliqués. « Il ne faut pas oublier que la position de Burhane lui confère une immunité appelée immunité procédurale qui ne peut être levée que par le Conseil législatif qui n'a pas encore été formé », explique Jihad Mashamoun, chercheur et analyste politique sur les affaires soudanaises. « L'immunité est primordiale pour lui car il était aux commandes de l’armée au Darfour-Central où l'on pense qu'il a également organisé les milices paramilitaires qui ont commis le génocide au Darfour », ajoute le chercheur.

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Selon les rumeurs, Burhane ne serait pas le seul à être impliqué dans le complot de mardi. Le numéro deux du CS et chef des Forces de soutien rapide (FSR) – unité paramilitaire la plus puissante du pays –, le général Mohammad Hamdan Daglo, aurait également planifié l’opération. « Les deux hommes étaient ensemble lorsqu’ils se sont rendus mardi au complexe qui héberge le commandement militaire, au sud de Khartoum », explique Nazar Abdel azziz, secrétaire général du Front national général – mouvement qui faisait autrefois partie des Forces pour la liberté et le changement (FFC), fer de lance de la contestation anti-Bachir. «  Le corps militaire blindé qui aurait supposément mené le coup a subitement cessé de se rebeller lorsque Burhane et Mohammad Hamdan Daglo sont entrés dans leur quartier général. Il s’agit d’une preuve supplémentaire que tout ça a été orchestré par ces derniers », affirme Jihad Mashamoun.

Mardi, des centaines de manifestants sont sortis dans la rue à Port-Soudan, ville du nord-est du pays, pour dénoncer le coup d’État. « Les citoyens ne sont pas dupes. Leur objectif n’était pas de dénoncer la tentative de renversement du pouvoir, mais de montrer au chef du CS qu’ils sont là et qu’ils ne laisseront pas d’autres manigances du genre se produire à l’avenir », explique Yasin el-Hussein.

Officiellement, les autorités soudanaises sont unanimes : les partisans de l’ancien président Omar el-Bachir ont orchestré mardi un coup d’État pour renverser le Conseil souverain (CS) – organe politique né d’un compromis entre civils et militaires, et chargé de superviser la transition vers la démocratie dans le sillage de la chute du dictateur en avril 2019. « Une...

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