
Un groupe de manifestantes rassemblées le 9 septembre 2021 près de la résidence du président du Parlement Nabih Berry, pour réclamer justice dans l'affaire des explosions du 4 août 2020 au port de Beyrouth. Photo Mohammad Yassine
Plusieurs dizaines de femmes ont manifesté jeudi à 17h près du quartier de Aïn el-Tiné à Beyrouth, lieu de résidence du président du Parlement Nabih Berry, afin de réclamer justice, 13 mois après la double explosion meurtrière au port de Beyrouth. Ce rassemblement intervient alors que l'enquête fait du surplace du fait de fortes ingérences politiques dans le processus, plusieurs responsables étant poursuivis dans cette affaire qui a fait plus de 200 victimes et ravagé des quartiers entiers de la capitale le 4 août 2020. La catastrophe avait eu lieu après l'explosion de centaines de tonnes de nitrate d'ammonium stockées dans le port depuis des années sans mesures de sécurité.
Justice "pour nous et nos enfants"
Entre 60 et 80 femmes se sont ainsi rassemblées, la plupart vêtues de robes noires en signe de deuil. Les Forces de sécurité intérieure (FSI) ont été déployées sur place et plusieurs accès à la rue de Verdun ont été bloqués à l'aide de barrières métalliques.
"Nous sommes là en tant que femmes, car la dernière fois, lorsque nous nous sommes rassemblés hommes et femmes, plusieurs d'entre eux avaient été attaqués", raconte Elvia Saghbini à Tala Ramadan, journaliste de notre publication anglophone L'Orient Today, présente sur place. "Nous espérons que cette marche amplifiera les voix et les demandes brandies, car nous sommes des femmes et nous pensons qu'ils (les forces de l'ordre) ne s'en prendront pas violemment à nous", ajoute-t-elle.
"Nous allons vous faire tomber et faire tomber vos immunités, afin que le Liban, le pays de la liberté et de la justice, puisse se relever", peut-on lire sur cette pancarte. Photo Mohammad Yassine
"Dans les crises, les femmes sont toujours en première ligne. Nous sommes là pour demander justice et vérité, pour nous et nos enfants", lance pour sa part Rima Abou Chacra, la cinquantaine, qui avait été gravement blessée dans l'explosion.
Sur certaines pancartes, on pouvait lire des slogans tel que "Parlement du nitrate", en référence au nitrate d'ammonium qui avait provoqué la gigantesque déflagration.
Démocratie de façade
"Rien ne va plus au Liban. Il n'y a que des mensonges, c'est une démocratie de façade et ceci est inacceptable. C'est pour cela que je suis venue manifester aujourd'hui", raconte Mirna Makari à notre journaliste sur place Mohammad Yassine. "Si les parents des victimes ont été agressés, rien n'empêche qu'ils (les forces de l'ordre) nous attaquent aujourd'hui", estime pour sa part Lina Boubès. "L'un des policiers nous a dit : +si vous voulez qu'on vous protège, restez loin de Aïn el-Tiné+. Mais le Liban nous appartient à tous. Nous sommes là de manière pacifique", raconte-t-elle.
En effet, lors du dernier rassemblement à Aïn el-Tiné, plusieurs manifestants, dont des femmes proches des victimes, ont été agressées par des individus en civil, certains vraisemblablement membres des forces de l'ordre ou encore des partisans de Nabih Berry.
La double explosion au port de Beyrouth avait provoqué la mort d'au moins 214 personnes et fait des milliers de blessés, en plus de la destruction de nombreux quartiers de la capitale. Le juge Tarek Bitar, en charge de l'enquête, avait demandé début juillet la levée de l’immunité de plusieurs responsables politiques et sécuritaires en vue de les inculper pour "intention présumée d'homicide, négligence et manquements" à leurs responsabilités. Depuis, les immunités n'ont pas été levées en raison des pressions politiques, et la procédure traîne en longueur. Plus d'un an après le drame, l'enquête locale n'a pas donné de résultats.
En effet, de nombreux responsables poursuivis par le juge d'instruction près la Cour de justice refusent toujours de comparaître, et les diverses composantes de la classe dirigeante, qui avaient rejeté une enquête internationale, sont accusées de tout faire pour torpiller l'investigation. M. Bitar a ainsi été confronté à une levée des boucliers après avoir demandé la levée de l'immunité parlementaire de plusieurs députés poursuivis, notamment certains proches de Nabih Berry.
Ces dernières semaines, le juge Bitar a lancé deux mandats d'arrêt, l'un contre l'ancien directeur des opérations du port, Sami Hussein, et l'autre contre un membre du Conseil supérieur des douanes, Hani Hajj Chéhadé, après les avoir tous deux interrogés. Le juge Bitar avait aussi émis en août un mandat d'amener à l'encontre du Premier ministre sortant Hassane Diab, poursuivi pour négligence dans ce drame, mais celui-ci a refusé de comparaître devant le magistrat, soutenu en cela par les ténors de la communauté sunnite à laquelle il appartient. Le juge a fixé au 20 septembre la date d'une nouvelle audience et chargé les forces de sécurité de l'interpeller en vue de sa comparution.
Plusieurs dizaines de femmes ont manifesté jeudi à 17h près du quartier de Aïn el-Tiné à Beyrouth, lieu de résidence du président du Parlement Nabih Berry, afin de réclamer justice, 13 mois après la double explosion meurtrière au port de Beyrouth. Ce rassemblement intervient alors que l'enquête fait du surplace du fait de fortes ingérences politiques dans le processus, plusieurs...
commentaires (5)
Ce policier devait avoir sa ration de captagon mais aussi disait l'évidence... au-delà d'une certaine distance leurs pouvoirs s'estompent face aux puissants du souna'iii il faut donc faire gaffe! Le Liban est occupé.
Wlek Sanferlou
11 h 48, le 10 septembre 2021