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Nos Lecteurs ont la Parole

Ces eurodéputés, ignorants ou hypocrites ?

1er juillet 2021, Bruxelles, Parlement européen. La conférence des présidents, composée du président de l’hémicycle et des présidents des groupes politiques, décide de l’ordre du jour définitif de la session à venir de l’Assemblée plénière se tenant du 5 au 8 juillet. D’emblée, ça ne paraît être qu’une autre de ces réunions routinières, voire banales, qui précèdent la tenue de la séance plénière mensuelle du Parlement.

Et pourtant, pour un petit pays, mais si grand par ses liens d’histoire, de culture, de valeurs et d’esprit avec cette Europe, c’est une réunion cruciale, voire existentielle.

Cruciale car depuis plusieurs mois déjà, un projet de résolution pour le Liban se prépare en coulisses et à plusieurs niveaux. Une résolution qui, si elle est adoptée par le Parlement européen, pourrait avoir un impact fort sur ce pays qui avec son peuple agonise, au vu et au su d’un monde indifférent, à quelques rares exceptions près.

Le dernier rapport du Programme alimentaire mondial sur les points chauds de la faim dans le monde met en évidence la terrible situation de famine au Liban qui figure désormais sur la liste des pays menacés de « niveaux catastrophiques de famine ». Près de 70 % de la population peine à se nourrir, l’hyperinflation sur les produits alimentaires atteignant jusqu’à 400 % du fait de la dépréciation de 90 % de la valeur de la monnaie. Le salaire mensuel minimum ne vaut plus que 50 euros – pour les chanceux qui sont encore salariés – et la matière grise du pays émigre en masse… Quelques points qui ne sont qu’un très bref résumé de la troisième crise socio-économique la plus aiguë jamais enregistrée depuis 1850, selon un rapport de la Banque mondiale paru en juin.

Comment le pays du Cèdre, joyau incontesté d’hier, a-t-il pu en arriver là ?

Trois décennies de grande corruption, de pillage systématique et organisé du pays par une classe politique dirigeante qui s’obstine à se maintenir par tous les moyens (clientélisme, fraude électorale, oppression…) et qui jouit d’une totale impunité.

Les sanctionner est nécessaire, voire vital, pour permettre au pays et à son peuple de commencer à se relever. Et c’est l’objectif principal de la résolution qui est toujours en discussion au Parlement européen, et qui sera soumise au vote lors de la prochaine séance plénière du 13 au 16 septembre. Les malversations des dirigeants libanais tombent sous le coup du régime spécial Liban de sanctions ciblées, finalisé par le Conseil européen le 30 juillet, et présentent un caractère de gravité particulier au regard de tous les objectifs de la politique étrangère et de sécurité commune énoncés à l’article 21 du traité sur l’Union européenne.

Mais non, certains en ont décidé autrement. Notamment les deux plus grands groupes politiques du Parlement européen, à savoir les sociaux-démocrates (S&D) et le Parti populaire européen (PPE). En juillet, un mois avant la première commémoration de la terrible explosion du port un an plus tôt, il n’y a eu ni résolution ni même débat sur la crise qui ravage le Liban. En sera-t-il de même lors de la prochaine plénière prévue mi-septembre ?

Leurs faux-fuyants sont honteux : la droite traditionnelle (PPE) avait estimé que l’agenda de juillet était déjà trop chargé… Et en vue de la séance plénière de mi-septembre, elle maintient le flou sur sa position quant aux sanctions. Pour les libéraux, il s’agit en effet de ménager l’Iran qui présente la promesse de juteux contrats…

Quant à la gauche traditionnelle (S&D), ses prétextes sont encore plus choquants puisque ses eurodéputés, ceux-là mêmes qui font de la défense des droits humains leur marque de fabrique, ont choisi de donner encore une chance à « nos » grands corrompus auxquels ils rendront visite au Liban, ce week-end du 4 au 6 septembre, dans le cadre d’une mission précédant la plénière. Outre les membres de la société civile, qu’ils rencontreront pour se donner bonne conscience, ils se réuniront avec Nabih Berri ou encore Hassane Diab, incarnation de l’inertie qui refuse de surcroît de se soumettre à la justice dans le cadre de l’enquête sur l’explosion au port. Et pour justifier ces amitiés de longue date, ils n’hésitent pas à mettre en avant la non-ingérence et le nécessaire « maintien de la stabilité », comprendre, pour eux, du statu quo.

Stabilité, vous dites, Mesdames et Messieurs les Eurodéputés ? Ne savez-vous donc pas que la famine, les crises humanitaires et les catastrophes socio-économiques figurent désormais dans l’ordre international parmi les plus graves sources d’instabilité menaçant la paix et la sécurité internationale? Au niveau du Liban, le ricochet européen est rapidement fait.

Vous clamez être des champions de l’humanisme et du libéralisme, et pourtant vous rejoignez le camp du populiste d’extrême droite Viktor Orban et de ses affidés au Parlement européen, en bloquant des sanctions contre de grands corrompus et en leur redonnant même une légitimité par vos visites éhontées !

Vous n’avez aucune excuse. Car, à supposer que vous croyiez aux mensonges de la mafia dirigeante, qui a la prétention de soutenir que sa chute déclencherait un chaos régional, n’avez-vous pas à cœur l’intérêt de vos électeurs ? Comme l’ensemble du contribuable européen, ils ont financé pendant des décennies plus de 10 milliards d’euros d’aide européenne attribuée au Liban pour développer ses infrastructures et ses services publics. Cette aide a été détournée par la classe dirigeante dans sa quasi-intégralité, comme en atteste la décrépitude actuelle du pays.

Mesdames et Messieurs les Eurodéputés, sachez que le Liban, de par sa place particulière et sa vocation unique, reste pour l’Europe une fenêtre précieuse ouverte sur le Proche et le Moyen-Orient. Rappelez-vous les engagements de l’Europe qui, lorsqu’elle promeut la paix et la stabilité, promet d’avoir une dimension humaniste et pas seulement économique. Sachez que l’Europe ne contribuera à résoudre aucun problème si elle ne prend pas en compte les aspirations éthiques des peuples, car tel est le rôle de leader qu’elle s’est forgé et pour lequel elle est aimée et appelée comme protectrice par les populations en détresse. Et sachez enfin que nous, Libanais, n’avons plus rien à perdre puisque nous avons déjà tout perdu, mais que vous, Européens, avez beaucoup à perdre si ce Liban n’est plus.

Avocate

Ancienne candidate à la présidence libanaise

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

1er juillet 2021, Bruxelles, Parlement européen. La conférence des présidents, composée du président de l’hémicycle et des présidents des groupes politiques, décide de l’ordre du jour définitif de la session à venir de l’Assemblée plénière se tenant du 5 au 8 juillet. D’emblée, ça ne paraît être qu’une autre de ces réunions routinières, voire banales, qui précèdent la tenue de la séance plénière mensuelle du Parlement.
Et pourtant, pour un petit pays, mais si grand par ses liens d’histoire, de culture, de valeurs et d’esprit avec cette Europe, c’est une réunion cruciale, voire existentielle.
Cruciale car depuis plusieurs mois déjà, un projet de résolution pour le Liban se prépare en coulisses et à plusieurs niveaux. Une résolution qui, si elle est adoptée par le Parlement européen,...
commentaires (1)

ni hypocrites, ni ignorants ni stupides. c'est la loi de toute diplomatie . pragmatisme oblige. slogans faits expressement pour etre ouis par la galerie: donc mensongers. NAIFS CEUX QUI EN ESPERENT QQ CHOSE.

Gaby SIOUFI

14 h 07, le 04 septembre 2021

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Commentaires (1)

  • ni hypocrites, ni ignorants ni stupides. c'est la loi de toute diplomatie . pragmatisme oblige. slogans faits expressement pour etre ouis par la galerie: donc mensongers. NAIFS CEUX QUI EN ESPERENT QQ CHOSE.

    Gaby SIOUFI

    14 h 07, le 04 septembre 2021

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