
Gebran Bassil qualifie la décision de Riad Salamé d’illégale. Photo ANI
Qui a fomenté un putsh contre qui? Telle est la question qui taraudait hier les esprits après l’annonce mercredi soir par le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, de la levée des subventions sur les carburants, une décision des plus impopulaires et qui devait indubitablement mettre le feu aux poudres. Cette initiative augure d’une flambée des prix de ces produits dans un Liban à l’agonie.
Saisi au vol par le chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil, qui a enfoncé le clou en accusant le gouverneur de recourir à un subterfuge et de vouloir torpiller les pourparlers sur la formation du gouvernement qui, selon Baabda, auraient « sérieusement progressé », l’arrêt des subventions a donné lieu à une multitude de théories complotistes, alimentées par l’inimitié de longue date entre M. Salamé et le camp aouniste.
Bien qu’attendue puisqu’elle a été claironnée sur tous les toits depuis des mois, alors que l’establishment politique, par pur populisme ou simple négligence, continuait de repousser la date butoir, la décision qu’appréhendaient les Libanais s’est finalement abattue sur eux dévoilant une guerre de palais latente.
Cela faisait un moment que le chef de l’État et le gouverneur se regardaient en chiens de faïence, chacun attendant le moment opportun pour attaquer, contre-attaquer, ou simplement se prémunir contre l’autre. Les rumeurs font assumer depuis un certain temps à la présidence l’intention de vouloir se débarrasser – maintenant qu’il est devenu vulnérable du fait des nombreuses enquêtes judicaires dont il fait l’objet – de Riad Salamé à qui le régime veut faire porter la responsabilité de la crise. Baabda se défend en rappelant que personne ne peut toucher au gouverneur sans passer par une décision officielle qui n’est pas du ressort du chef de l’État.
On ne saura pas toutefois qui du président de la République ou du gouverneur a tendu un piège à l’autre dans cette affaire de levée des subventions. Ou s’il s’agit tout simplement de différents points de vue que chaque partie veut faire valoir.
Selon un communiqué du palais de Baabda concernant la réunion, qui s’est tenue hier avec le patron de la BDL, « le président Aoun a insisté sur le fait que la décision de lever les subventions a des conséquences socio-économiques graves sur tous les plans (...) ». Il a rappelé que le Conseil supérieur de défense qui s’est réuni hier n’a pris aucune décision au sujet des subventions car cela n’est pas dans ses prérogatives. Une manière claire pour la présidence de s’en laver les mains et de rejeter la balle dans le camp de M. Salamé.
Du côté de la BDL, on jure à qui veut l’entendre que cela fait plus de six mois que le gouverneur a prévenu et mis en garde qu’un jour, les fonds servant à soutenir les prix des carburants allaient s’épuiser. « Quel intérêt a Riad Salamé à renverser la table ? » s’interroge un proche de la banque centrale. « Cela fait des mois qu’il exhorte les responsables à prendre la décision adéquate », poursuit-il, en rappelant que le gouverneur a prévenu qu’il ne pouvait toucher par ailleurs aux réserves obligatoires sans avoir en main un texte de loi que le Parlement adopterait. Une interprétation de la réglementation en vigueur qui ne fait pas cependant l’unanimité.
La levée des subventions, arguent Baabda et la présidence du Conseil, devait se faire graduellement en attendant la mise en place de la carte d’approvisionnement pour les Libanais les plus démunis afin d’amortir le choc, un mécanisme qui n’a toujours pas été finalisé.
Si le timing choisi par le gouverneur pour annoncer sa décision au président est justifié dans ses milieux par le seul assèchement des fonds et par le fait qu’elle était à terme inévitable, il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’une décision prise unilatéralement. C’est ce que lui reprochent ses adversaires, avec à leur tête le chef du CPL qui, dans une démarche populiste, a appelé hier à une mobilisation populaire contre la décision du gouverneur de la Banque du Liban. Pour Gebran Bassil, une telle décision est clairement un complot ourdi par le gouverneur qui, maintenant que se décante le paysage politique et qu’un cabinet est sur le point d’être formé comme il le dit, craindrait l’avènement d’un audit financier à la BDL que réclame à cor et à cri le camp aouniste. Un optimisme que les développements en cours d’après-midi ont démenti. À sa sortie de Baabda et à l’issue de sa huitième réunion avec le président en vue de la formation du cabinet, le Premier ministre désigné s’est contenté de dire que les discussions se poursuivront la semaine prochaine. Une indication claire que le chef du CPL ne faisait qu’instrumentaliser la décision de M. Salamé.
« Lorsque la carte d’approvisionnement est devenue quasi prête et le gouvernement près d’être formé, le gouverneur a pris une décision explosive », a dit Gebran Bassil, lors d’une conférence de presse matinale, appelant le président et le Premier ministre sortant Hassane Diab ainsi que la population à « empêcher le complot ».
Joignant l’acte à la parole, le leader aouniste a donné le feu vert à ses partisans et sympathisants de se rassembler hier à 19h30 devant le domicile de Riad Salamé, pour protester contre la levée des subventions.
Qualifiant la décision du gouverneur d’« illégale » et prise de « manière unilatérale », Hassane Diab a pour sa part convoqué une réunion urgente en cours d’après-midi pour plancher sur la question. À l’issue de cette réunion, il a souligné dans un communiqué « l’importance et la nécessité de poursuivre la politique de subventions et d’entamer la rationalisation des subventions dès l’entrée en vigueur de la carte d’approvisionnement ». Il a également préconisé de prendre les mesures nécessaires pour trouver les moyens d’assurer une couverture légale à la poursuite des subventions. Les participants à la réunion ont aussi décidé la mise en œuvre immédiate de la loi sur la carte d’approvisionnement, sachant qu’il faut au moins deux mois pour parvenir à sa mise en place.
La décision de Riad Salamé a été condamnée par un large éventail de formations politiques, dont le Hezbollah, « car elle ne s’appuie sur aucun plan de sauvetage ». Seul le leader druze Walid Joumblatt a estimé qu’on ne peut plus échapper à la suppression des subventions qui profitent largement à la contrebande en direction de la Syrie, soulignant toutefois qu’elle devrait s’accompagner de mesures de soutien à la population.
commentaires (8)
Riad Salamé démissionnera le jour où il verra l’argent des déposant de la diaspora pris par la force par le gendre et le beau-père pour boucher les trous provisoirement avec cependant la condamnation pour l’éternité du liban à brûler en enfer!
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09 h 54, le 14 août 2021