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Nos Lecteurs ont la Parole

Quatre négations font une nation !

« Les peuples, bien qu’ignorants, sont capables de vérité. »

Machiavel, Discours, 1, 4.

Georges Naccache écrivait, le 10 mai 1949, son célèbre éditorial dans L’Orient sous le titre « Deux négations ne font pas une nation ». L’affirmation a servi ensuite de base, à tort nous semble-t-il, pour la critique du pacte de 1943, alors que Georges Naccache critiquait plutôt la politique des gouvernants. Les deux négations de 1943 concernaient l’Orient, d’une part, et l’Occident, d’autre part, ou, plus directement, le mandat français et la Syrie.

Mais les deux négations n’étaient pas complètes dans les perceptions politiques, car il y avait alors les frères, les jumeaux, la patrie arabe, « la cause » et « les causes », l’ennemi, les frères ennemis et, par-dessus tout, le diable avec lequel on s’allie pour se protéger du pire quand l’autre s’allie avec le frère devenu encombrant, l’ennemi, le cousin, l’oncle, ou autre parenté politique réelle ou équivoque.

À cause d’une perception équivoque dans la psychologie historique de la fraternité, de la qadiyya (cause) et des qadâya (causes) dans les questions de souveraineté, le Liban a cessé d’être une patrie pour devenir une sâha (scène) et, selon une expression violente de Farouk Moqaddem, un « trottoir » au sens péjoratif français.

Le problème se pose ainsi aujourd’hui après des années de guerres au pluriel, d’occupations et de cessez-le-feu pacifiques : les Libanais veulent-ils un Liban souverain ou un Liban arène et trottoir ? Les exhortations au « dialogue » ne servent à rien, car ce genre de question ne peut s’accommoder de palabres. Ce qui importe, ce n’est pas ce qu’on dit, mais ce qu’on mijote, ce qu’on fait sur le terrain et ce qu’on a profondément intériorisé de l’expérience historique cumulée. La seule chance de faire revivre l’État libanais indépendant réside dans quatre négations : non à quatre occupations au Liban, israélienne, palestinienne, syrienne et iranienne.

Pour Israël, c’est déjà compris et admis, et arrêtons les surenchères ! Pour les Palestiniens, le combat se déroule en Palestine, et si l’implantation est un gros risque, c’est encore un plus gros danger que de l’exploiter comme épouvantail pour justifier des hégémonies extérieures. Reste le retrait de l’armée syrienne et de ses services de renseignements infiltrés dans tous les rouages de la vie nationale. L’Accord du Caire de 1969, au moins pour une « cause » palestinienne et arabe, a débouché sur des guerres multinationales en 1975-1990 et leurs séquelles jusqu’au retrait militaire de l’armée syrienne du Liban.

L’alliance de Mar Mikhaël du 6 février 2006 est un nouvel Accord du Caire, revisité entre une formation politique interne et une armée-parti liée par son armement et sa diplomatie à la République islamique d’Iran. Pour quelle « cause » ? Le Hezbollah, après la libération de l’occupation ennemie israélienne, va-t-il en tirer les leçons et contribuer à baisser, enfin, le rideau de la scène (sâha) libanaise, du pays captif, otage des guerres « pour les autres »? Ou va-t-il garder la scène libanaise ouverte en tant que carte pour un enjeu régional islamique iranien ? Le Liban d’ailleurs n’est plus une carte, mais plutôt une carte piège et perdante.

Les quatre forces sont, en termes de droit international, des occupations. La résolution 520 du Conseil de sécurité invitait au retrait de toutes les forces étrangères du Liban. La résolution 1559 en fait de même. S’il y a une différence entre l’ennemi et les frères, c’est en matière d’échanges et de rapports diplomatiques, et non de souveraineté.

L’entente s’exprime par l’accord sur la souveraineté dans les relations extérieures, par une seule voix, en raison du caractère dichotomique, absolu et indivisible de la souveraineté, et afin d’éviter l’exploitation extérieure d’une divergence interne. Le consensus de base tourne autour de l’adhésion en profondeur aux quatre négations, sans tergiversation, sans byzantinisme et sans fraternité, sans équidistance, car il n’y a pas de fraternité en politique, ni surtout en souveraineté.

L’entente nationale est manifeste, surtout au cours de la journée historique du 14 mars 2005, la plus importante de toute l’histoire du Liban, après l’attentat terroriste contre le président Rafic Hariri et son convoi.

Le contrat social rallie autour de la notion sans équivoque de souveraineté.

Un petit pays comme le Liban, dans le système international d’aujourd’hui et pénétré de l’extérieur, ne peut se consolider intérieurement et assurer sa survie sans une attitude d’extrême prudence à l’égard de l’environnement. Les mentalités du protectorat, de l’alliance des minorités, de « démocratie ethnique » à la manière sioniste, … sont merveilleuses pour la mobilisation démagogique, mais elles ne marchent pas pour un petit pays dans le système international d’aujourd’hui.

Le consensus historique en vue de la souveraineté réside dans les quatre négations. À défaut, la reconstitution de la coexistence est aléatoire. Ceux qui ne participent pas, en paroles, par leur action politique ou par leur silence, à ces quatre négations s’isolent et n’auront pas, en tout cas, un plus grand quota dans un simili-État occupé.

Il a fallu, malheureusement, l’attentat terroriste du 14 février 2005, crime organisé et acte guerrier contre le président Rafic Hariri, précédé et suivi d’autres attentats, la dualité étatique actuelle avec une armée-parti liée par son armement et sa diplomatie à la République islamique d’Iran, le pourrissement généralisé, … pour que les Libanais ressentent dans leur chair (pas encore assez) la menace qui pèse sur la nation occupée.

Samir Frangié partageait les Libanais non entre musulmans et chrétiens, mais entre ceux qui ont appris des guerres multinationales et ceux qui n’ont pas appris. Assez de palabres légalistes sur la neutralité.

Les Libanais vont-ils, enfin, apprendre ?

Chaire Uneco – USJ

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

« Les peuples, bien qu’ignorants, sont capables de vérité. » Machiavel, Discours, 1, 4.Georges Naccache écrivait, le 10 mai 1949, son célèbre éditorial dans L’Orient sous le titre « Deux négations ne font pas une nation ». L’affirmation a servi ensuite de base, à tort nous semble-t-il, pour la critique du pacte de 1943, alors que Georges Naccache critiquait...

commentaires (1)

comme un ami vient a l'instant de me le rappeler, malgre TOUT, en depit des VERITES claires et precises quant a la responsabilite de Kellon, cet ami me rappelle qu'a jour les libanais sont divises, les uns accusent ceux-ci, les autres ceux-la, les uns adulent ceux-ci les autres ceux-la, les libanais n'ont pas encore admis que KELLON YAANI KELLON !

Gaby SIOUFI

10 h 17, le 05 août 2021

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Commentaires (1)

  • comme un ami vient a l'instant de me le rappeler, malgre TOUT, en depit des VERITES claires et precises quant a la responsabilite de Kellon, cet ami me rappelle qu'a jour les libanais sont divises, les uns accusent ceux-ci, les autres ceux-la, les uns adulent ceux-ci les autres ceux-la, les libanais n'ont pas encore admis que KELLON YAANI KELLON !

    Gaby SIOUFI

    10 h 17, le 05 août 2021

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