Alors que le gouvernement présidé par Nagib Mikati devrait entamer cette semaine sa mission qu’il place sous le slogan « Ensemble pour le sauvetage », les avis sont partagés sur ses chances de réussite. Pour les uns, ce gouvernement n’est qu’une copie améliorée du précédent cabinet présidé par Hassane Diab, et il devrait donc se heurter aux mêmes obstacles. Alors que pour d’autres, il bénéficie d’un contexte régional et international qui devrait lui permettre d’agir rapidement.
Le camp pessimiste base son approche sur le contexte interne qui continue de refléter les mêmes divisions que celles qui existaient dans le passé. D’abord, il y a l’opposition feutrée de l’ancien président du Conseil Saad Hariri qui fait actuellement face à de sérieux problèmes sur la scène sunnite, ainsi que celle du « club des anciens Premiers ministres » qui se pose en gardien des prérogatives sunnites et qui, par conséquent, reste vigilant au sujet de toute concession éventuelle au chef de l’État et à son camp. Ensuite, il y a la récente relance du conflit entre le président de la Chambre et son camp d’un côté, le chef du CPL et le sien de l’autre. Alors que les milieux politiques pensaient qu’un compromis avait été conclu pour permettre la naissance du gouvernement, ils ont été surpris d’entendre le chef du CPL Gebran Bassil critiquer ouvertement le président de la Chambre Nabih Berry dans un entretien télévisé. La riposte du mouvement Amal n’a d’ailleurs pas tardé et elle est arrivée dans le cadre d’un communiqué virulent publié à la suite de cet entretien. Même si les milieux proches du CPL ont tenté par la suite de minimiser l’impact des propos de Bassil en précisant qu’ils ont été prononcés en réponse à une question qui lui a été posée, alors que l’entretien était global, pour les observateurs politiques, cette nouvelle polémique ressemble fort à celles qui ont jalonné l’action des précédents gouvernements et qui se traduisaient par des frictions internes entre les ministres et des reports dans la prise des décisions. Autrement dit, malgré la personnalité conciliante de Nagib Mikati et les compétences probables de la plupart des ministres, ce gouvernement devrait connaître les mêmes difficultés que les précédents, mais de façon aggravée, car la situation du pays est bien plus grave que par le passé et les crises successives sont suffisamment compliquées pour ne pas leur ajouter les tiraillements politiques internes.
Face à ces pronostics pessimistes, certaines parties politiques estiment que le contexte international et régional est plus important que les considérations internes et il est actuellement en faveur du gouvernement Mikati. D’ailleurs, lorsqu’il a été désigné par la majorité des députés pour former le gouvernement le 26 juillet dernier, Nagib Mikati avait lui-même déclaré qu’il avait entrepris des contacts avec des parties internationales et régionales qui s’étaient montrées encourageantes. Depuis, et en dépit des tiraillements et des négociations parfois ardues de la formation du gouvernement, les développements régionaux et internationaux se sont précipités montrant que la tendance globale se dirige vers les compromis et les ententes plutôt que vers les guerres et les conflits violents. Un des principaux indices dans ce sens est l’arrivée du premier bateau iranien chargé de mazout en Syrie, avant que la cargaison soit acheminée vers le Liban de plein jour et dans une atmosphère de liesse populaire (qu’elle soit ou non spontanée). L’arrivée de la cargaison de mazout iranien à bon port est certainement à l’avantage du Hezbollah qui montre ainsi à ses partisans et à ses adversaires qu’il est en mesure de proposer des solutions de rechange aux pénuries actuelles et en même temps de les exécuter. Mais elle montre aussi que les Américains, qui considèrent le Hezbollah comme une organisation terroriste, et leurs alliés, notamment les Israéliens, n’ont rien fait pour empêcher l’acheminement du mazout iranien vers le Liban. Quelle que soit l’interprétation que l’on donne à cette absence de réaction de la part des États-Unis et de leurs alliés, elle montre en tout cas une volonté de ne pas se diriger vers l’escalade.
De même, la soudaine autorisation américaine d’amener vers le Liban du courant électrique à partir de la Jordanie et du gaz à partir de l’Égypte est aussi le signe d’une volonté de la part de cette administration de ne pas laisser le Liban sombrer dans le chaos total, ou alors de l’empêcher de se diriger vers l’Est.
Pour le camp des optimistes, il est désormais clair que les États-Unis et leurs alliés ne veulent pas l’effondrement total du Liban et c’est pourquoi ce gouvernement a été formé. Peut-être que l’heure des grandes solutions n’a pas encore sonné, mais celle de l’arrêt de la chute libre du pays a été prise. C’est pourquoi ce gouvernement pourrait donc profiter d’un contexte favorable pour mettre, comme le dit le président du Conseil, le Liban sur les rails de la solution.
D’ailleurs, toujours pour ceux qui croient à cette théorie, cet indice positif concernant le Liban n’est pas le seul dans la région. Ainsi, la tendance générale est actuellement de reprendre les négociations sur l’accord nucléaire entre les pays dits « 5 plus 1 » (Les 5 pays membres permanents du Conseil de sécurité et l’Allemagne) et l’Iran, et les dirigeants israéliens ont reconnu qu’Israël peut « s’adapter à un nouvel accord sur le nucléaire iranien à condition qu’il y ait un plan de rechange au cas où l’Iran ne respecterait pas ses engagements ». En même temps, le dossier syrien est revenu à la une de l’actualité, surtout depuis le sommet entre Vladimir Poutine et Bachar el-Assad, alors qu’une nouvelle rencontre entre des émissaires iraniens et saoudiens devrait se tenir avant la fin du mois en Irak.
Pour toutes ces raisons, le climat régional et international semble moins tendu. Ce qui devrait profiter au Liban... à condition que les Libanais décident de mettre de côté leurs conflits.
commentaires (5)
J'suis calme et content... j'ai pas lu l'article...
Wlek Sanferlou
21 h 44, le 20 septembre 2021