La longue interview accordée par le directeur de la Sûreté générale, le général Abbas Ibrahim, à la station Radio Liban libre (RLL) et diffusée le soir-même sur la chaîne MTV n’est pas un scoop anodin. D’abord, parce que le général Ibrahim donne rarement de longs entretiens aux médias, surtout locaux. Il lui est en effet arrivé de s’adresser à des médias étrangers, mais c’était toujours pour transmettre des messages précis. Ensuite, parce que de l’avis de ceux qui ont suivi attentivement cet entretien, c’est la première fois que le directeur de la Sûreté aborde des questions politiques, notamment une éventuelle candidature aux élections législatives.
D’abord, il a sciemment choisi de s’adresser, à travers la RLL et la MTV, à un public majoritairement chrétien, qui ne lui est pas nécessairement favorable, ou qui ne le connaît pas vraiment. En réponse à une question, il a d’ailleurs insisté sur l’importance et le rôle de la présidence de la République, indépendamment de la personnalité qui occupe cette fonction.
Selon les réactions sur les réseaux sociaux qui ont suivi la diffusion de cet entretien, le public a été favorable et l’émission a été largement suivie. C’est sans doute d’abord dû à la curiosité que suscite la personnalité particulière de Abbas Ibrahim qui, tout en restant discret et peu loquace, est devenu au fil des ans un homme-clé dans le paysage libanais, et même au-delà des frontières, en raison des relations de confiance qu’il a tissées avec de nombreuses parties, souvent en conflit entre elles. Évitant les défis, les réactions impulsives et les projecteurs pour se consacrer à ce qu’il considère comme étant essentiel, le général Ibrahim a ainsi montré à travers les missions difficiles qu’il a accomplies sa capacité à nouer des contacts avec des parties très différentes dont certaines sont carrément hostiles entre elles, tout en réussissant à trouver des terrains d’entente et même à construire des ponts pour faciliter les relations. C’est ainsi qu’il possède à son actif de nombreuses missions de médiation qui ont abouti à la remise en liberté de personnes de différentes nationalités retenues en otages, mais il a aussi mené des médiations entre les différentes parties politiques libanaises qui, elles, n’ont pas toujours réussi. Mais elles lui ont permis de devenir incontournable et indispensable sur la scène politique locale, en plus de son rôle sécuritaire.
Dans l’entretien qu’il a accordé à la RLL, le directeur de la Sûreté a répondu à toutes les questions et abordé tous les thèmes, même les plus délicats. Il est ainsi apparu sincère et confiant, mais en même temps sans véritable complaisance. Au point que certains ont vu dans l’interview accordée à ce média précis les prémices d’une carrière politique qu’il compte entamer. Est-ce à dire qu’il a réellement décidé de franchir le pas ?
Selon ceux qui connaissent bien Abbas Ibrahim, ce dernier a certainement pesé la décision avant d’accepter l’entretien. S’il a choisi la RLL, c’est qu’il voulait justement s’adresser à ce public, et bien entendu à travers lui à tous les Libanais. Son souci, disent ses proches, c’est de briser les murs édifiés entre les citoyens et de se faire entendre de tout le monde, les moins favorables avant les amis. Fidèle à sa réputation de médiateur, l’officier préfère donc toujours essayer de rassembler plutôt que de diviser, et surtout, il mise sur la raison plutôt que sur les émotions.
Il s’est donc exprimé en toute franchise sur sa convocation par le juge d’instruction Tarek Bitar, assurant ainsi qu’il est prêt à s’y rendre si l’obstacle juridique est levé (une autorisation indispensable du ministre de l’Intérieur), ajoutant qu’il n’a rien à se reprocher et rien à craindre de la justice, car tout le monde sait que les prérogatives de la Sûreté générale au port sont limitées. Sans être désobligeant, il s’est interrogé sur les convocations du juge Bitar, se demandant pourquoi elles touchent certains ministres et non d’autres, certains responsables et non d’autres. Mais il n’est pas allé plus loin dans ce sens. Par contre, en réponse à une question, il a déclaré que « si quelqu’un veut régler des comptes personnels avec lui, il est prêt à faire face ». Comme au Liban, les choses ne sont pratiquement jamais ce qu’elles paraissent être, il se pourrait donc que derrière l’apparence de l’appui général dont il bénéficie, certaines parties cherchent à lui nuire ou, en tout cas, à l’empêcher d’entamer une carrière politique.
L’ombre de la politique a donc plané sur cet entretien, et c’est la première fois que Abbas Ibrahim évoque aussi franchement cette option. On avait déjà parlé de lui comme éventuel ministre de l’Intérieur, mais aujourd’hui, c’est plutôt du Parlement qu’il est question. Tout en affirmant qu’il a encore un an et demi de service à la tête de la Sûreté générale, il a donc évoqué la possibilité de se lancer dans la politique, tout en précisant qu’il ne cherche pas à conquérir le pouvoir, mais qu’il pourrait songer à se présenter aux élections législatives. Il a ajouté qu’il faudrait voir, avant de prendre une décision, ce qu’en pense le peuple... Il faut préciser à cet égard qu’un haut fonctionnaire de l’État doit présenter sa démission six mois avant l’échéance électorale. Ce qui laisse en pratique à Abbas Ibrahim deux mois de réflexion avant de prendre sa décision, si les élections législatives se déroulent comme prévu en mai 2022. L’officier n’a pas voulu donner plus de détails, mais ceux qui le connaissent précisent que sa décision ne sera pas tributaire de la position du président de la Chambre Nabih Berry, dont les proches voient en lui un concurrent potentiel et sérieux. Mais comme il l’a toujours fait tout au long de sa carrière, d’abord au sein de l’armée et ensuite à la tête de la Sûreté générale, lorsqu’il se lancera dans la vie politique, il s’y engagera à fond. Ses proches estiment d’ailleurs que la décision du général Ibrahim est prise, mais qu’il hésite encore pour le timing : doit-il se présenter en 2022 ou attendre encore 2026 ?
La longue interview accordée par le directeur de la Sûreté générale, le général Abbas Ibrahim, à la station Radio Liban libre (RLL) et diffusée le soir-même sur la chaîne MTV n’est pas un scoop anodin. D’abord, parce que le général Ibrahim donne rarement de longs entretiens aux médias, surtout locaux. Il lui est en effet arrivé de s’adresser à des médias étrangers, mais...
commentaires (8)
Pour ceux qui prétende que Hizbollah est libanais, certes ses membres sont libanais par la carte d’identité mais ils sont au solde d’un pays tierce.
Georges S.
15 h 33, le 22 septembre 2021