Vivre, pardonner, aimer, voir... autrement

J’ai pardonné de Fouad Hassoun, éditions Mame, 2020, 327 p.

L’histoire commence par un attentat, par une seconde naissance : celle de « l’enfant de la guerre ». Privé de ses yeux, plongé dans le noir le plus total, Fouad Hassoun y découvre un trésor inestimable ; une envie de vivre décuplée et la vraie valeur de la vie qui vaut bien plus que « le prix d’une balle ». Soutenu et porté par une mère-courage et une famille qui fait bloc, il remue ciel et terre pour tenter de retrouver la vue.

Puis, celui qui se rêvait ophtalmologue accepte de « faire l’aveugle ». Il accepte après une « grande colère ». Il accepte parce qu’il a l’intime conviction que le Christ l’interroge trois fois : « M’aimes-tu ? » et qu’Il lui demande d’accepter, par amour pour Lui, ce qu’il n’avait pas souhaité.

Après un séjour de trois mois dans un centre de rééducation où il acquiert une nouvelle autonomie, il entreprend à Lyon des études d’informatique qu’il réussit, surmontant toutes les difficultés que l’on imagine.

Mais il demeure « pénétré d’un diffus sentiment d’insatisfaction, de colère, d’amertume ». De fait, en dépit d’une vie spirituelle intense éclairée par la Vierge Marie, il était rongé par une « lourde rancœur » et une « véritable haine envers celui qui avait posé cette bombe ». Lorsqu’enfin l’individu est arrêté, Fouad entend à nouveau cette voix intérieure : « M’aimes-tu ?... Si tu m’aimes, tu pardonnes. »

Commence alors un long cheminement vers un pardon sincère. Et le « pardon » signifie « au-delà du don ». Ce cheminement ouvre « une infinité de portes » parmi lesquelles celles de la compassion, de la paix intérieure, du bonheur. Ce cheminement lui apprend également ce que c’est d’aimer vraiment : « aimer mon prochain comme moi-même ». Ce cheminement élargit enfin son horizon ; Fouad Hassoun consacrera désormais le plus clair de son temps à donner des témoignages chrétiens dans des églises, des studios de radio ou de télévision, aussi bien auprès des jeunes que des plus âgés. Victime d’un attentat, il devient un « messager de paix » et s’estime investi de la mission de « faire prendre conscience de l’irréparable (…), de montrer qu’il y a d’autres voies que la violence », de représenter la vie. Cette soif de vivre le pousse à ne rien se refuser, pas même une palette et des pinceaux. Les tableaux qu’il peindra seront exposés et admirés.

Sur le plan personnel, il épouse Laeticia, fonde une famille et transmet sa foi à ses enfants. Sur le plan professionnel, il contribue au développement et à la promotion du « visiobraille » dont le but est de permettre aux aveugles d’utiliser un ordinateur. Largement diffusée et suivie par de nombreuses adaptations et bien des développements, cette invention a « complètement révolutionné l’accès à l’emploi des aveugles ».

Au-delà de ce travail dont l’utilité n’est plus à démontrer, Fouad embrasse une vocation ; il revêt l’aube et l’étole diaconale et s’engage dans sa paroisse.

Autrement. Voilà le mot qui pourrait résumer cette histoire. Vivre autrement, pardonner autrement, aimer autrement, voir autrement…

Ce témoignage, poignant s’il en est, démontre que l’on peut toujours « tirer quelque chose de bon d’un mal ou d’une souffrance subie » ; et ceci en passant « de la colère au pardon et du pardon à l’amour ».

Ce témoignage renvoie le lecteur à lui-même : comment répondons-nous à la violence et à la bêtise du monde ? Il nous interroge, par ailleurs, sur notre réponse à cette question qui est intimement posée à chacun d’entre nous : « M’aimes-tu ? »